Chapitre 1 : BIENVENUE AU ROYAUME KONGO (Vers 1483)
Le soleil se couchait lentement sur les plaines du royaume du Kongo. La lumière dorée filtrait à travers les grandes palmes des palétuviers, éclairant la silhouette imposante des mangroves qui bordaient le fleuve Kwanza. Le vent soufflait doucement, faisant frémir les toitures en palmier tressé des huttes rondes qui se dressaient ici et là dans le village. Des champs verdoyants s'étendaient, parsemés de cultures de manioc, de maïs et de bananiers, témoignages d'une terre fertile et d'un peuple qui vivait en harmonie avec la nature.
Les maisons, petites et sommaires, étaient couvertes de palmes tressées et de bambou. Les chefs de famille vivaient dans des habitations plus grandes, souvent décorées de symboles sacrés peints à même les murs, en terre cuite. Ces murs étaient ornés de sculptures en bois représentant les ancêtres et les esprits protecteurs. Les portes étaient souvent décorées de métal forgé ou de coquillages, utilisés comme symboles de protection ou de statut social. À l'intérieur, les familles se rassemblaient autour de grands foyers faits de pierres noires, où le feu ne cessait jamais de brûler, crépitant lentement pour réchauffer l’air au crépuscule.
Dans les grandes plaines ouvertes, les généralités et les marchands se rencontraient sous l’ombre des arbres immenses, proches des places publiques, pour discuter des affaires courantes. Là, des sacrificateurs tenaient des rituels et des cérémonies pour honorer les esprits des ancêtres et demander leur bénédiction pour les récoltes ou les batailles à venir.
Sous un grand baobab, plusieurs chefs et guerriers se retrouvaient autour du feu. Les discussions allaient bon train, rythmées par les éclats du feu et les chants des enfants qui jouaient non loin. Parmi eux se trouvait Nzinga a Nkuwu (46 ans à l’epoque), le roi du Kongo, un homme respecté pour sa sagesse et son autorité, et son fils, Nzinga a Mvemba (baptisé plus tard par les catholiques portugais : Alphonse 1er. Ici je préfère utiliser son nom blanc et je vous expliquerai le pourquoi), qui se préparait à prendre sa place .
"Le vent du changement souffle, Père," dit Afonso, son regard s’assombrissant. "Les blancs... je les ai vus sur les rives, au loin. Ils portent des vêtements étranges et parlent une langue que je n’ai jamais entendue. Leur présence ici pourrait signifier des jours sombres pour notre royaume."
Nzinga a Nkuwu, le regard perdu dans les flammes, répondit lentement. "Les étrangers arrivent, Mvemba a Nzinga. Mais il n’y a rien à craindre si nous restons unis. La force de notre peuple vient de notre solidarité et de notre foi dans les ancêtres."
Mvemba a Nzinga ( 26 ans ) fixa son père, les sourcils froncés, hésitant. "Mais comment pouvons-nous repousser ce qui est déjà là ? Leurs bateaux sont plus grands que tout ce que nous avons vu. Et ils portent des objets en métal que nos forgerons ne peuvent imiter. Ils sont venus pour échanger, mais qu'est-ce qu'ils veulent vraiment ?"
"Nous devons les écouter, oui," répondit le roi, enroulant son bras autour de l'épaule de son fils. "Mais nous devons aussi leur montrer la puissance de notre culture, nos traditions, et nos valeurs. Ce qui est fait dans l'ombre peut être renversé par ce qui brille sous le soleil."
A quelques pas de là, une danse traditionnelle se préparait. Les jeunes femmes et hommes se préparaient à célébrer la récolte du millet, un événement majeur dans la vie du royaume. Les tambours résonnaient déjà à travers la vallée, accompagnés de chants vibrants, d'une énergie palpable.
Les femmes étaient vêtues de robes en étoffes colorées, tissées à la main, parfois décorées de perles en os ou en bois. Leurs cheveux étaient tressés de manière complexe, ornés de fleurs et de coquillages qu'elles collectaient lors de leurs voyages. Elles dansaient autour du feu, leurs gestes fluides et harmonieux, exécutant des mouvements circulaires qui symbolisaient le cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Les hommes, de leur côté, portaient des pagnes faits de tissus naturels, ainsi que des colliers et des bracelets en cuir et en métal, pour montrer leur force et leur courage.
Les anciens étaient assis près du cercle de danse, leurs regards fixés sur le spectacle, suivant chaque mouvement avec un sourire satisfait, reconnaissant dans la danse les anciennes traditions transmises de génération en génération.
Les chants, à la fois graves et puissants, résonnaient dans la nuit. Les voix des hommes et des femmes se mêlaient dans une harmonie parfaite, racontant les histoires des ancêtres et des batailles qu'ils avaient menées. Chacun de ces chants portait en lui un appel à l’esprit du passé, à la protection divine et à la préservation du royaume face à l’inconnu.
Un jeune homme, Mambo, l'un des grands danseurs, se tourna vers un groupe de guerriers et de chefs réunis non loin de là. Il savait que ce soir-là, un des plus anciens rituels du royaume allait se dérouler : la cérémonie des ancêtres, où chacun d'entre eux demanderait bénédiction et protection pour l’année à venir. Il s’approcha du groupe et, après une salutation respectueuse, demanda à un des anciens, Kimbuka, ce que signifiait la venue de ces étrangers.
"Les étrangers viennent avec des trésors," dit Kimbuka, d'une voix grave. "Mais tout ce qui brille n'est pas or. Nous devons nous préparer à ce qui pourrait être une longue épreuve."
Les regards se croisèrent, un frisson de préoccupation parcourant le groupe. La réalité de ce que les étrangers pourraient représenter n’était plus un secret pour les anciens du royaume. Mais les paroles de Kimbuka semblaient portées par la sagesse de ceux qui avaient vu des siècles de paix et de luttes. Leur réflexion était remplie de prudence, de calme. Les rites devaient avoir lieu, comme toujours, mais dans cette nuit paisible se cachait un doute grandissant.
"Ils ne peuvent pas nous prendre si nous ne le permettons pas," déclara Nzinga a Nkuwu, son regard porteur de sagesse. "Nous devons les affronter avec la force de nos ancêtres et la conviction de notre héritage."
Ainsi, la fête continua, et le royaume se préparait inconsciemment à l’invasion d’une nouvelle ère, une ère qui ne leur permettrait peut-être plus de danser de cette manière.
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