Chapitre III

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Je traverse la porte et me retrouve dans le couloir. Je croise mes anciens voisins mais passe devant eux, faisant comme s'ils n'étaient pas là. Hier soir était un peu compliqué ! Avoir revu cette scène entre moi et Thomas m'a fait beaucoup de peine. Je ne sais pas ce qu'il fait à l'heure d'aujourd'hui, mais une chose est sûre, il doit mieux s'en sortir que moi dans la vie. Je ne peux pas dire que ma vie n'est que misère (même si je le pense), mais quand je pense aux autres, certains vivent bien pire que de simples pertes de proches, alors je ne suis pas en mesure de me plaindre. Cependant, Thomas me manque énormément et je regrette beaucoup qu'il ne soit pas à mes côtés.

* * *

Quand je rejoins le laboratoire de mon père, un détail me saute aux yeux en traversant l'allée jalonnée de buissons. Une bague sertie de diamants repose au sol à côté d'une bombe fumigène. Je m'approche furtivement et contemple l'objet sans pour autant le toucher (je ne prendrai que du vide). Cette bague me rappelle quelque chose, comme si je l'avais déjà vu quelque part. Un flash soudain m'interpelle et je ferme les yeux, tentant de percevoir ce souvenir pourtant si bref. Une main . . . très pâle . . . aux doigts fins . . . Amber ! Serait elle responsable de cet incendie ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle est forcément impliquée dans cette affaire. Je passe mon chemin et me laisse conduire à travers les dédales de bureaux. Je suis quelques employés à l'allure assez professionnelle :

– J'ai un dossier à rendre au Docteur Hensen, tu sais au sujet du dossier secret. J'ai entendu dire qu'il avait réussi à produire un sérum aux capacités assez particulières et qu'il le testerai !

– Il ne craint pas de tomber malade ou de commettre une faute ? Enfin, je veux dire cela peut être dangereux si le sérum n'est pas bien conçu . . . demande le second.

– Docteur Hensen est très doué et je suis sûr qu'il n'a commis aucunes erreurs ! acquiesce le premier employé du nom de Zac de par son étiquette accrochée à son costume.

– Ce qui est sûr c'est qu'il peut être fier de lui ! Surtout que cela fait déjà deux ans qu'il travaille dessus !

– Oui c'est incontestable ! Bon faut que je te laisse, sinon je vais encore prendre du retard dans les autres dossiers et je ne suis pas certain que le patron soit d'accord avec ça, surtout que je dois encore passer dans le bureau de Monsieur Hensen avant de continuer ! répond Zac, tout en serrant la main du second.

Il s'engage dans la suite des couloirs et s'aventure dans les innombrables escaliers qui mènent aux bureaux. Le laboratoire est en fait, un gigantesque bâtiment qui regorge de personnes dont nous ignorons l'existence. Je l'ai souvent comparé à une fourmilière. Il y'a une telle organisation que chacun s'occupe de son propre travail. Je me mets à sa poursuite et le laisse me guider. Il s'arrête devant une porte et inspire un grand coup avant de toquer à la porte. Je n'attends pas que la porte s'ouvre pour pénétrer dans la pièce. Son bureau est simplement décoré. Des cadres de notre famille agrémentent les murs blancs et quelques plantes trônent aux extrémités d'une grande armoire remplis de papiers dépassant des tiroirs. Malgré ça, son bureau reste bien rangé et l'on peut circuler librement autour du bureau placé en plein milieu de la salle. Je lève les yeux et aperçoit mon père. Le visage émacié, aux airs fatigués, ses lunettes posées sur son nez, il est plongé dans une profonde réflexion, les yeux rivés sur une feuille blanche, un stylo à la main. Au son de la porte, il relâche son crayon avant de se prendre la tête et de s'écrier "entrez" d'un air morne. L'employé du couloir pénètre à son tour dans le bureau, le dossier à la main.

Bonjour Monsieur Hensen, je suis désolé de vous interrompre dans votre travail mais je viens vous déposer le dossier.

