Chapitre 19 : MENACE DE MORT
Isabelle Walford se tenait dans le grand hall de la demeure de William McGraham, ses yeux parcourant les murs de la pièce. Le sol en marbre poli reflétait les lueurs tremblantes des chandelles, créant des ombres étranges sur les meubles d’époque. Tout dans cette maison respirait le luxe, l’opulence. Pourtant, en ce moment précis, le luxe semblait dérisoire face à ce qu’elle allait affronter ici.
Elle avait accepté l'invitation de William, espérant peut-être que cette rencontre pourrait être une simple formalité, un échange d’idées mondaines comme tant d’autres avant lui. Mais aujourd’hui, quelque chose dans son regard, quelque chose dans l’air, semblait présager une autre tournure. Son cœur battait plus vite, une sensation d’inquiétude qui l’étreignait depuis son arrivée.
William McGraham, l’homme d’affaires influent, se leva lentement de son fauteuil. Son visage, pourtant habituellement impassible, était marqué par une ténacité glacée. Il s’approcha d’elle, son regard perçant fixant la jeune femme avec une intensité qui la fit frissonner.
"Isabelle, tu sais que je t’admire profondément," commença-t-il, sa voix d'abord douce, presque prévenante. "Tu es brillante, magnifique, et pourtant… Il y a une ombre qui plane sur toi."
Isabelle baissa légèrement les yeux, un malaise s’installant. Elle savait où cette conversation allait mener. Il suffisait qu’il prononce le nom de lui, cet homme qu’elle aimait plus que tout, celui qui l’avait transformée, celle qui lui avait appris à voir au-delà des apparences, au-delà des préjugés. Mais elle avait déjà pris sa décision. Elle était prête à affronter cette tempête.
Elle se redressa et croisa les bras, se préparant à la confrontation. "Je n’ai pas le temps pour ce genre de discussions, William," dit-elle d’une voix ferme. "J’ai déjà répondu à tes propositions. Et la réponse est toujours la même."
Il la fixa un instant, comme s’il analysait ses mots, ses gestes. Puis, lentement, un sourire ironique se dessina sur son visage. "Tu parles toujours de lui, n’est-ce pas ? Ce noir, cet esclave," dit-il avec une froideur qui fit frissonner Isabelle jusqu’aux os. "Tu le mets sur un piédestal, comme s’il était ton égal."
Elle se leva brusquement, le sang bouillant dans ses veines. Ses mains se serrèrent, mais sa voix restait calme, malgré la tempête qui grondait à l’intérieur d’elle. "Je n’ai jamais dit qu’il était ton égal dans le sens que tu veux faire entendre. Mais il est un homme, William. Un homme comme toi, ou comme n’importe qui d’autre. Et il mérite le respect."
William la dévisagea, d'abord étonné, puis furieux. "Alors, c’est donc lui qui te fait rejeter mes avances ? C’est à cause de lui que tu refuses de voir la réalité ?" Sa voix monta en intensité, chaque mot frappant l’air comme une cloche, un coup violent. "Tu es aveuglée, Isabelle. Par un homme qui n’a pas de place dans ta vie. Il n’a aucune valeur. Un noir, un esclave. Tu veux vraiment continuer à vivre pour lui ?"
Les mots de William étaient comme des coups de fouet. Isabelle serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans la paume de ses mains. Chaque fibre de son être lui criait de répondre, de se défendre. Mais elle savait qu'il fallait plus que des mots pour lui faire comprendre. Elle le regarda dans les yeux et répondit d’une voix ferme, pleine de détermination.
"Je ne te laisserai pas me dicter ma vie. Je choisis Charles, encore et toujours. Et je te le répète : ce n’est pas à cause de lui, c’est grâce à lui que je suis devenue celle que je suis. Si tu penses qu'il ne mérite pas mon amour, alors tu ne sais rien de ce qu’est l’amour, William."
Il éclata d’un rire amer, une colère noire déformant son visage. "Tu vois, Isabelle," dit-il en approchant lentement, "je t'offre tout ce que tu peux rêver, et toi, tu préfères choisir un esclave." Il donna un coup de poing sur la table en bois massif, faisant trembler la pièce sous la violence de son geste. "Tu veux me dire que cet homme, cet Africain, cet esclave, mérite de t’avoir ?! Tu veux t'humilier à ce point ?!"
Isabelle le regarda sans faiblir, son cœur battant avec une force qu'elle n'avait jamais ressentie. "Je ne t'humilie pas, William. C’est toi qui n’arrives pas à comprendre qu’un homme n’est pas défini par la couleur de sa peau, mais par ce qu’il porte en lui. Charles est mon homme, et je ne suis pas prête à abandonner cela."
À ces mots, la rage dans le visage de William devint insupportable. Ses yeux brillaient d’une lueur meurtrière, et sa main, maintenant pleine de colère, s'abattit sur la table dans un bruit effroyable. "Je vais tuer ce noir." Sa voix était basse, remplie d’une fureur mal contrôlée, mais claire comme de l’acier. "Je vais tuer ce noir, Isabelle."
Isabelle, prise de court par cette menace, se figea un instant, mais ne montra aucune peur. Elle savait que le danger était réel. Il l’avait dit avec une telle certitude, que l’air autour d’eux sembla se charger d’électricité.
Mais au fond d’elle, elle savait que ni lui ni personne ne pourrait jamais briser ce qu’elle ressentait pour Charles. Ni même les menaces, ni la haine de cet homme ne l’éloigneraient de son amour. Elle tourna les talons et, sans un mot, quitta la pièce, le cœur lourd, mais résolu. Le vent frais qui soufflait dehors caressait son visage, mais elle savait qu’à l’intérieur, un feu ardent continuait de brûler pour celui qu'elle aimait.
En s’éloignant de la maison de William McGraham, une seule pensée habitait son esprit : Rien ni personne ne pourra nous séparer, Charles et moi.
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