Je me réveille subitement, totalement paniquée. Sans que je ne saches pourquoi, mon cœur commence à battre plus vite que la normale. Je laisse mes yeux s'habituer à la pénombre et ce que je vois m'horrifie. Je suis dans le repère d'Amber et je sais d'avance que je ne sortirais pas d'ici avant qu'elle ne m'ai réduite en miettes. Enfin, si j'avais su ce qui se passerai après, j'aurais eu tendance à dire que je me serais réduite en miettes moi-même. J'examine la pièce dans laquelle je me trouve et bizarrement cette pièce me rappelle quelque chose, comme si je l'avais déjà vue. Aux allures de chambre d'enfant, les murs sont décorés de papier peint bleu et rose lacérées, des bouts de papier arrachés au sol, laissant voir la cloison d'où est inscrit "Je déteste Matt" suivi de traits, beaucoup de traits. Quelques meubles sont situés de part et d'autre tel qu'une vieille armoire abritant des vêtements de petite fille et des petites chaussures noires complètement usées. Une chaise à bascule se balance seule dans un coin et des rideaux tombent en lambeaux laissant entrevoir la lumière du jour par la fenêtre barricadée de planches et de clous. Cette pièce a été saccagée et tout son contenu répandu au sol. Des jouets en bois démontés sont lancés de part et d'autre de la pièce. Des feuilles de papier arrachés, remplis de dessins, de ratures, de textes et de gribouillis sont éparpillées un peu partout. Dans un fracas, la porte s'ouvre sur Amber, le visage rayonnant comme à son habitude. Elle balaie la pièce du regard avant de poser les yeux sur moi, assise au sol, au milieu de ce carnage :

• Tient donc Matt, comme on se retrouve ! Ca faisait longtemps tu ne crois pas ? Oh bien sûr tu ne te rappelle pas de grand chose, mais juste assez pour connaitre mon nom ! dit-elle en s'avançant doucement. Mais là, n'est pas le sujet !
• Qu'est ce que tu veux Amber ? Et c'est quoi cet endroit ? Pourquoi je suis ici ? Enfin je veux dire, comment est ce que je suis arrivée ici ?

Elle ricane doucement face à mes questionnements :

• Ahh ma petite Matt, si tu savais ce qu'il t'attendait . . . soupire t'elle. Mais tu ne le sais pas encore. Tu as eu une vie si complexe et compliquée n'est ce pas ? Avec des moments tragiques, je dirais même mortels ! Ta vie n'a été que misère . . . dit-elle en se mettant à chuchoter.

Dictant ses paroles, elle se rapproche près de moi, trop près, au point d'effleurer mon oreille :

• Je peux t'aider Matt ! Je peux te faire oublier ta peine et ta douleur ! Regarde moi et tout s'arrangera ! susurre t-elle au creux de mon oreille.

Je hoche la tête négativement. Je ne sais pas ce qu'elle fait mais je suis sûre que je n'ai pas besoin d'elle dans ma vie. Elle m'a tout l'air d'être une source de problèmes et je pense en avoir assez dans ma vie pour pouvoir en rajouter :

• Matt, soupire t-elle à nouveau, regarde toi, tu es anéantie, faible et tu n'as personne pour t'aider. Sais tu quel jour nous sommes aujourd'hui ? Le dix avril, et c'est ton trente-troisième anniversaire Matt, mais personne ne sera la pour le fêter avec toi, n'est ce pas ? Mais moi je suis là ! Laisse moi être cette personne avec qui tu vas pouvoir parler, te confier et pouvoir oublier ne serait-ce qu'un seul petit instant ta peine et ton désespoir. Je serais là pour toi, pour t'épauler. Je veux devenir ton amie Matt, je suis de ton côté, dit-elle d'une voix plus forte, comme pour me convaincre.