– Oh je vous en prie, appelez moi Karl ! Allez-y, vous pouvez le poser la, dit-il en pointant du doigt l'étagère déjà bien remplie. Est-ce que je peux vous demander de le ranger dans ce tiroir ? Je suis assez débordé et mon cerveau n'est pas décidé à me suivre ! continue t'il en regardant à présent sa feuille toujours vierge. Au faite quel est votre nom ?

– Oui, aucun soucis, Zac, enfin mon nom c'est ZAC !

Voyons mon père replonger dans son travail, je décide de le laisser même si celui-ci ne me voit pas et redescend à l'accueil. Je suis les indications écrites sur les murs avant de déboucher dans une vaste salle remplie de rangées d'étagères qui renferment des fioles au liquides assez déroutants. Je m'approche de l'une d'elle avant de percevoir une fiole remplie d'un liquide ambrée où flotte une étrange odeur de cerise. En dessous, un nom est écrit à l'encre bleu suivi d'une croix. Je me demande bien ce que veut dire cette croix. Après avoir admiré chacune de ces fioles, je passe mon chemin et rejoins l'accueil où je passe à travers la porte. Je m'agenouille près du buisson où j'avais trouvé la bombe fumigène et la bague juste avant mais je ne vois plus rien. Je cherche tout autour sans rien trouver. Je suis sûre que pendant le temps où j'étais dans le bureau de mon père, elle en a profité pour récupérer ses affaires, ce qui prouve encore une fois son implication dans l'affaire. Sa bague n'a pas pu se retrouver là toute seule pour ensuite disparaitre mystérieusement. Je dois chercher à comprendre pourquoi Amber est mêlée à cette affaire, et qu'est ce qu'elle a fait ! Cela a peut-être un lien entre les évènements dont elle est responsable et ce qu'elle m'inflige. Et puis d'abord d'où vient son pouvoir ?

Quand je rentre dans l'accueil, j'observe le bureau où une jeune femme est occupée à pianoter sur son ordinateur. Je me penche et examine le plan du laboratoire. Formé en "L", il possède quatre étages et un sous-sol où doivent se trouver la salle des machines. Je regarde l'horloge avant de me rendre compte qu'il ne me reste moins de trente minutes pour confirmer mes soupçons. Si Amber est derrière tout ça, alors elle doit être dans les parages. Et la meilleure cachette pour ne pas se faire remarquer doit être dans les sous-sols du laboratoire. Prise d'élan, je m'élance dans les escaliers et traverse la porte sans encombre. Effectivement, je ne croise personne en bas. Je passe dans chaque pièce à la recherche d'un quelconque indice, en vain. Aucuns changements, aucuns objets suspects qui prouverait que l'incident était volontaire. Je m'arrête dans l'une des grandes salle de machines et m'assois sur une chaise. Je me prends la tête et tente de réfléchir efficacement. Qui me dit qu'Amber est la seule responsable ? J'ai peut-être porté un jugement trop rapidement. Certes la bague que j'ai trouvé sous le buisson était la même que celle d'Amber, mais elle n'est peut-être pas unique en fin de compte ! Et puis, pourquoi Amber me ferait elle ça ? Peut-être parce qu'elle veut te blesser ? me répond ma conscience. Dans tous les cas, je ne peux pas rester là à ne rien faire. Je ne peux pas changer mon passé mais je peux tout au moins le comprendre. Enfin c'est vrai ! Ma vie est tellement complexe, qu'aujourd'hui je n'y comprends plus grand chose ! Je suis passée de ma petite vie miséreuse dans mon appartement de vingt mètre carré à revivre mon affreux passé enfermé dans ma propre tête. Soit je divague totalement et je devrais aller consulter ou alors tout ceci est bien réel et je vis en plein cauchemar. Dans les deux cas, aucune de ces deux solutions ne me parait normale.

