Chapitre 3

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Cela faisait déjà trois heures qu’un débat politique était en cours et j’étais totalement perdue. Je ne comprenais ni au point de vue de Véra, ni à celui de ses conseillers. Épuisée par la nuit que j’avais passé, je m’endormais sur place. Lianna n’avait cessé de hurler à cause de ses cauchemars. Pour ne pas réveiller Véra, j’étais restée auprès de ma fille, la rassurant à chaque fois. Résultat, je n’avais que très peu dormi.


— Élia ? Ça va ? m’interrogea Véra entre deux arguments.

— Oui, oui.

— Et si nous faisions une pose, Messieurs ? Reprenons dans dix minutes.


Les conseillers sortirent et je m’effondrais sur la table, la tête dans les bras.


— Tu es sûr que ça va, mon ange ? redemanda-t-elle en posant sa veste sur mes épaules.

— Je suis juste fatiguée. Lianna a mal dormi et moi aussi.

— Tu auras dû me le dire, je t’aurais libérée.

— Que vont penser tes conseillers ?

— Va te coucher, Élia.

— Je peux tenir, si vous terminez vite.

— Pas sûr qu’on arrive à se mettre d’accord sur cette loi avant un moment. Debout, c’est un ordre.


Souriante, je m’exécutais. Elle glissa un bras autour de mes épaules et avant même d’avoir pu dire ouf, elle me portait sans ses bras.


— Maintenant, tu vas aller te coucher.

— Tu vas me porter jusqu’au lit ? rougissais-je.

— Oh oui.

— Je ne suis pas trop lourde ?

— Maigre comme tu es, ça ne risque pas. Il va falloir manger un peu plus, Ma Reine.


Sous le regard amusé des domestiques, on remonta dans l’antichambre. Véra avait eu raison de m’obliger à retourner me coucher. Je m’endormais dans ses bras. Elle me posa sur le lit, attendit que je remette ma chemise de nuit avant de me border, comme elle le faisait avec notre fille.


— Je m’occuperais de Lianna, ne t’inquiète pas.

— Merci mon amour.

— Repose-toi.


Elle m’embrassa sur le front, tira les rideaux puis sortit de la chambre. Dans le noir, dans une pièce silencieuse et surtout épuisée, je m’endormis aussitôt. D’un sommeil apaisé, sans rêve, mais surtout, sans cauchemars.

À mon réveil, je me sentais enfin reposé. J’entendis des éclats de rire à l’extérieur et ouvert les rideaux pour la fenêtre. Lianna et Véra jouaient entre les parterres de roses. Lianna courrait et Véra essayait de l’attraper. Je pris appui sur le rebord de la fenêtre pour les observer. Elles étaient heureuses, j’étais heureuse de les voir sourire, de les entendre rire. J’aimais la famille que nous avions commencé à construire. Je refermais la fenêtre, me rhabillais et sortis. Liva était là, occupée à faire un peu de ménage.


— Avez-vous bien dormi, Mademoiselle ? m’interrogea-t-elle.

— Oui, merci.

— Souhaitez-vous manger quelque chose ? Il est déjà quatorze heures.

— Oui, merci. La réunion de Véra s’est bien terminée ?

— Pas vraiment. Les conseillers sont partis en colère.

— Je vais la rejoindre alors.

— Je vous apporte un sandwich ?

— C’est parfait. Merci Liva.


Je récupérais un gilet dans ma garde-robe et descendis rejoindre ma famille. Je n’avais aucune appréhension à sortir. Je me sentais enfin apaisé. Cette fois-ci, mes deux amours étaient allongées sur le dos, observant le ciel.


— Tu vois ce nuage, chérie. On dirait un tracteur.


Ma fille explosa de rire et se plia en deux. Véra se tourna sur le côté, la tête soutenue par son poing. Elle me remarqua et me sourit.


— Regarde qui vient d’arriver, chaton.


Lianna arrêta de rire, se tourna vers moi et se releva aussitôt.


— Lia ! s’exclama-t-elle.


