Chapitre 7
Nahla, Léonéa, 7 septembre 2000
En approchant Nahla, le Rêveur fut rejoint par deux chasseurs véerèmois qui l'escortèrent jusqu'à la piste d'atterrissage la plus proche. Après quoi, Leo put fouler le sol léonéen, pour la première fois depuis plusieurs mois, après avoir payé Kesselius. Ce dernier lui indiqua qu'il resterait un temps à Nahla, le temps de ravitailler son vaisseau et se reposer, lui et son équipage.
Avant la guerre, Nahla était une ville prospère, bâtie dans la savane, où il faisait bon vivre. Aujourd'hui, c'était une zone refuge accueillant des réfugiés des villes tombées sous l'emprise du Efdéème. Aux dernières nouvelles, trois villes étaient actuellement sous contrôle ennemi. Et il y en aurait probablement eu plus si le Véerème n'était pas intervenu.
Leurs troupes patrouillaient actuellement aux côtés des forces léonéennes. C'était la première fois que Leo en voyait. Ils portaient un plastron et des épaulières vertes kaki, un casque militaire humain standard protégeant le crâne, des genouillères et des grèves au niveau des tibias. Des pièces d'armure protégeaient également leurs bras. Leurs épaulières étaient décorées par une représentation du drapeau du Véerème : un rond jaune avec deux têtes de flèche jaunes également, partant de la gauche et de la droite du rond. Le tout sur un fond bleu.
Ils étaient moins impressionnants que l'armée léonéenne, les Humains étant plus petits et moins imposants. Mais leur présence, en plus d'avoir stoppé l'avancée du Efdéème et des Death Claws, rassurait la population. Leo connaissait la valeur des guerriers Léonéens. Grands, puissants et craints, les maîtres en parlaient parfois, en les dressant comme des modèles d'engagement et de courage. Mais, tout comme les autres Léonéens, il savait également que les Humains disposaient des meilleures armées du monde. Aucune autre espèce utopienne ne pouvait rivaliser avec le génie militaire humain. L'Homme ayant depuis plusieurs siècles déjà, dépassé l'Elfe.
Malgré la présence véerème, les habitants essayaient de maintenir un semblant de vie normale. Des marchands continuaient à vendre leurs produits dans des boutiques ou sur des étalages, bien qu'ils n'étaient parfois pas aussi bien ravitaillés qu'avant la guerre. Les bars, les cafés et les restaurants étaient ouverts. Seuls les maîtres avaient arrêté leurs enseignements lorsque le Efdéème eut dépassé la frontière entre les deux états. C'est précisement cette mesure qui permit à Leo de partir à l'aventure avec feu son ami Karh.
À Nahla, la guerre était à la fois proche et lointaine. Les combats avaient lieu à plusieurs centaines de kilomètres, mais les camps et la présence de l'allié véerèmois rappelaient à tous les habitants de Nahla, que leur quotidien pouvait basculer à tout instant.
Leo souhaitait savoir si sa famille avait réussi à quitter Gryysh'a. Lorsque le Efdéème déclara la guerre à Léonéa, lui et Karh avaient décidé de partir à l'aventure, loin de la frontière entre les deux pays. Mais leurs familles respectives, avaient décidé de rester, pensant que leur peuple était capable de repousser seul l'envahisseur. Elles s'étaient trompées.
— Excusez moi, dit Leo en accostant un garde Léonéen. Je voudrais retourner à Gryysh'a. Ma famille...
— Gryysh'a a été détruit petit, le coupa le garde. Conquis par le Efdéème et détruit par les Death Claws. Ou le contraire... Mais qu'importe. Les voyages vers ce qui reste du village sont strictement interdits par ordre du roi.
— Mais ma famille s'y trouvait, dit Leo les larmes aux yeux.
— Je suis désolé. Certains rescapés ont été conduits dans des camps, répondit le guerrier en indiquant un amas de tentes situé à plusieurs centaines de mètres des pistes d'atterrissage. Comme celui-là. Peut-être que ta famille s'y trouve.
Le petit Léonéen s'y précipita. Sur le chemin, il manqua de trébucher sur une pierre, les villes léonéennes n'étant pas goudronnées comme l'étaient leurs équivalents humaines.
Le camp avait été dressé le plus simplement possible : un groupe de tentes et de bâtiments préfabriqués, souvent de fabrication Impériale, le tout entouré par d'immense murs de béton, posés sur le sol, avec à chaque coin, un mirador.
Une fois arrivé à l'intérieur, Leo regarda dans toutes les directions, dans l'espoir d'apercevoir un visage familier. Il y avait des dizaines, peut-être des centaines de ses semblables. Mais aucun qu'il connaissait. Du moins il le croyait jusqu'à ce qu'il entende quelqu'un l'appeler.