 Je m'apprête à rejoindre le ré de chaussée quand un objet se fracasse au sol dans la pièce voisine. Je me dirige vers celle-ci, mais une étrange fumée grise m'empêche de voir ce qu'il se passe. Je comprends ainsi que la bombe fumigène trouvée tout à l'heure vient d'être allumée afin de fuir le plus discrètement possible ou juste d'éviter les regards indiscrets. Me forçant à ne pas inspirer la fumée, je fais machine arrière avant de rejoindre le plus rapidement l'accueil. Une fois remontée, les sirènes d'alarmes se mettent à rugir, criant des "ALARME INCENDIE" à tout va, créant la cohue parmi les employés. Ne craignant pas ma vie, je m'élance dans les couloirs pour retrouver le bureau de mon père. Escaladant les marches quatre à quatre, je file et traverse la pièce sans le trouver. Où peut-il être allé ? Je suis désemparée. Ce laboratoire est beaucoup trop grand pour que j'ai le temps de fouiller les bureaux à sa recherche, en sachant qu'il va exploser d'une minute à une autre. Dans le couloir, seul le rugissement des alarmes résonne, rompant le silence habituel. Soudain, un rire tonitruant transperce le son de l'alarme, suivi d'un éclat de verre. Quelqu'un est présent dans la salle des sérums. Je m'y précipite et la trouve éteinte avec pour seule source de lumière, la fenêtre du haut qui est grande ouverte. Un décompte se fait entendre dans tout le bâtiment, me procurant des frissons de peur dans tout le corps. Je parcours les allées jusqu'à déceler l'origine du bruit quand je m'arrête stupéfaite. Ce que je vois me fige et malgré toutes mes peines, mon corps reste bloqué, comme paralysé. Je suis impuissante face à ce spectacle. Devant moi se trouve Amber. Encore jeune, ses traits sont plus affinés qu'aujourd'hui, elle reste cependant reconnaissable par son teint toujours pâle et blafard. Elle tient dans ses mains, un brise vitre qu'elle brandit sur l'une des vitrines de l'étagère remplie de fioles. Dans un fracas assourdissant qui ne réussit pas à couvrir le décompte qui est maintenant passé à quarante-cinq secondes, le verre se brise et celle-ci récupère la petite fiole remplie d'un liquide rougeâtre, semblable à du sang, qu'elle range soigneusement dans un sac noir. Elle sort ensuite un grappin qu'elle envoie sur la fenêtre du haut, lui offrant une sortie sans risque d'être vue, ni blessée. Elle se laisse porter avant de disparaître au-delà du bâtiment, loin du laboratoire. Il ne me reste que vingt secondes avant que le bâtiment n'explose. C'est le temps qu'il me faut pour comprendre ce qu'Amber tenait tant à voler. Mon corps ayant retrouvé ses capacités de mouvement, je m'avance, prenant bien soin à ne pas marcher sur le verre jusqu'à me trouver devant le reste des débris. Malgré la fissure du verre, j'arrive à décrypter l'écriture et ce que je lis me laisse sans voix. Toujours écrite à l'encre bleue, le nom du scientifique Karl Hensen brille avec le peu de lumière qui balaie la pièce. Cependant, cette vitrine ne possède pas de croix, ni aucuns autres symboles qui pourrait faire référence à quelque chose. Je comprends maintenant à quoi correspond le dossier secret dont parlait mon père. Il voulait sûrement désigner le produit qu'il a dû concevoir durant ses années de travail. Son dossier devait probablement contenir la composition et ses caractéristiques et Amber savait déjà tout cela. Il fallait juste qu'elle arrive à se le procurer sans se faire prendre. Elle en a donc profité pour faire exploser le bâtiment, réduisant le peu de preuves qu'il pouvait y'avoir. Tout était organisé et Amber était assez maligne pour savoir dans quoi est ce qu'elle s'aventurait. Je ne peux malheureusement pas modifier mon passé, et ce qui est fait est fait et je ne peux rien y faire. Je m'arrête en plein milieu de l'allée avec pour seule compagnie le compte à rebours qui ne compte maintenant que dix secondes. Je n'ai pas le temps de sortir de la salle, encore moins de fuir. La porte s'ouvre sur mon père, essoufflé. Je prononce un non de détresse avant que les dernières secondes du compte à rebours retentissent. Je hurle d'horreur devant le visage de mon père qui exprime l'effroi et le désespoir.

Justine.H

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