Elle courut dans mes bras et je la serrai fort contre moi. Quand Véra nous rejoint, je me mis à pleurer sans vraiment savoir pourquoi. Enfin si, je pleurais de joie. Lianna aperçut mes larmes et rigola à nouveau, elle a compris. Ma fiancée, par contre, était perdue.


— Qu’est-ce qui ne va pas, mon ange ?

— Au contraire, tout va très bien. Vous voir jouer toutes les deux… je vous aime tellement.

Je t’aime aussi, ma Reine.

— T’aime Lia ! Non, atta. Je t’aime, mama.


Mes larmes s’accélèrent. Lianna avait pris le temps de parler correctement. Mais surtout, elle m’avait appelée maman, pour la première fois. Tout était parfait.


— Et si on sortait ? proposa Véra.

— En ville ?

— Pour faire vos couronnes et diadèmes.

— Je…

— Est-ce que tu veux avoir une couronne de princesse, chaton ?

— Oui ! s’exclama ma fille, ravie.


Véra m’avait prise à mon propre piège. Lianna voulait sortir, je devais sortir. Joueuse, mais surtout parce que je lui faisais confiance, j’acceptais.


— C’est vicieux, Véra. Tu n’as pas de travail ? tentais-je.

— Non. J’ai l’après-midi réservé à ma famille.

— Alors, allons-y.

— Tu conduis ? enchaîna Véra avec un sourire diabolique.

— Heu…

— Super !


Je soupirais d’exaspération et Véra rigola. Adolescente, je détestais qu’on me dise quoi faire. Mais aujourd’hui, quand ça venait de ma fiancée, je n’arrivais pas à lui dire non. Elle avait se pouvoir sur moi. Je posais Lianna, pris sa main dans la mienne et Véra en fit de même. Notre fille entre nous deux, nous avions l’air d’une vraie famille. Il ne manquait plus que le mariage pour que ce soit officiel. En chemin, on croisa Liva avec mon repas. Je restais dans la cour avec Lianna, le temps que Véra prépare notre sortie. Ma fille grignota dans mon sandwich, telle une petite souris.


— Lia, parler avec toi, moi, commença ma fille en s’asseyant sur le banc avec moi.

— Je t’écoute, p’tit chat.

— Toi et mama, à moi.

— Oui, on est toutes les deux tes mamans.

— Alors moi princesse ?

— Tu es une vraie princesse, oui. Parce que maman est l’Impératrice.

— A école, copine bébé garçon.

— Ta copine à un petit frère ?

— Oui ! Est-ça ! p’tit fère.

— Est-ce que tu me dis ça parce que toi aussi, tu veux un petit frère ou une petite sœur ?

— Non ! Mama et toi à moi.

— Mais tu es jalouse, mon bébé. Pourquoi tu ne veux pas ?

— Veux que pour moi.

— Je m’occuperais toujours de toi, p’tit chat. Même avec un autre enfant. Tu es ma fille, Lianna, ça ne changera jamais. Je t’aime autant que j’aimerais un autre bébé. Et je suis sûr que tu feras une excellente grande sœur. Mais on en reparlera le moment venu, d’accord ?

— Accord.


Elle se lova dans mes bras et Véra nous rejoignit. Avec cette discussion avec Lianna, j’avais d’autant plus pris conscience de sa place dans ma famille. Elle était ma fille à part entière, comme si elle était de mon sang et le ressentait de la même façon. Mais surtout, elle avait peur que je la remplace par ma vraie fille biologique, que je la mette de côté jusqu’à ce qu’elle finisse par se sentir abandonnée. Ce que je ne laisserais jamais arriver. Mais elle était encore trop jeune pour comprendre les liens fraternels, les liens familiaux.

Dès qu’on fut prête, Véra installa Lianna dans son siège auto, à l’arrière de la voiture d’apprentissage, tandis que je m’installais côté conducteur. Dans cette voiture, Véra avait accès aux pédales. Pour ce premier cours de conduite, je ne maniais que le volant.


— Tu te débrouilles bien. Pour le prochain virage, ne tourne pas trop tôt sinon tu monteras sur le trottoir. Je vais ralentir la voiture pour que tu puisses prendre ton temps.

— Tu as obtenu le permis quand ? Je ne t’ai jamais vu conduire.

