Chapitre XII
– Matt, je pense que je vais retourner au taff ! J'en ai marre de rester dans cet appartement et ruminer du noir ! J'ai besoin de sortir, de me changer les idées, de . . ., de faire quelque chose enfaite ! lui explique Thomas calmement tandis que Matt s'affaire à ranger des affaires.
Un flash me survient. C'est ce moment qui me bloque ici. Il faut qu'il parte pour que je puisse avancer. J'aurais juré qu'avant, je l'aurais supplié de rester et je crois même que c'est ce que j'ai fait. Mais aujourd'hui, maintenant que je connais la vérité, je suis prête à parier que je l'aurais tuée sur place. Je ne pensais pas que je pouvais haïr une autre personne qu'Amber ou Arthur mais je me suis trompée. J'ai tendance à croire que je me suis leurrée sur toute ma vie finalement.
– Fais ta vie Thomas, lui répond-elle d'un ton las.
Matt est fatigué, ses traits sont plus sombres. J'ai arrêté de compter le nombre de fois où celle-ci s'est levée en pleine nuit pour rejoindre la future chambre qui était destinée à son fils. Elle ressortait souvent avec le doudou de Cole, qu'elle reniflait comme pour se rappeler de peu de souvenirs qu'elle possède de lui. Son corps s'est aminci. Elle mange plus beaucoup, au point que le réfrigérateur est complètement vide. Je doute qu'elle ait pensé à sortir pour faire le plein de courses.
Après avoir déclaré qu'il repartait travailler, je ne doutais pas une seule seconde qu'il avait décidé de partir de ma vie définitivement. Il n'a même pas eu le courage de me le dire en face. Il m'a caché une vérité qu'il n'aurait jamais du cacher et pour ça, il me le payera. Il savait que m'enlever mon fils me retirerait le bonheur qu'il a pu m'apporter. Je ne lui pardonnerai jamais.
– Thomas, un jour je te tuerai de mes mains, je t'en fais la promesse ! chuchotais je pour moi-même.
Je tourne les talons et me retire de la pièce. La porte d'entrée claque. Thomas est parti. Il a fui. Lâchement. Sans jamais se retourner. J'ai été naïve ce jour la. Je l'ai attendu jusqu'au diner. Pour récompenser son effort d'être parti travailler et d'avoir réussi à poser ses douleurs quelques heures. Je lui avais préparé son plat préféré sans penser le moins du monde que je pourrais attendre jusqu'au lendemain sans avoir de ses nouvelles. J'ai pleuré. Beaucoup. Je l'ai attendu tellement de temps. Je pensais qu'il cherchait simplement à rattraper tout le travail qu'il avait loupé ces derniers temps mais en fin de compte, je m'étais trompée. Encore une fois. Je suis lasse. Lasse de me faire berner de nombreuses fois. Lasse de me battre pour quelque chose qui ne vaut pas le coup. Lasse de me faire berner de nombreuses fois. J'utilise toutes mes forces pour rester debout, garder la tête haute.
***
J'ai fait un pas. Deux pas. Trois pas. Ma tête me tourne, elle me lance. Les douleurs reviennent. Les larmes me viennent sans que je ne puisse les contrôler. Je tente de réguler ma respiration mais sans succès. Mes jambes fléchissent. Pourtant je suis forte :
– Je suis forte !
Je ne cesse de me le répéter comme si cela pouvait me convaincre de cette fausse réalité. Vivre dans mon propre passé devient un cauchemar. J'en ai des suées froides rien que d'y penser. Mais je me dois de ne pas flancher. Si je dois tout revivre, alors j'irais jusqu'au bout. Que m'arrivera t'il lorsque toute ma vie sera passée ? En seulement trois jours, j'ai revécu trois traumatismes, tous plus durs les uns que les autres. Comment pouvons nous être aussi horrible au point d'infliger de tels sévices ? Amber est une femme manipulatrice et cruelle qui ne cherche qu'à détruire des vies sans aucuns scrupules. Elle est devenue le cauchemar de mes rêves. Celle qui vous fait tourner la tête à vous rendre fous. Celle qui vous enferme dans votre tête et fait ressortir la pire image de vous-même. Elle a détruit ma vie et elle continuera jusqu'à ce que je lâche. Et une fois qu'elle obtiendra ce qu'elle voudra, c'est-à-dire, me voir mourir, elle cherchera une proie et elle recommencera. Elle manipule la vie des autres comme un artiste qui manipule son pantin. Elle est maitresse de ma vie et elle le sait. Elle en joue et ca l'enjoue. Je suis sure qu'elle devrait être placée en hôpital psychiatrique ?
