Chapitre XIII

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Ma mère. Ma mère est enfermée dans le véhicule enfumé à cause de l'accident. Je suis sous le choc. Encore un couteau dans le cœur. Cependant je ne pense pas que ma mère soit tombée dans le fossé toute seule. Elle a toujours fait attention quand elle conduisait. Elle respectait toutes les limites de vitesse et le code de la route. Ce qui m'étonne c'est plutôt la manière dont celle-ci à conduit et ce qu'il l'a amené à finir dans le fossé. Je perçois son visage maculé de sang. Elle s'est pris les débris de verre lorsque le choc a cassé les vitres. Quoique je fasse, je ne peux pas l'aider. Je reste pétrifiée. Plus rien ne bouge et le calme règne. Je constate les dégâts avec effroi. Je reste muette devant ce spectacle encore une fois morbide. Ca pue la mort. Bien que je le pressente, je sais d'avance que tout est perdu. Après cet accident, elle a été transférée à hôpital le plus proche et je n'ai pas eu le temps de la rassurer, de lui montrer que j'étais là pour elle et qu'elle allait s'en sortir. Elle est partie sans que je n'aie eu le temps de lui dire au revoir. Je l'aimais énormément bien que j'avais toujours été proche de mon père. Mais après sa mort, nous nous sommes aimées, soutenues comme une mère soutient ses filles, et ses filles soutiennent sa mère. Avec ma sœur, Jessica, nous nous sommes efforcés de rester avec elle le plus longtemps possible. Dans le passé, ma mère était déjà sujet aux dépressions, alors on ne voulait pas qu'elle replonge. Les soins sont un coût que nous ne pouvions pas subvenir. Nous étions trop jeunes pour en être responsable. Jessica n'avait que treize ans et j'en avais vingt-sept. C'était trop tôt pour nous d'être responsables d'une maladie si compliquée. Il fallait être tout le temps présente pour elle et je devais m'occuper de Jessica car ma mère n'était plus apte à le faire. Elle se morfondait dans sa tristesse mais elle n'a jamais bu. Elle détestait l'alcool et en interdisait la présence à la maison. C'est donc impossible qu'elle soit ivre. Je relève la tête et plonge mes yeux sur son regard. Je dois affronter son regard. Je dois comprendre, il le faut. Je n'ai pas d'explications. Ma tête est sens dessus dessous. Mes pensées se mélangent créant la cohue dans mon esprit. Je n'arrive plus à réfléchir. Ma vue se brouille par les larmes qui jaillissent une nouvelle fois. Mes mains viennent toucher le sol. Je tente de ne pas tanguer. Le sol est stable, moi aussi. Je dois me le convaincre. Je ne veux pas perdre pied.

– MAMAN ! BAT TOI ! TU NE PEUX PAS FINIR COMME CA ! criais je en face de la vitre brisée.

Je sais qu'elle ne m'entend pas mais j'ai besoin d'extérioriser ma peine. Il y'a toujours une partie de moi qui espère que je suis visible et que je peux l'aider à survivre. Ca me rend malade de ne pas me rendre utile face aux gens qui en ont besoin, qui plus est ceux que j'aime. Je revois les membres de ma famille mourir et ça me détruit du plus profond de mon âme. Ses yeux sont vitreux. Mon corps me crie de lui venir en aide mais j'en suis incapable. Je regarde le carnage qui se dresse face à moi, les bras ballants. Je ne peux même pas prévenir quelqu'un. Je suis obligée d'attendre en croisant les doigts pour que quelqu'un passe sur cette route pour la sauver. Les larmes ruissellent et ne cessent de couler le long de mes joues. Le soleil est complètement descendu en dessous de la ligne d'horizon. Perdue dans mes pensées, je me mets a marmonner toute seule.

– Pourquoi je ne peux rien faire ? Putain, je les vois tous mourir sous mes yeux, et je suis incapable de leur venir en aide.

Fatiguée, je décide de m'assoir et m'assoupis quelques instants sur le bord de la route.

