Chapitre II

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Claire continue la discussion tandis que Matt sirote sa tasse fumante de thé à la menthe :

– Et, Thomas viendra avec toi ?

Aïe, encore un couteau dans le cœur . . . Lui aussi m'a vite abandonnée quand j'étais au plus bas. De toute façon, j'ai toujours su que notre relation ne tiendrait pas, alors sa fuite ne m' a pas étonné même si ça ne m'a pas empêché d'avoir mal. Aujourd'hui, plus rien ne m'étonne !

– Oui, mais je ne crois pas qu'il restera toute la soirée, il bosse très tôt du lendemain !

Claire acquiesce et boit sa tasse de chocolat chaud qu'elle a commandé. Elle était devenue ma meilleure amie en même pas deux semaines. Elle n'était pas comme les autres filles. Plus douce, pleine de bonne humeur et un petit côté farouche, elle était spéciale. Mais elle n'est pas partie de son plein gré. Elle a dû déménager en urgence pour rejoindre sa famille de l'autre côté de la planète. Une fois de plus je me suis retrouvée seule. Mais Claire était toujours là pour moi avant qu'elle ne parte loin. C'était la première à dire que "Demain est un autre jour !" ou encore " Ça ira mieux !". Elle ne cessait de m'encourager et de croire en moi.

C'est en quelque sorte grâce à elle si je suis encore en vie à l'heure d'aujourd'hui. Enfin vivre est un grand mot, puisque je ne sais même pas où je suis ! Je reste plantée devant leur table, ne sachant pas trop quoi faire d'autre. C'est une impression étrange de ne pas être vue aux yeux des gens et cela me gêne fortement. C'est comme si je n'existais pas, que j'étais invisible. Dans un sens ça ne change pas grand-chose, je ne compte plus pour personne. Il y'a bien longtemps que je suis invisible aux yeux de la société.

Amber est une femme étrange, dotée de pouvoirs dont personne ne connait les capacités. Je ne sais pas comment je la connais, mais nous avons partagé une vie en commun. Je ne saurais l'expliquer mais je le ressens au fond de moi. Pourtant j'ai beau rechercher loin dans ma mémoire, je ne retrouve rien qui ait un lien avec elle. Que sais je vraiment sur cette femme au final ? Pas grand-chose si ce n'est qu'elle a le pouvoir de contrôler la vie des gens, rentrer dans leur tête et les plonger dans leur passé.

Je me tiens toujours à côté d'elles, les bras ballants n'ayant d'autre choix que d'écouter leurs bavardages, enfin devrais je dire mes bavardages du passé. J'admire Claire parler avec un grand sourire. Elle me manque tellement. Depuis son déménagement je l'ai totalement perdue de vue. Avant, on s'appelait souvent mais quand j'étais au plus bas, je n'ai plus eu le goût de rien. Je me sentais obligée de vivre avec cette envie constante de partir dans un lieu où je ne pourrai plus rien ressentir.

Une fois, leur boisson finies, les jeunes femmes passent à la caisse et payent leur commande sous le regard amusé de Jack qui rappelle à Claire de ne pas oublier de prévenir sa mère pour ne pas qu'elle s'inquiète. Il nous fait un petit signe de la main avant de disparaitre dans la cuisine pour reprendre son service.

