Chapitre VII
– Tu as vraiment de la chance que je sois passée là par hasard. Je devais récupérer mon portefeuille au commissariat, et je suis obligée de passer par la banlieue mais en temps normal je n'aime pas passer par là. Il se passe des choses assez bizarres dans ce secteur de la ville . . .
Je me tais et l'écoute en silence. Dans ma tête, toutes les images de ces derniers jours se mélangent. Ce qu'elle m'a fait revivre est l'équivalence de l'enfer. J'ai vu sous mes yeux des choses atroces et je ne pouvais même pas changer le cours de l'histoire. Le pire c'est que je sais qui est la responsable de tous les évènements de ma vie. Je ne sais pas ce que je lui ai fait mais je crois qu'elle me déteste beaucoup pour m'infliger toutes ces horreurs. Je ne pensais jamais vivre la mort de mon père tout en étant immortelle. Si j'avais pu le sauver, je lui aurais passé ma vie sans hésiter. Peut-être même que rien ne se serait passé comme ça. On ne pourra jamais savoir.
– Eh oh tu m'écoute ? m'interpelle Madison tout en conduisant. Par la fenêtre, je remarque que nous nous rapprochons de la ville ce qui me rassure.
– Oh euh, non désolé, j'étais perdue dans mes pensées, riais je gênée. Je rougis et détourne le regard.
– Tu m'a l'air fatiguée, non exténuée, dit-elle en choisissant ses mots. Je ne sais pas ce que tu faisais là, mais tu es aussi bizarre que toutes les personnes que j'ai pu croiser à la seule différence que toi, tu n'avais pas le regard vide comme tous les autres. Quand ma voiture est passée devant toi, j'ai vu dans ton regard une illumination, un espoir, un sentiment humain. Ceux que je rencontrais ne montraient aucunes émotions. Ils étaient aussi vide qu'une coquille d'escargot. Ca faisait peur à voir. C'est la raison pour laquelle je ne passe que très peu par ici. Et de toute façon, la police ne fait rien pour arrêter ces évènements.
– Et tous ces gens, ils sont où maintenant ? C'est maintenant que je pense au fait que je ne suis peut-être pas toute seule à avoir été sous l'emprise de la larymosine. Surement a-t-elle utilisé des cobayes pour être certaine que le sérum fonctionnait ? Je la vois hausser les épaules.
– On ne les a jamais revus. La plupart étaient portés disparus, mais en général, ils sont tellement terrorisés et traumatisés qu'on ne peut plus les insérer dans la société. Ils deviennent paranoïaques. La première personne qu'on a retrouvé dans le secteur était une jeune femme. Elle était métisse et brune. Je ne me rappelle plus son prénom mais tout une histoire se forme autour d'elle. Je ne sais pas si tu en as entendu parler ? Je hoche la tête négativement et l'incite à continuer à parler. On raconte que cette jeune femme habitait dans cette ville avant de déménager et d'être forcée à couper les ponts avec tous les membres de sa famille, y compris son copain. Elle avait complètement disparue de la circulation. Sa famille n'avait aucune nouvelles d'elle et on ne la jamais retrouvée. Ce n'est que quelques années après qu'un passant l'a croisé dans cet immeuble. Elle se tenait devant la porte droite, comme un piquet et ne cessait de répéter des mots comme un disque qui tourne en boucle. A croire qu'elle devait monter la garde !
– Et qu'est-ce qu'elle répétait ? demandais je curieuse.
– Apparemment, elle répétait un truc du genre "Matt, tout est ta faute !" Mais elle était complètement folle ! Elle a sûrement dû consommer de la drogue en grande quantité et elle était totalement défoncée. On ne sait pas ce qu'il y'a dans ce bâtiment et beaucoup aimerait le savoir. Certains sont rentrés par effraction et ils ne sont jamais ressortis. Je ne sais pas ce que tu faisais là mais tu es bien l'une des seule à paraître normale ! s'exclame t'elle en m'adressant un regard.
