Chapitre VIII
Je pose mon sac de courses sur la table de la cuisine et allume toutes les lumières de mon appartement. Les ampoules grésillent avant d'illuminer faiblement la cuisine. Je n'ai pas eu la force de rechercher un boulot tellement j'ai été prise avec mes problèmes de famille. J'ai fini par vendre mon appartement pour habiter avec Maman puisqu'il fallait combler le vide de Papa. Avec son boulot de directrice de café et sa copine, elle arrivait à ramener assez d'argent pour nous permettre de vivre convenablement. Tout s'est enchaîné si vite que je n'ai rien vu venir. Aujourd'hui je n'ai plus rien si ce n'est que cet appartement que j'ai réussi à racheter pour pas cher. Elle ne contient que trois petites pièces : une chambre, une kitchenette et une salle de bain juste assez grande pour comporter une douche, un lavabo et un toilette. Les décorations sont neutres, car je n'avais pas assez d'argent pour investir dans des broutilles. Disons que je préfère assouvir ma survie que la décoration de mon appartement médiocre !
J'ouvre le frigo vide et le remplit des aliments que je viens d'acheter à la supérette du coin. La caissière m'a regardé d'un air torve, quand je lui ai tendu mon billet froissé qui était resté dans le fin fond de ma poche de mon pantalon. Une fois mes courses achetées, je suis partie de cette supérette sans demander mon reste. D'habitude, c'est Kathy, la patronne, qui m'encaisse. On se connaît depuis longtemps elle et moi, même avant d'emménager dans cet immeuble, je venais faire mes courses ici. Kathy connaissait ma mère alors quand j'avais dû pratiquer un premier stage, ma mère s'était tournée vers elle pour l'effectuer. Elle m'a accepté sans hésiter une seconde. Depuis, on n'a jamais cessé d'être en contact. Elle connaît l'histoire de notre famille et elle est toujours prête à me venir en aide maintenant qu'elle sait que je suis la dernière Hensen de la famille. Je souris faiblement en repensant au moment où je faisais encore les courses avec ma mère et ma sœur. On s'amusait toujours à deviner le prix des produits et c'est l'une de nous le trouvait, l'autre devait l'acheter. C'est la raison pour laquelle nous aimions aller avec notre mère. Maintenant, tout est devenu différent et je sais qui est responsable de toutes ces tragédies. Reste à savoir pourquoi je finis par me rincer le visage et prendre une douche pour me dépoussiérer et laver mes problèmes, bien que je sache pertinemment que mes problèmes ne s'envoleront pas de sitôt. Tout porte à croire qu'Amber ne me lâchera pas tant qu'elle n'aura pas eu ce qu'elle voulait et je compte bien ne rien lui donner. Elle sait très bien qu'elle ne pourra plus toucher à mes proches puisqu'elle les a tous éliminés un par un, sans même que je sois au courant du responsable. Elle a bien réussi à se faire des coups en douce au sujet de mon père et de claire. Alors ça ne m'étonnerait pas qu'elle soit aussi la responsable de la perte du reste de ma famille. Je dois trouver une solution, me souvenir d'Amber, je l'ai forcément croisé une fois dans ma vie. Sinon je ne vois pas de raison valable pour qu'elle me déteste autant. Si je dois retourner dans ce fameux bâtiment et qu'elle m'enferme encore dans ma propre tête pour pouvoir comprendre ce qui m'arrive, alors je le ferai. Mais pour ça, il faut que je réfléchisse à un plan à tête reposée. Et rien de mieux que de se remplir le ventre pour se sentir mieux.
***
Après avoir mangé, je me pose sur mon canapé miteux et décide de sortir mon ordinateur. Je dois trouver des informations sur Amber, trouver pourquoi je la connais, et pourquoi elle ne cesse de faire de ma vie un enfer. Je ne sais pas par où commencer mes recherches et décide de commencer par taper son nom dans la barre de recherches. Malgré le faible espoir que j'avais, je ne suis pas étonnée de ne rien trouver sur elle. C'est comme si celle-ci n'existais pas dans la société. Aucuns articles, aucuns sites, aucuns comptes ne parlent d'elle ou la mentionne. Je suis déçue. Je savais que ça ne serait pas si simple mais je m'attendais quand même à trouver quelque chose. Je souffle, dépitée et continue mes recherches sur le sérum crée par mon père : la larymosine. Etonnement, je tombe sur un article parlant de la fameuse explosion qui a eu lieu dans le laboratoire. Je clique sur le premier lien et tombe sur un article rédigé par un journaliste.