A la sortie du café, la pluie tombe drue et d'énormes flaques d'eau parsèment les trottoirs de la ville. Des gouttes d'eau tombent du ciel comme les feuilles d'automne tombent des arbres. Claire et Matt se mettent à courir, traversant la pluie, sous leurs éclats de rire. Je les suis, ne voulant pas les perdre de vue. Je me mets à courir, sautant au-dessus des flaques et franchissant la pluie. Je m'arrête subitement en plein milieu de la route, interloquée. Les gouttes d'eau ne glissent pas le long de mon corps pour rejoindre le sol, mais les traversent. Je tends la main et une goutte d'eau tombe et passe au travers de ma paume. Je ne suis qu'une pâle illusion et non un corps solide. Comme un fantôme. Je ferme les yeux et inspire un bon coup. Ma respiration devient saccadée et ma poitrine se lève et se rabaisse bien plus rapidement que la normale. Ma tête tourne et me fait mal. Une douleur transperce mon crâne, semblable à la première et un déchirement franchit mes lèvres trempées par les larmes salées de mon corps. Je suis découragée et je perds pieds. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi m'infliger ça ? Qu'ai-je fait pour qu'Amber s'acharne sur moi ? Je ne suis qu'une pauvre jeune femme, blessée par la vie et vivant dans la misère. Je n'ai pas la force de combattre face à Amber. Quitte à me blesser, mieux vaut le faire physiquement que mentalement. Elle a une maîtrise sur moi que personne n'a. Elle s'en sert comme une arme.

Une fois calmée, je me relève et rejoins mon appartement. Face à la porte, je tente de prendre la poignée sans succès. Ma main la traverse sans rencontrer d'objet solide. Je fronce les sourcils et presse la porte mais mon bras passe de l'autre côté. J'en déduis qu'il me suffit juste de passer à travers pour pouvoir entrer. Un regard vers l'horloge m'indiquant onze heures et demie du soir. Il me reste encore une nuit avant de rejoindre le laboratoire de mon père. C'est un moment que je ne souhaite pas revivre. Mais je me dois d'y assister afin d'avoir des réponses à des questions que je me suis posée depuis maintenant trop longtemps. De toute façon, je n'ai rien à perdre si ce n'est moi-même. Et puis aujourd'hui, qui a encore besoin de moi ? Qui se soucierait de mon absence au point de s'en inquiéter ? Personne, je n'ai plus personne sur qui véritablement compter, alors qu'est-ce que j'ai à perdre ?

Je débouche dans le salon quand Claire éclate de rire :

– T'as même failli te casser la figure quand tu as glissé dans la flaque d'eau !

Elles repartent dans un fou rire incontrôlable jusqu'à ce que Matt se mette à parler :

– Bon, je vais prendre ma douche parce que j'ai froid et je suis trempée ! Si tu veux des vêtements de rechange, n'hésites pas ! Sers toi dans l'armoire.

En effet les deux jeunes femmes ont leurs vêtements trempés et d'innombrables gouttes d'eau ruissellent de leurs cheveux. Claire se précipite devant un radiateur où elle laisse poser ses petites chaussettes grises. Claire est une jeune femme à la peau légèrement métisse. Ses longs cheveux bruns sont rassemblés en une fine tresse qui dégage son visage aux traits presque parfaits. Avec la présence d'un peu de maquillage, son visage la rend plus sage, plus innocente. Elle porte des lunettes à la monture sombre sans trop de chichis. Claire aime les choses simples, neutres et basiques. Elle n'apprécie pas beaucoup les couleurs et privilégie le blanc et le noir aux couleurs criardes. Elle aime particulièrement s'habiller de manière professionnelle, telle une businesswoman, mais elle sait aussi mettre des joggings les jours de pluie, et une magnifique robe lors d'évènements spéciaux. Claire et moi on était tellement différentes sur certaines choses mais pour la mode, on savait se mettre d'accord. Et pour cause, puisqu'elle adorait porter mes vêtements quand on sortait le soir.

Claire sautille d'impatience avant de rejoindre ma chambre, enfin la chambre de mon ancien moi. Je ne suis toujours pas habituée à voir mon ancien moi vivre sa vie normalement. Bien sûr, elle ne sait pas les futurs évènements ! Qui peut prédire l'avenir ? Mais comment pourrais je vivre normalement avec tout ce que j'ai vécu ? C'est tout simplement impossible. Rien ni personne ne pourra réparer tout le mal que la vie m'a causé ! Et après réflexion, je n'ai pas envie de m'habituer à vivre dans mon passé. Je ne sais toujours pas pourquoi je suis là d'ailleurs mais il faut que j'arrête de me prendre la tête pour ça. Je reviendrais forcément dans mon présent. Ce n'est qu'une question de temps. Je suis interrompue dans mes pensées par l'écho de la sonnette qui se fait entendre. J'entends Claire débouler dans le salon suite aux propos de Matt qui crie de la salle de bain :

– Claire, tu peux aller ouvrir ? Je n'en ai plus pour longtemps !