Inconsciemment mon visage se tourne vers elle. Amber est une jolie femme aux allures de mannequin. Blonde presque blanche, avec ses cheveux coupés dans un carré parfait, sa coupe lui donne un air sérieux. Avec ses yeux en amande au coloris gris, elle me fait penser à un fantôme a qui on aurait donné une beauté éblouissante. Ses lèvres sont a peine rosées laissant montrer ses dents parfaitement blanches et alignées. Ses joues, légèrement poudrées de rose relèvent des pommettes saillantes rendant son visage fin et délicat. Ne portant aucune couleur sombre, elle contraste avec celles de la pièce qui n'est seulement éclairée que par les faibles rayons du soleil qui tentent de transpercer la fenêtre barricadée. Toute habillée de blanc, elle porte une robe en dentelle lui arrivant au genou, légèrement serrée a la taille par une fine ceinture en cuir. Un gilet en laine couvre ses épaules nues et des ballerines complètent sa tenue. Sa peau est aussi blanche que la neige, même au soleil. Des petits bijoux ornent ses poignées fins accentuant la simplicité de la tenue. Une petite bague décorée de diamants agrémente la tenue d'Amber attirant les légers rayons du soleil.

Mon corps ne répond plus et mes yeux se dirigent vers le regard d'Amber qui arbore un sourire triomphant. Ils viennent s'accrocher a ses beaux yeux gris qui se sont changé en une couleur sombre, me plongeant dans un abîme sombre et sinistre, tombant dans un gouffre sans fin. Tandis que je me laisse aller, des cris de douleur atteignent mes oreilles et viennent vriller mes tympans, ne me laissant pas le choix que de porter mes mains a mon visage pour me protéger. Je hurle a la mort. Je ressens des douleurs me lancer dans tout le corps comme si des centaines de tiges en métal me perforaient la peau. Des décharges électriques résonnent dans mon crâne a m'en faire mal a la tête. Je tente de m'accrocher a quelque chose dans ma chute. Je me débat me disant que ce n'est qu'un affreux cauchemar et que je me réveillerai dans mon piteux appartement.

Mais les pincements aux bras et les douleurs que je ressens me prouve que tout ceci est réel.

• Allez Matt, laisse toi aller ! Tu ne peux plus rien faire maintenant. Laisse moi prendre le contrôle. Tu es devenue trop faible pour pouvoir te battre.

La voix forte et sévère d'Amber résonne et ne cesse de se répéter dans ma tête. Je suis fatiguée et a bout, je n'ai plus la force de me débattre face a elle. Mon corps lâche et continue sa chute vertigineuse vers le fond.

***

Toujours dans ma chute, je prie intérieurement pour qu'elle s'arrête et que je puisse toucher une surface plate. Je ne sais pas combien de temps je tombe, mais cela me parait comme des heures. D'un coup, mon dos heurte le sol et un petit cri de surprise sort de ma bouche. Je suis toujours dans le noir et laisse à mes yeux le temps de s'accoutumer à l'obscurité. Seules mes oreilles détectent des sons, des sortes de ronflements proche de moi.

Et là . . . stupeur . . . Comment ai-je pu me retrouver là ? Dans cette pièce ? Je me lève, tremblante de peur et observe la pièce. Il n'y a aucun doutes, c'est la chambre de mon ancien appartement. La pièce est sombre mais la lumière du réveil laisse apercevoir le mobilier de la chambre. Mon sac repose au sol tout près de la porte, mon bureau est dérangé par des factures qui trainent par ci par là. Mais ce qui me choque n'est pas tant la pièce dans laquelle je me trouve mais la personne avec qui je suis.

Mes yeux s'ouvrent en grand et je retombe au sol, défaite. Mes doigts trouvent mes cheveux et s'accrochent comme s'ils voulaient les arracher. Mon cerveau est en ébullition et je ne cesse de me questionner à m'en rendre malade. Ca ne peut pas être possible. J'ai bu trop d'alcool et je divague de trop, ce n'est pas possible autrement. Je tente de me calmer en vain. Réfléchissons : je suis dans mon ancienne chambre avec mon ancien moi mais ce sont sûrement des hallucinations. Je m'assois au centre de la pièce, mes jambes repliées et je me balance, m'efforçant de me rassurer sur la situation.

