Chapitre VI
Lorsque j'ouvre les yeux, je reconnais de suite la pièce dans laquelle je suis. Les papiers éparpillés au sol, les jouets cassés, les rideaux arrachés. Mon regard parcourt toute la pièce à la recherche d'un quelconque danger tandis que mon corps retrouve sa mobilité. En deux temps trois mouvements, je suis sur mes pieds. Dans un coin git Amber, recroquevillée, la tête dans ses mains. La solution pour échapper à la larymosine me revient en mémoire : il suffisait d'affaiblir ses forces pour s'en échapper. J'ai réussi. Je suis de retour dans mon présent. Je jette un dernier regard sur elle avant de pousser la porte et de parcourir le couloir. A part cette pièce, je ne sais même pas où je me trouve. Suis-je loin de chez moi ? Amber est tellement mauvaise et tellement manipulatrice qu'elle aurait très bien pu m'envoyer dans un autre pays. Cette pensée me procure un coup de stress et je ne peux m'empêcher de me triturer les doigts pendant que je cherche la sortie. Le couloir est rempli de portes que je n'ose pas ouvrir, et celui-ci est long d'une quinzaine de mètres. Au bout : le noir complet qui m'empêche de savoir ce qu'il se trouve au fond. Je vais devoir aller jusqu'au bout. Je ne sais même pas de combien de temps Amber a besoin pour retrouver ses forces et partir à ma recherche. Je ne l'éviterai pas éternellement mais je peux au moins gagner du temps et avoir une longueur d'avance sur elle. Je m'oblige donc à accélérer le pas pour atteindre le plus rapidement possible le bout du couloir. J'opte pour la tactique de mettre le plus de distance possible entre elle et moi. Ensuite, et seulement après, je m'occuperais de trouver une solution pour récupérer la larymosine qui est en possession d'Amber. Cela ne devrait quand même pas être compliqué. Je ricane tout seule. Peut-être que j'ai ma chance au final ? Ce qui est sûr, c'est que je suis la seule capable de résoudre ce problème. Je ne peux pas la laisser continuer à diriger ma vie comme elle le souhaite. C'est tout bonnement impossible.
Il ne me reste que quelques mètres avant d'atteindre le bout du couloir lorsqu'une porte s'ouvre sur un jeune homme à peine plus âgé qu'Amber que j'ai l'impression d'avoir déjà vu quelque part. Son visage est terne, ses yeux sont tirés dévoilant des signes de fatigue et un mauvais rictus déforme son visage lorsque son regard se pose sur moi. A la première impression, ce type qui me domine d'une vingtaine de centimètres ne m'inspire pas confiance du tout. Mes sens sont en alerte, prête face au moindre danger auquel je pourrais faire face.
– Mais qui voilà ? Matt ? Quel plaisir de te revoir ! s'écrie t-il dans un rire tonitruant.
Cette voix, je l'ai déjà entendue. Pourtant, j'ai beau chercher dans ma mémoire, impossible de retrouver l'origine de cet affreux personnage. Celui-ci est vêtu d'un jean deux fois trop large pour lui et d'un sweat à capuche gris. Je ne peux cependant nier l'avantage qu'il a sur moi : il me domine de par sa taille. Ma raison me crie de fuir mais mon corps reste pétrifié telle une statue de pierre. Si je bouge, je ne pourrais pas le contourner car celui-ci bloque le passage, et tant bien même, je n'oserai jamais m'aventurer tête baissée dans ce lieu que je ne connais ni d'Adam ni d'Eve. Le doute me submerge et je n'ai toujours pas ouvert la bouche :
– Tu es devenue bien timide Matt. Je t'ai connue plus bavarde, commente-t-il en éclatant d'un rire mauvais à vous flanquer la chair de poule. Je sens mes poils se hérisser sur ma peau. Cet homme ne dégage aucune aura positive et sa simple voix suffit à vous rendre mal à l'aise. Ne me dis pas que tu m'as oublié Matt ? Jessica ne te rappelle rien ?
Je palis à l'entente de son prénom. Il n'a pas le droit de me rappeler ma sœur.
– Ah bah je vois que si ! Il sourit. Alors qu'est-ce que ça fait d'avoir vraiment tout perdu ?
Des flash surviennent dans ma tête comme pour me rappeler ma vie d'avant. Des images de Jessica au côté d'un jeune garçon qui lui tient la main, des repas de famille auquel il était présent en face de moi, des sorties et des fêtes auquel il était convié. . . Tout me revient en mémoire d'un seul coup et je dois prendre sur moi pour ne pas chanceler. L'affreux personnage en face de moi n'est autre qu'Arthur, l'ex de Jessica. Ce souvenir est bien trop douloureux. Je suis trop faible pour pouvoir ne serait-ce que me remémorer certaines scènes. Je sers les poings pour contenir ma rage et ma tristesse et tente de garder la tête haute. Je respire un grand coup et avance d'un pas. Sans le prévoir celui-ci s'avance et je hurle soudainement. Les images de Jessica gisant au sol dans un bain de sang me pétrifient et mes jambes se liquéfient. Je m'effondre devant la dernière personne que j'aurais souhaité.