Mes genoux s'enfoncent dans le sol. Je change d'années ! Enfin ! Pourtant, je sais que je dois m'attendre au pire mais je n'en pouvais plus de cette situation. Voir Thomas me cacher son crime devenait insupportable et me rendait folle au point d'en être malade. Je suis prête a aller partout tant qu'il ne l'est pas. Ma vue se brouille. Ou alors tout s'assombrit, je ne saurais faire la différence. En tout cas, je ne discerne plus rien. Mes mains cherchent le sol a tâtons tandis que je m'enfonce de plus en plus. La douleur revient et repart, pénètre dans ma tête et me pique, me repique et me repique à nouveau jusqu'à ce que je hurle. De toute manière, je pourrais hurler autant que je veux, personne ne m'entendrait, personne ne viendrait me porter secours. Et tant bien même, je n'ai plus personne à qui m'accrocher. Je suis maintenant enfoncée dans le sol jusqu'à la taille. D'un coup, le sol s'ouvre sous mes pieds et m'engloutis. Je tombe, me laisse avaler par la noirceur du gouffre. Je tombe sans jamais ne toucher le sol. Je ne sais pas ou je me trouve. Peut-être existe-t-il un lieu entre la vie et la mort ? Un lieu où le temps n'existe pas. Où celui semble s'être arrêté pour laisser place à la lenteur, au mystère et a l'invisible. Un endroit ou rien n'est solide. Ou tout est constitué d'éléments translucides qu'on ne peut toucher. Dans ce monde, le temps peut se ralentir comme s'accélérer. Rien n'est prévisible. C'est la relativité qui règne et nous ne pouvons pas changer le court du temps ni les évènements. Ici, je ne suis pas maitre de moi-même. Enfin, je ne le suis pas tout court puisqu'Amber manipule toute ma vie de A à Z. C'est effrayant de voir que quelqu'un peut vous manipuler au point de manigancer autant de choses dans votre vie. Elle contrôle mon destin d'une main de fer. Je me perds dans mes pensées. Je perds aussi la notion du temps. Il peut s'être passé deux heures comme deux minutes que je ne saurais dire lequel est véridique.
Mes jambes heurtent le sol. Je souffle de soulagement. Le voile noir ne s'est toujours pas levé mais j'ose espérer que cela serait une meilleure situation que celle précédente. Mes doigts tâtonnent le sol qui ressemble à du bitume. Encore une fois, comme toutes les fois ou je subis des transitions, je suis complètement désorientée. Savoir où je me trouve est devenu une mission. Je ne discerne toujours rien dans le noir. Petit à petit, le noir s'éclaircit, me laissant tout à loisir, le plaisir de découvrir le lieu. Je suis étonnée. Je me trouve le long d'une route bordée de trottoirs sombres et gris.