***

Le bruit d'un moteur me sort de ma torpeur. Je me lève précipitamment. Une voiture se stoppe à côté de celle de ma mère. Uh homme d'une trentaine d'années descend du coté conducteur et se précipite vers le second véhicule situé dans le fossé. Tandis qu'il s'enfonce, il dégaine son téléphone et appelle les secours. Il signale l'emplacement de l'accident et fait le tour pout constater le nombre de passagers.

– Oui, il faut arriver vite, je n'ai aucune idée du temps qu'elle a passée là mais ces blessures sont très récentes . . . elle est toute seule . . . aucune habitations, juste une grande route bordée d'un fossé dans lequel la voiture est tombée . . . Qu'est ce que je peux faire ?

L'homme au téléphone parait légèrement paniqué mais il n'en est rien par rapport à ce que je ressens. Mon cœur se déchire et devient de plus en plus fragile à force de recoller les morceaux. A chaque drame, celui-ci se brise un peu plus et rien ni personne ne pourra recoller les morceaux qu'Amber ou la vie – je ne sais même plus maintenant – a brisé. C'est un peu comme recoller un vase qui ne cesse de se faire fracasser au sol : au bout d'un certain temps, les morceaux deviennent trop petits pour être recollés et s'égarent. J'ai l'impression de tomber dans un cercle vicieux. A chaque fois que j'apprend quelque chose qui me blesse, je suis persuadée que je ne pourrais pas vivre pire et voilà qu'à chaque fois on me prouve le contraire. Voir mon père mourir n'était pas assez blessant ? Il fallait qu'en plus, j'apprenne la mort de ma meilleure amie ? Et celle de mon fils ? Et pour finir celle de ma mère ? Je crois les doigts pour espérer que son décès ne soit pas encore un coup monté d'Amber bien qu'il en ait l'air. J'ai comme un pressentiment. J'aimais ma mère plus que tout au monde même s'il y'avait aussi mon père. Je la connaissais par cœur, comme si je l'avais faite (ce qui est scientifiquement impossible). Je connaissais tous ses faits et gestes, ses habitudes, sa manière d'être. Sa façon de conduire était toute sauf habituelle. Je ne sais pas d'où elle revenait, ni d'où elle allait même si j'ai ma petite idée. Ma mère n'avait pas beaucoup de contacts. Après le décès de mon père, elle s'est énormément isolée de la famille. Elle n'avait déjà pas beaucoup de contact avec ses propres parents, alors avec la distance qu'elle a créée on ne les voyait plus du tout et ça nous arrangeait comme ça. Par le passé, nous n'avions jamais été une famille très très soudée, si ce n'est qu'entre nous bien sûr. Nous connaissions son histoire et cela ne nous dérangeait pas le moins du monde. Comme on dit, la famille ne se choisit pas, nous la subissons avec ses antécédents. Du côté de mon père, on n'a jamais trop su et comme nous ne nous melons pas aux affaires de familles, nous ne l'avions jamais questionné à ce sujet. Disons que chez nous, les problèmes de familles étaient plutôt des sujets tabou. C'était donc impossible qu'elle se soit rendue chez des membres de la famille. Cependant, quand ma mère s'est reconstruite en faisant le deuil de mon père, elle s'est liée d'amitié avec une femme de ses années. On l'avait déjà vu plusieurs fois a la maison. Une certaine Julia. Brune, aux allures de femme riche, elle avait plutôt l'air sympa avec un petit coté trop parfait. Nous ne la côtoyons pas souvent mais elle ne m'inspirait pas trop confiance. Cependant, j'avais assez confiance en ma mère et si elle estimant que Julia pouvait en être digne alors elle l'était. Quand celle-ci n'était pas à la maison, elle se faisaient beaucoup de sorties. Ma mère aimait dire que grâce a Julia, qu'elle se changeait les idées et qu'elle allait mieux. Je suppose donc qu'elle a du sortir avec elle que ce soit pour boire un café, aller au cinéma ou encore faire du shopping ou je ne sais quelle autre activité.