– C'était beaucoup plus facile que ce que j'avais prédit ! dit-il dans un éclat de rire. Je me sens portée et transportée dans une autre pièce mais je ne peux bouger. Mon corps s'affaisse dans ses bras lui laissant le loisir de m'emmener là où il le souhaite. Je ne connais pas le bâtiment, je ne sais même pas où je me trouve. Ses gestes sont brusques et je sens l'étau de ses mains se resserrer autour de mes bras, m'empêchant tout geste de ma part pour me dégager. Si je ne réagis pas maintenant, mes chances de m'enfuir seront minces. Je ne peux continuer à pourrir ici et les laisser guider ma vie à leur guise. Je rassemble mes forces et tente de faire pulser le sang dans mes jambes pour réactiver mes muscles. Je me remets debout, donne un coup dans le ventre d'Arthur et cours au bout du couloir.
Je me précipite au bout du couloir en évitant qu'Arthur me poursuive. Cet homme est un psychopathe, un peu comme Amber finalement. Ils sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Peut-être est-ce leur but ? Je ne vois pas ce que j'ai pu leur faire pour qu'ils me fassent payer. Je cours sans oser regarder derrière moi. Je pousse la première porte que je trouve et je peux enfin souffler de soulagement. Je suis enfin à l'extérieur. Je m'avance prudemment et prend mes marques de l'environnement dans lequel je me trouve. Je viens de sortir d'un immeuble assez miteux et vieux. Le ciel gris ajoute au lieu une ambiance assez morbide. Le lieu est sans vie, comme s'il était absolument désert. Le peu d'arbres qui encadrent l'immeuble sont ternes et sans feuilles. Je continue mon chemin et rejoins la route. Je ne connais pas cet endroit et aucuns panneaux ne me permet de m'indiquer où je me trouve. Je suis complètement perdue mais au moins, je ne suis plus sous danger. Tout en marchant je ne cesse de remettre ma vie en question. M'être échappée a l'influence de la larymosine ne m'a pas servi à grand-chose. C'est comme si l'on voulait me montrer que l'échappatoire n'était pas la solution à mes problèmes. Pourtant j'étais persuadée que ça m'aurait aidé à résoudre ou à comprendre quelque chose. Le résultat est que je me retrouve devant un immeuble au milieu de nulle part sans savoir comment avancer. Maintenant que j'ai réussi mon objectif principal, je ne sais plus vers quoi me tourner.
Le son d'un vrombissement de moteur me sort de ma rêverie. Je lève la tête et constate une vieille petite voiture qui traverse la route. J'en profite pour attendre en plein milieu de façon que la voiture soit obligée de s'arrêter. Je fais de grand signes lorsque celle-ci freine brusquement faisant crisser les pneus dans un bruit assourdissant. Je souffle de soulagement et me rapproche. Une femme se trouve au volant. Blonde aux cheveux mi long, celle-ci m'inspire confiance et je me permet de lui adresser quelques mots :
– Bonjour, désolé de vous avoir arrêté, je voulais juste quelques renseignements sur cet endroit. Où sommes nous ?
La jeune femme semble m'écouter puis me dévisager étrangement comme si ce que j'avais dit n'avait aucun sens.
– Nous sommes à la périphérie du centre-ville Madame ! Vous me semblez perdue, constate la blonde au volant. Avez-vous besoin d'aide ?
Je n'osais pas le demander mais c'est si gentiment proposé que je ne peux pas refuser. Et puis au point où j'en suis, j'en ai bien besoin. De la main droite, elle m'ouvre sa portière côté passager et je me précipite pour m'y engouffrer avant qu'elle ne change d'avis. L'intérieur de la voiture me semble chaleureux et je respire enfin, heureuse d'avoir pu me sortir d'affaires si rapidement.
– Madison, enchantée ! me dit-elle en me tendant la main. Alors, où avez-vous besoin que je vous emmène ?
– Oh je vous en prie tutoyez moi, nous sommes encore jeunes. Dans le centre-ville si c'est possible ! Mais sinon ce n'est pas grave. Ne passez pas par là si ça vous fait un détour.
Elle me fait un signe de la main, puis rit face à ma remarque. Elle redémarre sur les chapeaux de roues et je m'applique à regarder le paysage défiler par la fenêtre. Le silence règne dans l'habitacle et je ne cherche pas à le briser. Je me sens rassurée d'avancer et de m'être sortie de cet endroit lugubre et sans vie. Je ne m'y sentais pas à l'aise. Je ne connais pas du tout Madison mais je la remercie d'être passée par ici, sinon je ne sais pas comment j'aurais retrouvé mon chemin.
Justine.H
Annotations
Versions