Un laboratoire qui explose
Des journalistes ont cherché à découvrir la raison de l'explosion du laboratoire située en plein milieu du centre-ville. Cette explosion anodine ne peut être un accident. Quatre-vingt-dix blessés et trois morts ont été déplorés dont la mort de Monsieur Hensen, un chercheur qualifié dans le domaine des sérums. Les forces de l'ordres ont empêchés les journalistes d'accéder au terrain à présent inaccessible à cause de ces dommages que cet incident a causé. Cependant certaines sources garantissent une hypothèse de l'origine : certains auraient aperçus une jeune femme s'échapper du toit et fuir quelques secondes avant le drame. Personne ne sait ce qu'elle faisait là mais elle peut être une origine de cet incident. Peut-être était elle témoin ? Ou coupable ? Est-elle à l'origine de la mort et des blessés de ce laboratoire ? Pour autant l'hypothèse n'a pas pu être vérifiée tellement les dommages étaient considérables.
Je ferme mon ordinateur rageusement. Quelqu'un l'a aperçu et n'a jamais rien dit ! Peut-être n'avait elle pas vu l'identité de la jeune femme. J'en ai maintenant la confirmation. Je ne suis pas folle. J'ai toutes les preuves face à moi, et je refusais de voir la vérité. Malheureusement, je n'ai aucune preuves à donner à la police sinon ils vont me faire passer pour une folle. En même temps, je ne peux pas me présenter face à eux en leur disant que je suis transportée dans mon passé grâce à un sérum conçu par mon père et que j'ai des preuves concernant l'explosion du laboratoire de 2017.
Je suis fatiguée de me battre. Je cherche toujours à trouver une solution mais peut être que finalement il n'y a pas de réponse. Ma tête me tourne à force de trop réfléchir et je décide de m'arrêter pour aujourd'hui. Je verrais demain mais pour l'instant je dois me reposer si je ne veux pas exploser. Je replis mon canapé et récupère une couette qui trainait dans mon salon avant d'éteindre les lumières, laissant l'obscurité m'envelopper.
***
– Amber, arrête, tu me fais mal, la suppliais je.
– Mais tout est de ta faute Matt, tu es l'origine de ton enfer. Je n'ai fait que continué l'histoire que tu avais commencé. Rigole-t-elle en plongeant ses yeux dans les miens.
Ses yeux se révulsent et j'ai beau lutter pour fermer mon esprit, celle-ci force jusqu'à me faire lâcher. Alors que je me laisse couler et ensevelir sous la force mentale d'Amber qui cherche a rentrer au plus profond de mon être, des pics me traversent le corps, comme si des centaines d'aiguilles me blessaient. Je m'étais jurée de ne plus jamais la laisser rentrer dans ma tête, mais j'ai une nouvelle fois échouée. Je suis lamentable et Amber finit toujours par gagner face à moi. Je n'ai pas la force mentale de la battre.
– Matt, laisse toi aller ! Tu ne peux plus rien faire ! ricane t'elle de sa voix aigüe. Je sens qu'elle y met de la volonté pour me faire du mal puisque les pics reviennent s'enfoncer dans ma peau. Je hurle de douleur. Je revis les mêmes choses, et cette douleur ne cesse de revenir.