Mon sang ne fait qu'un tour et me voilà paralysée. Comme par hasard, il faut que tout cela me retombe dessus à l'instant où je me pense être sauvée. Est-ce encore à l'origine d'Amber ? Je ne saurais dire ! Je n'ai aucun doutes sur l'identité de la femme. Tous les évènements coïncident : le déménagement, l'arrêt des nouvelles ! Ca ne peut être que Claire. J'évite le regard de Madison pour pas qu'elle ne remarque mon trouble. Mes yeux s'humidifient. Elle a raison, tout est de ma faute. Je ne sais pas ce que j'ai fait à Amber, mais pour qu'elle touche à mes proches, c'est qu'elle doit me détester, non pire, me haïr. Ou alors, elle a dû retourner le cerveau de Claire, et lui raconter de mauvaises choses pour qu'elle finisse par me détester à son tour.
– Et où vont-ils après ? me répétais je encore une fois en essayant de cacher mon trouble. Mes membres tremblent mais je les glisse entre mes cuisses pour les camoufler.
– Je n'en sais vraiment rien. Très peu de personnes se mêlent de ces histoires parce qu'ils craignent tellement que ça leur arrive à leur tour. C'est une question de superstition. La majorité des gens disent qu'ils se retrouvent là-bas pour se faire venger de ce qu'ils auraient pu faire, mais moi je n'y crois pas. Je pense que quelqu'un est responsable de tout ça et qu'il n'est pas prêt de s'arrêter. Mais attends, elle marque un temps de pause, qu'est-ce que tu faisais là toute seule ?
– Oh euh, bah . . . Je bégaye et cherche mes mots. Il faut que je trouve une excuse. Je ne peux pas lui dire la raison pour laquelle je me suis retrouvée ici. Elle ne doit pas se rendre compte d'à quel point je suis concernée par la situation. Il faut que j'invente. Je me suis fort disputé avec mon copain et il m'a laissé sur le trottoir, alors j'ai marché en suivant la route pour rejoindre la ville et je suis arrivé proche de cet immeuble au moment où tu es passée. Tu viens de me sauver la vie, terminais je mon mensonge en lui adressant un sourire que je veux convaincant. Je ne sais pas comment j'y serais arrivée sans toi !
Nous arrivons aux abords de la ville quand nous passons devant les arrêts de bus qui desservent les trois quart du secteur.
– Oh je suis vraiment désolée que ça se soit mal passé pour toi, me dit-elle dans un sourire compatissant. Je suis rassurée qu'elle ait cru en mon mensonge, bien qu'il ne soit pas très réaliste. Nous allons arriver, où veux tu que je te dépose ?
– Proche de la mairie ça m'ira ! Elle hoche la tête et le silence revient. Ma tête est lourde et je ne cesse de réfléchir. A chaque fois que je pense pouvoir me reposer, un problème revient à la charge. Après la mort de mon père, vient probablement celle de Claire. Depuis le temps qu'elle est portée disparue, Amber aurait bien pu la tuer avec ou sans le sérum. La larymosine est un produit dangereux lorsqu'il est consommé en grande quantité. C'est un peu comme de la drogue. Elle nuit à la santé des consommateurs quand elle devient grande et récurrente. A mon avis, Claire n'a pas dû en consommer qu'un peu. Amber en a volé une petite quantité mais avec les papiers qu'elle a récupéré dans le bureau de mon père, elle a surement réussi à en reproduire des doses assez conséquentes pour les tester sur des gens avant de l'utiliser sur moi. Il faudrait que je retourne dans cet immeuble pour récupérer le sérum et bruler les papiers pour qu'ils disparaissent. Et si au passage je peux comprendre pourquoi Amber s'acharne autant sur moi, ça ne serait pas de refus. Je commence à être responsable de tellement de morts que j'en ai la tête qui tourne et le cœur qui saigne. Tout est de ma faute . . .
Justine.H
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