Cet après midi, j’ai été revoir notre nounou anglaise, comme j’aime la surnommer, et ce bien qu’elle ait largement passé l’âge pour cette fonction !

Je l’apprécie de plus en plus. Toujours une gentille attention, toujours un sourire. Elle chasse les nuages de mon existence.

Bryan n’était pas venu, il devait peaufiner la dernière relecture de son manuscrit. J’ai hâte qu’il commence son nouveau roman, car je n’aime pas celui-ci, trop sombre pour moi. Je sais que les gens adorent se faire peur, mais franchement je ne vois pas l’intérêt de ces excès de violence. Chaque mot couché ressemble à un cadavre et la folie des personnages se marie à l’ambiance oppressante des lieux.

La face sombre de Chicago l’a happé, torturé et il a accouché de cette intrigue dont la tension s’intensifie au gré des pages pour terminer dans une immoralité la plus totale.

Mais bon, c’est désormais terminé, il est temps de prendre un nouveau départ.

Ici, la campagne est chaleureuse, tout comme les habitants. Nous retrouvons enfin la proximité d’une petite ville avec des voisins qui ne demandent qu’à s'entraider.

Le climat n’est pas plus rude que dans la métropole et ici les visages ne sont pas que des anonymes noyés dans la masse.

Je n’ai juste pas compris pourquoi il n’a achevé ce livre à Chicago. Les écrivains sont parfois d’un compliqué !

…

Margy m’a montré avec fierté son empire comme elle aime l’appeler avec douceur et nostalgie, ce terme lui rappelle son époux —en fait, c’était l’une de ses blagues préférées — et je me sens privilégiée de partager un pan de sa vie avec elle.

Des maïs à perte de vue, dans laquelle on se cachait lorsqu’on était enfant, voire plus âgé, m’adressa-t-elle avec un clin d’œil complice. J’ai tout de suite pensé à mes propres seize ans, aux premiers émois dans des champs similaires, à goûter le fruit défendu, le soleil caressant nos peaux, la chaleur de l’astre se mêlant à l’ardeur de nos corps. Notre première fois.

Je me sens bien ici. Si bien.

Tel le phénix, notre amour renaîtra.