— Grinder'r ? s'étonna Leo après s'être retourné vers l'origine de la voix.
— Je... je croyais que tu étais... enfin je veux dire... Tu es vivant ? Tu vas bien ?
— Je n'étais pas à Gryysh'a au moment de l'attaque.
— Ah non ?
— J'étais avec un ami sur le continent Pacifique.
— Ça fait plaisir de te voir, fit Grinder'r en le prenant dans ses bras puis en le relâchant.
Grinder'r était un Léonéen qui habitait le même quartier que Leo. Ils allaient également à la même école et avait suivis l'enseignement des mêmes maîtres, à deux années d'intervalles, Grinder'r étant de deux an son aîné.
— Tu sais où sont mes parents ? demanda Leo.
Son ami ne répondit rien.
— Tu sais où ils sont ? redemanda Leo.
— Ouais euh... Leo... Ta mère et ta soeur sont là, mais ton père...
Leo abaissa le regard, pensant comprendre que son père n'était plus.
— Je ne sais pas s'il est toujours vivant ou s'il est... enfin tu as compris, reprit Grinder'r. Mais en tout cas, il n'est pas là.
— Pas là ? Et ma mère et Nahara ? Où elles sont ?
— Suis, moi. Je vais te conduire à leur tente.
Leo profita du chemin pour interroger son amisur l'attaque de leur village.
— Comment ça s'est passé ? demanda-t-il.
— Les efdéèmois ont attaqué de nuit, répondit Grinder'r, devinant de quoi son ami voulait parler. Ils ont envoyé des guerriers lance-flamme. C'était un cauchemar... Il y avait le feu partout. Il y avait des cris, des rugissements. Leo... Tu as de la chance de ne pas avoir vécu ça. Nos guerriers ont tenté de les repousser, mais ils étaient trop nombeux. Les véerèmois sont arrivés juste à temps pour aider à évacuer le plus grand nombre. Mais trop tard pour repousser nos ennemis et sauver Gryysh'a. Ils les ont juste empêché de continuer leur avancée. Enfin c'est ce qu'on nous répète aux infos. Que sans eux, le Efdéème aurait sans doute déjà conquis tous le sud du royaume.
— Et les Death Claws ?
— On dit qu'ils sont arrivés après les efdéèmois. Mais je ne les ai pas vu heureusement, ma famille et moi, avions déjà quitté le village.
— On m'a dit que c'était eux qui avaient détruit Gryysh'a.
— C'est ce qu'on dit, oui. Mais honnêtement, avec ce que le Efdéème a fait, il ne restait de toute façon plus grand chose à détruire.
Lorsqu'il arriva en face de la tente où se trouvait une partie de sa famille, le stress monta d'un cran. Il craignait de devoir apprendre que son père ne s'en était pas tiré. Il remercia son ami avant d'avancer courageusement, jusqu'à entrer à l'intérieur de l'abris.
— Maman, fit-il en voyant sa mère assise sur une chaise.
— Leo ! cria sa petite soeur, hereuse de le revoir sain et sauf.
— Mon garçon, répondit sa mère en le prenant dans ses bras. Tu vas bien ?
— Où est papa ? demanda Leo, esquivant ainsi la question.
Sa mère attendit quelques secondes avant de lui répondre.
— Je... je ne sais pas.
Leo garda son regard plongé dans celui de sa mère qui comprit qu'il attendait plus d'explications qu'un simple "je ne sais pas".
— Quand les efdéèmois sont arrivés, une fois certain que moi et Nahara étions à bord d'un transport, il a décidé de rester, pour combattre. Je n'ai pas de nouvelles depuis.
Chez les Léonéens, il existait un principe selon lequel chaque individu devait, à l'âge de vingt ans, suivre une formation guerrière afin de pouvoir défendre sa famille ou le royaume. Lorsque le Efdéème envahit Gryysh'a, nombre de Léonéens civils se sont porté volontaire pour gonfler les rangs de l'armée. Malheureusement, cette mesure ne permit aux lions humanoïdes de triompher de leurs adversaires. Seule l'intervention de leurs alliés avait put bloquer l'avancée ennemie.
— Et ton ami ? reprit la mère. Karh... Il est revenu avec toi ?
— Il est mort maman. Il a été tué dans une fusillade entre la Force Ecarlate et... un autre groupe. Je ne sais même pas qui ils étaient.
— Je suis désolée Leo.
— Je revenu pour vous voir et prévenir ses parents. Ils ont réussi à fuir ?
— Oui, répondit la mère, abattue par la nouvelle. Ils sont dans l'une des tentes en face de la notre.
— Il faut que j'aille leur dire...
La mère de Leo lui indiqua l'endroit où se trouvait la famille de Karh. Après quoi, le jeune Léonéen, se remplit de courage pour aller leur annoncer la triste nouvelle.
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