Je me réveille subitement en sueur. Je tente de calmer mon pouls et me lève du canapé pour aller fermer les rideaux que j'avais laissé ouvert. Dehors, tout est calme. Les réverbères éclairent le trottoir de sa lueur jaune. Je ne suis pas dans le quartier le plus riche de la ville mais dans la rue où j'habite, ils ont laissé les lumières allumées pour que la population se sente moins en danger. Il est vrai que des évènements étranges se sont passés dans mon quartier mais personne ne s'en mêle pour éviter les représailles. Je me doutais bien que je n'allais pas dormir sur mes deux oreilles cette nuit. Amber a bouleversé tout mon esprit. J'ai très peur qu'elle revienne en étant en possession de la larymosine. Je ne suis pas sûre de supporter une nouvelle fois ce voyage dans le passé. J'en ai vécu des choses et c'était déjà très compliqué à vivre. Alors imaginez que vous deviez revivre un drame tout en étant simplement spectateur de la situation. Ça vous détruit mentalement. Je vous assure qu'après tout ça, vous n'êtes plus jamais la même personne. Les yeux rivés sur les rideaux orange dévorés par les mites, je suis plongée dans ma réflexion. Je ne pourrais pas lutter éternellement contre elle. Mon téléphone affiche deux heures du matin. Je souffle d'énervement, je ne vais pas savoir me rendormir. Je détache mon regard de la fenêtre et me rend dans la cuisine me servir un verre d'eau. J'attrape la bouteille et me serre un verre d'eau que je bois d'une traite. Je m'affale sur ma chaise. Ma tête trouve refuge dans le creux de mes mains. Elle me lance, et je n'ai pas de calmants pour apaiser ma douleur. « Tu es faible Matt ! » Je hoche la tête négativement. Des larmes surgissent de mes yeux. « Si, bien sur que si, c'est entièrement ta faute si ton père est mort et si ta meilleure amie est portée disparue depuis maintenant cinq ans ».
– Non, ce n'est pas vrai, je n'ai rien fait ! Je ne rien fait ! JE N'AI RIEN FAIT ! criais je à travers tout mon appartement. Des sanglots franchissent mes lèvres. Ma vue se brouille et mes mains tremblent de peur. Je suis comme paralysée devant la terreur que me procure cette petite voix dans ma tête. Je ne peux pas m'en débarrasser et au plus le temps passe, au plus celle-ci devient forte et l'emporte sur mes pensées. Mes yeux se ferment, tentant de contrôler le flot de mes émotions. Je serre les poings. « Tu n'es pas capable de résister face à moi Matt, tu le sais mieux que moi ! » ricane-t-elle. Je lutte contre cette petite voix qui s'immisce dans tout mon corps. Mes membres tremblent de plus en plus et mes doigts s'agrippent à la table en bois de la cuisine. Je tente de réguler ma respiration mais celle-ci continue d'augmenter. Je ne sais pas comment me calmer. Mes jambes me portent jusqu'à mon canapé clic-clac où je me laisse tomber. Mes draps sont bientôt inondés de mes larmes tellement la situation m'échappe. Je focalise mon regard sur le réverbère, m'empêchant de penser à Amber ou autres pensées semblables.
***
Il est seulement sept heures du matin quand je décide enfin de m'extirper de mon lit après trois heures de cogitation. « Allez Matt, Amber t'attend ! Je sais que tu meurs d'envie de la rejoindre . . . » Je ne l'avais pas entendue depuis mon réveil mais maintenant que je suis debout, je me rends compte à quel point celle-ci est présente. Je ne l'écoute pas et récupère un paquet de biscuits dans le placard. « MATT ! ECOUTE MOI ! TU SAIS A QUEL POINT J'AI RAISON ! TU EN AS ENVIE, JE LE SENS ! »
– Mais putain, lâche moi ! criais je pour la faire taire. Mais celle-ci ne s'arrête pas et continue de débiter toute sorte d'arguments. Je mange mes biscuits sans envie et lassée de l'entendre, je décide de m'y rendre. Peut-être que ça l'incitera à s'arrêter ? Récupérant ma petite veste, je sors de mon appartement.
Le quartier est encore sombre et silencieux. Aucuns bruits de moteurs, aucuns oiseaux ne vient troubler le silence pesant qui y règne. Je ne sais pas encore comment je vais m'y rendre, mais je compte me laisser porter jusque la bas. Mes jambes me portent, comme si elles savaient où aller. Bizarrement, cette petite voix ne me parle plus. Elle s'est comme éteinte. J'en profite pour réfléchir à ce que je ferais une fois arrivée devant l'immeuble. Est-ce que je réussirais à rentrer ? Et puis, est ce vraiment une bonne idée d'y retourner, moi qui avais pris tellement de temps à revenir dans le présent ?
Justine.H
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