À bord du Rêveur, au dessus de l'Océan, en route vers Léonéa.

Le Léonnéen avait le regard braqué sur l'horizon, un magnifique coucher de soleil. Il pensait à Karh. Il ne savait pas comment il ferait lui. Il le connaissait depuis tout petit et étaient inséparables. Il l'avait rencontré à l'âge de cinq ans. Karh en avait alors douze et était le frère d'une petite Léonéenne qui fréquentait la même école que lui. La pauvre, pensa-t-il. Elle s'est peut-être fait tuer elle aussi.

Le capitaine du vaisseau s'approcha de Leo, le sortant de ses pensées.

— Tu tiens le coup ? demanda-t-il.

— Je sais pas...

Kesselius attendit quelques secondes avant de continuer.

— Tout à l'heure, tu as dis que tu voulais retourner chez toi pour retrouver ta famille et celle de ton ami pour leur dire qu'il ne rentrera pas. Il est... ?

— Mort, oui. Tué par... Je ne sais même pas si ce sont les efdéèmois qui l'ont tué ou ces malfrats... J'ai failli me faire tuer moi aussi. Je suppose que j'ai de la chance d'être encore vivant.

— Je suis désolé pour ton ami, fit Kesselius.

— Vous avez d'autres nouvelles sur la guerre ? demanda Leo, changeant de sujet. À part Gryysh'a... il s'est passé autre chose ?

La question étonna Kesselius. Il était surprit qu'un si jeune Léonéen s'intéresse d'aussi prêt à l'avancée de la guerre. Les Humains du même âge n'étaient pas du tout intéressés par l'actualité et passaient leur temps à l'école ou chez eux à s'amuser seul ou entre amis.

— Eh bien c'est la guerre petit, lui répondit Kesselius en se plaçant à côté de lui. Il se passe des tas de choses tous les jours. En ce moment, c'est à Léonéa que ça bouge le plus. Sur le continent Pacifique, le Efdéème peine à avancer. En fait, c'est plus Lorage qui fait parler de lui en ce moment.

Leo resta silencieux. Il n'aimait pas parler de cet homme. Il le terrifiait peut-être encore plus que le Efdéème. Mais ce que Kesselius s'apprêtait à lui dévoiler allait piquer sa curiosité.

— Je l'ai déjà transporté à bord de ce vaisseau, tu sais ?

— Vous avez fait ça ? demanda Leo en tournant la tête vers le capitaine. Vous l'avez aidé ?

— Ouais... enfin c'était il y a longtemps. Il n'a pas toujours été l'homme qu'il est aujourd'hui. Quand je l'ai rencontré à Sylvestria, il y a dix ans, c'était un jeune homme perdu, qui souhaitait se rendre là où personne ne m'avait encore demandé que je l'y conduise.

— Quel genre d'endroit ? demanda Leo intéressé.

— Tu ne me croirais même pas si je te le disais... Enfin... tout ça c'est du passé. Je ne l'ai jamais revu depuis ce jour. J'ai rendu service à un garçon qui semblait plein de bonnes volontés... et quelques années plus tard, j'apprend qu'il s'est transformé en monstre.

— Pourquoi est-il devenu comme ça ?

Kesselius rit. Comment pouvait-il répondre à cette question ? Personne ne le pouvait à part Jack Lorage lui-même. Mais le capitaine du Rêveur s'essaya tout de même à une réponse.

— Je crois que ses pouvoirs lui sont tout simplement monté à la tête. Il est très puissant et du coup il se croit supérieur au reste du monde. C'est pas la première fois que ça arrive. Bien d'autres avant lui ont eu la folie des grandeurs et se sont cru meilleurs que les autres ou investis d'une quelconque quête sacrée.

— Mais... vous croyez que quelqu'un peut le battre ? Je veux dire, le tuer ou quelque chose ?

Leo ne le savait pas, mais en entendant cette question, un seul visage vint à l'esprit de Nathaniel. Celui d'une Elfe Paranormale qu'il avait également rencontré. C'est tout un passage de sa vie qui repassa furtivement dans ses pensées. Il se souvint de cette Elfe aux capacités incroyables. Cette "maîtresse de la Nature", Lady Naturia. Pour lui, aussi puissant que pouvait l'être Jack Lorage, il n'arriverait jamais à égaler la puissance de cette fille.

— J'en suis persuadé, répondit-il sans développer le fond de sa pensée.

— J'espère que vous avez raison, lui répondit le jeune léonéen qui cherchait un peu d'espoir en cette période sombre.