Pourtant mes pressentiments ne m'ont jamais trompé et je ne saurais dire si c'est pour son apparence ou sa manière d'être mais Julia ne m'inspirait aucune confiance. Est-ce de sa faute si ma mère a eu son accident ? Je ne saurais le supporter. Si mes hypothèses s'avèrent vraies, je peux vous jurer que lui faire passer une petite visite ne lui ferait pas de mal. Si elle a détruit ce qui restait de ma famille, elle me le payerait très cher. Elle le payera certainement de sa vie.

Dis minutes plus tard, les pompiers et les secours arrivent en renfort dans la lumière rouge et bleue des gyrophares. Ceux-ci s'activent autour de la voiture et dégagent les débris qui empêche l'ouverture de la portière. Le corps inerte de Maman est transporté dans un brancard que les secours recouvrent d'une bâche avant de refermer les portes du camion. Tout se passe une nouvelle fois très vite. À peine ai-je le temps de cligner des yeux que ma mère est déjà transportée à l'hôpital et la voiture sortie du fossé et emmenée à la décharge.

Tout tourne autour de moi, le décor devient plus sombre. Mes jambes fléchissent et le sol tangue sous mes pieds. Je bascule dans le vide. Je me laisse sombrer dans l'inconnu. Mes pensées se mélangent. Le temps avance. Encore. Je ne peux m'empêcher d'être rassuré sur un point : Amber n'a pas tué ma mère. Mais pourquoi m'a-t-elle emmené sur cette route si ce n'est pas elle qui a commis le décès de ma mère ? Tout cela m'intrigue et vire à l'obsession. Je ne peux même pas parler de santé mentale : elle est complètement ravagée. Comment voulez vous que j'arrive à réfléchir convenablement tout en sachant qu'Amber manipule mon esprit et ma vie ? Tout cela ne rime à rien. Chaque fois que j'ai l'impression de m'en sortir, elle me ramène dans mon cauchemar. A quels fins ? Je n'en ai pas la moindre idée. Amber s'est construit une bande, des gens sur qui elle possède aussi un contrôle. Ou alors, elle possède des informations sur eux qu'ils ne veulent pas dévoiler, et dans ce cas, c'est du chantage. Quoiqu'elle face, cela se retournera toujours contre moi. Je ne peux rien y faire, elle me déteste. Le pire c'est que je ne sais même pas pourquoi elle m'inflige autant de douleurs. Peut-être le saurais je un jour ? La chute me semble durer une éternité, comme si j'étais resté bloquée dans le noir pendant des heures. Je songe à ma vie d'avant. Celle-ci a vraiment bien changé. J'avais une vie simple, je vivais avec mes deux parents, ma petite sœur et je ne me souciais pas le moins du monde à mon avenir aussi catastrophique. Etant petite, j'avais des rêves, chaque enfant en a ! Je rêvais d'apporter quelque chose au monde : je voulais qu'on me reconnaisse aux yeux de la société comme mon père avec ses recherches. J'étais loin de m'imaginer qu'on en arriverait à ce stade ! Je suis loin d'avoir accompli mon rêve d'enfant. Aujourd'hui je suis une adulte et pourtant je rêve encore : sortir de cet enfer. Je suis terrifiée. Terrifiée a l'idée de ce que je vais devoir revivre par la suite. Car je l'ai bien compris, Amber m'inflige une douleur croissante. Elle m'enfonce progressivement sous l'eau en s'assurant à chaque remontée que je prenne le moins d'oxygène possible pour m'étouffer. Elle a le pouvoir et elle en joue. C'est une manipulatrice. Je n'ai aucune idée de ce que ça lui rapporte mais elle prend son pied. Je l'ai lu dans ses yeux : sa volonté de me nuire grandit telle une flamme qui flambe. Cette femme est folle. Qui prendrait autant de plaisir à éteindre des vies et voir quelqu'un se tuer à petit feu ? Chaque décès de ma famille me rapproche un peu plus vers le mien. L'espoir n'est devenu qu'une pale clarté qui n'arrive même plus à percer l'obscur dans lequel je m'abandonne. 

Justine.H

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