Elle ouvre la porte et Thomas attends devant l'embrasure, son sac à la main. Elle lui indique de rentrer et celui-ci s'installe dans le canapé.

– J'suppose qu'elle est sous la douche ? demande-t-il en levant les yeux au ciel.

– Comme toujours, s'exclame-t-elle en riant.

C'est vrai que je passais le plus clair de mon temps dans ma salle de bain. J'aimais prendre le temps de me préparer, de me sentir belle. C'était un de mes passe-temps favoris après les soirées. Eh oui, je faisais partie de ces filles qui sortent le soir en boîte de nuit. C'est d'ailleurs la bas que j'ai rencontré Thomas. Plutôt beau gosse, habillé en chemise blanche entrouverte laissant voir des muscles bien dessinés, il m'avait charmé. Il m'a invité à danser et ayant bu pas mal d'alcool, je vous laisse deviner comment ma soirée s'est terminée. Je ne suis pas une fille facile mais je sais très bien m'amuser. Malgré ça nous nous sommes revus et nous avons pas mal échangé par téléphone avant qu'il ne m'invite à sortir. On filait le parfait amour même si je savais qu'il n'était qu'éphémère, que ce n'était qu'un parmi tant d'autres. Mais ça ne m'a pas empêché de passer beaucoup de bons moments en sa compagnie. Le seul regret que j'ai de lui aujourd'hui, c'était son manque de présence. Aussitôt les problèmes arrivés, il a préféré prendre la fuite plutôt que d'assumer. Mais ça, ça vient plus tard. Si Amber souhaite me faire du mal, elle me fera revivre chaque période difficile de ma vie, cela ne fait aucun doutes. J'ai vécu assez de traumatismes pour pouvoir les revivre, et je ne comprends pas quel est son but si ce n'est de me rendre la vie dure et compliquée.

– Désolée, j'ai encore pris trop de temps sous la douche ! dit Matt en arrivant dans le salon pour embrasser Thomas.

– Pas grave ma belle, je t'en veux pas ! répond il en souriant.

– Bon, bah moi je vais peut-être rentrer, de toute façon, ma mère m'attends ! s'écrie Claire.

Elle rassemble ses affaires, remet ses chaussettes encore mouillées et enfile sa veste avant de me faire un rapide au revoir et de franchir la porte d'entrée. Elle est partie si vite ! Mais je lui en remercie ! Elle me laisse profiter de mon temps avec Thomas sans que je ne lui demande.

– Alors ça était ce matin ?

– Oui, Rémi est passé me voir ! Il est venu m'aider à réparer la voiture ! Elle nous a donné du fil à retordre mais finalement on a réussi à la remettre sur pied ! explique t-il fier de lui.

– Comme ça, tu pourras m'emmener au boulot au lieu de me laisser prendre les transports en commun, dis Matt en éclatant de rire devant son air faussement offensé.

– Ce n'est pas ma faute s'il y'avait un problème dans le moteur ! Je ne suis pas un mécanicien hein ! J'ai fait ce que j'ai pu pour être rapide ! se justifie-t-il.

– T'inquiète, continue Matt, je te taquine chou ! Ce n'est peut-être pas agréable de prendre le métro mais je m'en contente. Ce n'est pas un drame, le principal étant que tu as réussi à la réparer !

Il sourit et se rapproche d'elle, avant de l'encercler dans ses bras et de la serrer contre lui.

– Matt, tu sais que je t'aime ? Tu es tout pour moi !

Face à cette vision, mon cœur se serre et des larmes menacent de couler sur mes joues.

Justine.H

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