Chapitre 22.5
22.5
Le Journal : "Un endroit agréable à vivre"
Le grand jour, mercredi 12 mai 2010, derniers instants à l'hôpital de Lake Town.
Je profite des dernières minutes qu'il me reste avant que Mr Grace arrive. Mes affaires que je gardais chez Karen ont déjà été transférées. J'ai juste un sac avec des médicaments, des bandages, une trousse de toilettes, quelques crayons et des bricoles.
Je peux enfin me déplacer sans fauteuil roulant. C'est ce que les médecins attendaient pour me faire sortir de l'hôpital. Que mon bras gauche soit assez solide pour supporter que je marche avec des béquilles. Ma jambe droite est maintenue par une attelle. Je ne suis pas encore guéri. Il faut encore que je fasse de la rééducation. Mais j'y suis presque. Presque au début de ma nouvelle vie.
Entre Lake Town et Daree, dans la voiture de Mr Grace, même jour.
Je suis assis sur la banquette arrière de la Jeep de Mr Grace. Il n'a pas voulu que je monte devant, il ne voulait pas me voir. Je comprends mais je me sens bête maintenant.
Quand il est arrivé à l'hôpital, il avait le visage fermé et il n'a pas prononcé un seul mot. Il m'a simplement salué d'un hochement de tête et m'a soulagé de mon sac à dos. On est descendus à l'accueil, il est allé régler les modalités avec le personnel pendant que je feuilletais un magazine dans la salle d'attente. J'ai eu l'impression de me prendre une baffe quand je suis sorti dehors. En dehors de l'hôpital, je veux dire. Cela faisait trois mois que j'y étais. L'air tiède que j'ai senti sur ma peau quand je suis sorti m'a arraché un soupir de soulagement. Le soleil était haut dans le ciel et j'avais envie d'aller courir avec Raylen dans les collines autour de Lake Town. Puis je me suis rappelé que Ray était mort. J'avais les larmes aux yeux quand je suis monté dans la voiture de Mr Grace.
Il m'a expliqué qu'il vivait dans une petite ville en périphérie de Lake Town appelée Daree. Il m'a dit que c'était un endroit agréable à vivre et qu'il y avait assez peu d'habitants pour que « tout le monde ou presque » se connaisse. Ça m'a pas trop rassuré. Ça veut dire que « tout le monde ou presque » sait ce que j'ai fait à la famille de Mr Grace.
On arrive à Daree en une quinzaine de minutes. Comme promis, c'est une petite ville constituée principalement de quartiers d'habitations. Je vois surtout des maisons familiales avec des jardins. Cette vision me laisse inquiet. Ce n'est pas le cadre de vie dans lequel j'ai grandi. C'est plutôt celui des enfants que je m'amuse à surnommer « les bourges » et qui fréquentent les établissements privés de Lake Town. Il va falloir que je m'intègre. Mr Grace m'a dit que je finirais ma sixième en prenant des cours personnalisés. Mais après je devrais aller au collège privé de Lake Town.
On vient de s'engager dans une longue rue à deux voies bordées de maisons à deux étages qui se ressemblent et possèdent un jardin. Mr Grace arrête la voiture devant une de ces maisons. Il ne dit rien et reste immobile en fixant la route devant lui. « Tu notes tes observations ? » me demande-t-il alors que j'allais ranger le carnet. « Continue ».
Et il s'installe confortablement dans son siège et ferme les yeux, les bras croisés sur la poitrine. Bon, il me reste plus qu'à obéir. Jusque-là, rien de traumatisant. La maison de Mr Grace ressemble à celle de ses voisins. Elle a deux étages, possède un garage intégré. La façade est dorée, les volets rouges et des bacs de fleurs colorées bordent les fenêtres. C'est une jolie maison. Elle semble chaleureuse. Il y a une petite barrière qui délimite le jardin et il y a un amas de buissons touffus sur la gauche. Une allée en pierre mène au garage et un petit chemin dans le même genre permet l'accès à la porte d'entrée.
Cette maison me donne envie d'y vivre. Pas comme les anciennes habitations de mes précédentes familles d'accueil.
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