* * *

Cinq minutes passent, peut-être dix quand une alarme de réveil retentit dans la chambre marquant seize heures. Je me lève en sursaut, ne sachant que faire. Je regarde en direction du lit et vois ma propre personne se lever, s'étirant les bras. Je vois mon ancienne Matt balayer sa chambre du regard avant de se diriger vers son armoire. Première observation, elle ne me voit pas. Je m'évertue à comprendre ce qu'il m'arrive mais je n'y arrive pas. Serais je bloquée dans mon passé ? Oh non, l'horreur. Tout se met en place dans ma tête. Je comprends mieux pourquoi Amber disait que ma vie n'était que misère. Elle voulait me refaire vivre mon passé . . .

Le temps que mon ancien moi s'habille, je fais un tour dans mon appartement. A l'époque, celui-ci était clean et moderne, aujourd'hui c'est à peine s'il est meublé. Je passe par la cuisine et m'arrête sur le calendrier qui affiche le 23 février 2017. Bien évidemment, c'est à ce moment qu'Amber à décidé de m'envoyer. Je souffle, rangeant ma haine contre elle dans un coin de ma tête, et continue mon inspection. Tout est propre et bien rangé, la vaisselle du soir lavée, le linge mis à sécher et l'aspirateur passé. C'est dingue, qu'en cinq ans, tout se soit retourné contre moi. Mais mes pensées sont coupées par l'ancienne Matt qui déboule dans la cuisine, son téléphone à l'oreille.

• Oui Claire, je me suis endormie ! Je n'ai pas vu l'heure tourner mais j'arrive, je serais là dans une dizaine de minutes, je te promet ! dit-elle en raccrochant rapidement.

Elle récupère ses clés, ouvre la porte d'entrée et je m'y faufile avant qu'elle ne referme et dévale les escaliers moi à sa suite. Je décide de la suivre et de garder un bon souvenir avant d'affronter l'évènement de demain. Si elle m'a bloqué ici, autant avoir des réponses à mes questions. Je la suis à travers la foule jusqu'à rejoindre un café où Claire attend devant la façade lumineuse.

• Ah bah enfin, s'écrie t-elle joyeusement, tu en as pris du temps ! Je pensais que tu ne viendrais pas ! lui dit Claire avant de la prendre par le bras et de l'entrainer dans la boutique.

Le café est peuplé de jeunes qui profitent de leur dernier vendredi des vacances avec leurs amis avant de reprendre le cours de leurs habitudes, mais aussi de couples enlacés, discutant autour d'un verre ou d'une tasse de café. Un serveur déboule dans l'entrée, deux plateaux remplis de boissons chaudes et s'arrête devant nous, un grand sourire sur son visage :

• Bonjour les filles, j'suis désolé, je suis un peu débordé en ce moment mais Harry pourra vous trouver une table. Attendez le là, je vais le chercher ! Ah au faite, Claire, tu pourras dire à Maman que je ne serais pas là ce soir, je sors avec des potes ! Merci sœurette ! nous dit Jack avant de slalomer à travers les tables, distribuant ses différentes commandes.

Les deux filles hochent la tête avant de rire.

• Jack est toujours autant débordé à ce que je vois ! lance Matt.
• Oui, entre ses cours de fac, son petit job au café, les sorties avec ses potes et les soirées avec les filles, on ne le voit pas souvent, soupire Claire. Mais ça ne l'empêche pas de bien travailler, c'est même le préféré de ses professeurs ! continue t-elle sur une note plus joyeuse.

Avant même que je ne réponde, Harry arrive dans l'entrée d'une façon assez théâtrale :

• Hello, suivez moi je vais vous donner une table !

Elles se mettent à suivre Harry qui nous propose une table avant de s'éclipser, tandis qu'elles s'installent en souriant.

• Alors, tu as trouvé ta tenue ? demande Claire, la question lui brûlant les lèvres.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas de quoi elles parlent :

• Oui, j'ai trouvé une petite robe blanche qui s'accorde avec celle de ma mère et de ma sœur ! Ca va être incroyable ! Mais je ne pensais pas que l'organisation d'un mariage demandait autant de temps et d'investissements . . . se plaint Matt.

Mais oui, bien sûr, tout me revient maintenant. Mes parents avaient pour intention de se marier. Tout avait été organisé dans les moindres détails, les prénoms des plans de tables, les bouquets de fleurs en passant par le gâteau. Tout aurait dû être parfait ! Enfin jusqu'à maintenant !

Justine.H