Le soleil se couche lentement et je le vois disparaitre derrière la cime des arbres. Je me relève et observe les alentours. Pourtant je ne repère aucun éléments qui me permet de définir où je me trouve. Qu'est ce que je fais là ? Je n'en ai aucune idée. Je n'arrive pas à voir ce qui m'amène ici. Je décide de m'asseoir au bord de cette route. Les trottoirs sont jonchés de détritus mais je réussis a me trouver une petite place dans un endroit plutôt propre. Je cherche une date, un quelconque indice mais rien ne me vient. Seul le coucher du soleil me permet de déterminer que nous sommes en fin d'après-midi. Reste à savoir si nous sommes en hiver ou en été parce que selon la saison, le temps de lumière est différent. C'est-à-dire qu'il varie, cela veut dire que je n'ai aucun moyen de le déterminer. Je reste assise sur le sol, désemparée. Combien de temps vais-je attendre avant qu'il se passe quelque chose ? Soucieuse, je m'amuse à compter les brins d'herbe pendant que la faible lumière du jour continue de décliner. Un . . . Deux . . . Trois . . . Six . . . Sept . . . Douze . . . Vingt- cinq . . . Le temps me parait comme une éternité. Je claque mes chaussures sur le bitume devenu froid. Quarante deux . . . Cinquante huit . . . Quatre vingt six . . . Le soleil a complètement disparu et je ne sais toujours pas ce que j'attends. Le froid s'empare de mes membres et je suis contrainte de me lever au risque de me laisser engourdir. A peine levée, je distingue les phares d'une voiture qui se précipite sur moi. Je prend peur avant de me rappeler que je ne cours aucuns risques puisque je ne peux pas mourir. Cette voiture est le premier passage sur cette route depuis que je suis arrivée. La route a été relativement calme et je ne saurais dire si cela était normal ou pas. Je ne la connais pas. Les phares de la voiture m'éblouissent et je n'arrive pas à déterminer la personne derrière le volant. Cependant, le conducteur n'a pas l'air très sobre puisqu'il ne roule pas très droit. En effet, la voiture s'amuse a zigzaguer entre les lignes, me donnant le tournis rien que d'y penser. De plus, celle-ci roule à pleine vitesse. J'ai tout juste le temps de me décaler qu'elle me passe devant.
Soudain, un cri d'effroi franchit mes lèvres. Le conducteur a du tourner un coup de volant à droite car la voiture est propulsée dans le fossé qui borde la route. Je suis paralysée. Je ne sais pas qui se trouve dans cette voiture mais j'ai bien peur que cet accident me concerne une nouvelle fois. Sinon, je ne vois aucune raison valable pour que je sois transportée dans un endroit que je ne connais pas. Tout se passe très vite. Trop vite. En quelques secondes, le véhicule passe de la route au fossé dans un tonneau rapide. Celle-ci finit sa course dans le fossé dans un bruit qui perturbe le silence de la nuit qui commence à tomber et quelques oiseaux s'envolent, dérangés. Je fais quelques pas timides en direction de la voiture qui commence à fumer du au choc. Dans le peu de lumière, j'arrive à discerner la voiture retournée, les quatre roues en l'air. Avec un élan de témérité, je m'avance vers le véhicule. J'ai peur de la personne que je vais trouver à l'intérieur. Est-elle encore en vie ? Simplement blessée ou évanouie ? Je n'en saurais rien tant que je n'aurais pas vérifié. Mes pas sont lourds, remplis de crainte. Je sais d'avance que je ne serais pas ravie. A part si c'est un ennemi, mais cela m'étonnerait. Je ne suis qu'a quelques pas de la voiture. Celle-ci fume encore et au plus je m'approche, plus ma vue s'obscurcie. Je ne perçois rien du tout. Le silence est revenu mais rien ne se passe tout autour. Nous sommes complètement seuls. Le pire étant que je ne peux même pas aider. Je suis transparente aux yeux du monde. Depuis un moment d'ailleurs. Je ne peux m'empêcher de croire qu'un jour ce cauchemar s'arrêtera et que j'aurais l'occasion de vivre une vie à peu près normale. Je sais que c'est impossible mais on m'a toujours dit qu'espérer était ce qu'il fallait le plus faire dans notre vie. Alors je le fais, même si je sais que ça ne sert pas à grand-chose. Mes yeux tentent de s'habituer à la fumée qui commence à se dissiper autour de la voiture. Je pose ma main devant mon visage et m'enfonce lentement dans le fossé. Le toit du véhicule est complètement aplati. Les vitres ont été brisées à cause du choc et des débris se sont repartis un peu partout. Je doute que la personne s'en soit tirée sans blessure ou alors ça relève du miracle. Je ferme les yeux trente secondes et ceux-ci se posent sur la propriétaire du véhicule : ma mère.
Justine.H
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