— A dix-huit ans. Je l’ai obtenue après être montée sur le trône, mais apprise avant.

— Tu as appris avec l’armée ?

— Oui et non. Je conduisais surtout avec mon père et de temps en temps avec ma mère, quand on ne se disputait pas.


Son téléphone sonna, mais elle ne le regarda qu’une fois arriver. Pendant que je me détachais, je la vie sourire et elle m’embrassa.


— Bonne nouvelle ?

— Il semblerait. Il va falloir organiser un bal. Mon frère à une annonce à faire.

— Vous vous reparlez ? Je suis contente.

— Il m’a été d’une grande aide lors de l’invasion. J’ai décidé de faire des efforts pour lui pardonner.

— Je suis fière de toi, mon amour.


Lianna d’entre nous, on entra dans une bijouterie. Véra expliqua ce qu’elle voulait et je la laissais faire. Tout ce que je voulais pour la mienne, c’était qu’elle soit légère.


— Mon ange ? Tu comptes retourner quand au Conservatoire ?

— Pourquoi pas demain ? Je crois que je suis prête.

— Super. Mais il va falloir te remplumer. Tu as la peau sur les os.

— J’ai perdu autant de poids ?

— Je dirais bien trois kilos.

— Oh non, ne dis pas ça.

— Et si on passait voir ma tante. Elle mange souvent gras. Je ne sais pas comment elle fait pour garder la ligne.

— Elle fait du sport, pas comme toi.


Ma future épouse me tira la langue et Lianna l’imita. En mois de deux, nous étions dans la voiture. Cette fois-ci, Véra conduisait. C’était la première fois que j’allais à l’agence de Lizéa. C’était un immense et magnifique bâtiment. À l’intérieur, une véritable fourmilière.


— Bonjour, Votre Majesté. À qui puis-je vous annoncer ? l’interrogea la réceptionniste.

— A ma tante, s’il vous plaît.


Elle décrocha le téléphone avant de nous rejoindre.


— Madame est dans une des salles de répétitions. Je vous accompagne.


À notre passage, toutes les mannequins nous saluèrent. Dans la salle de répétition, Lizéa entraînait une jeune fille de seize ans.


— Tatie !


Lianna nous surprit toute les trois en sautant dans les bras de Lizéa.


— Que me faut votre visite ?

— Élia à perdu du poids. Je me suis dit que tu étais la mieux placée pour ça.

— Évidemment. Un bon gros burger, ce sera parfait. Antonia, je te libère pour aujourd’hui. Tu as bien progressé.

— Merci, Madame.

— Venez les filles, allons à la cafétéria.

— Il y a des burgers ici ? m’étonnais-je.

— Comment crois-tu que mes filles soient si en forme ? Pas de privation et beaucoup de sport.

— Tu devrais prendre exemple, Véra, la taquinais-je.


Profitant d’un bon repas, je laissais la tante et la nièce discuter. Il était vrai que depuis l’enlèvement, je mangeais beaucoup moins. Mon manque d’appétit était l’une de mes cicatrices. Étant à l’agence de Lizéa, je lui demandais à lui parler seule à seule. Elle m’invita à la suivre dans son bureau.


— Je t’écoute ma belle.

— J’aimerais organiser un grand défilé-concert caritatif, en cadeau de mariage. Tu es célèbre, tu amèneras des mannequins. Iléna commence aussi à se faire connaître en tant que chanteuse.

— Tu lui en as parlé à ta sœur ?

— Pas encore. Je voulais ton avis.

— Ce serait une organisation montre, commenta-t-elle. Mais je suis partante et j’ai les fonds avec l’entreprise. J’ai actuellement vingt mannequins à l’agence, prête à participer, et cinq en formation. Fais-moi un dossier complet par écrit. Je m’occuperais de la logistique et de la tarification.

— Merci, Liz.

— Ton idée est géniale. Mais tu vas devoir te faire connaître en tant que danseuse.

— J’y compte bien.


On profita du reste de l’après-midi pour jouer au parc. Enfin, Lianna joua et Véra et moi l’observions, assises dans l’herbe. Nous étions toutes les trois heureuses et je le voyais sur nos visages.

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