Chapitre XVII

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Quelques semaines ont passées et je ne vois toujours aucuns changement. Leur couple se porte bien, comme tous les autres couples me diraient vous, mise à part quelques disputes. Ils font leur vie : chacun a ses habitudes. Je n'y vois rien de nocif ou de toxique pour l'instant et j'ai bien peur de ne pas croire les dires de Jessica. Au-delà de toutes ses confessions, je n'ai pas l'impression d'avoir un homme violent qui bat sa copine. Il a plutôt l'air d'un homme aimant envers elle et toujours à l'écoute de ses besoins.

J'ai perdu la notion du temps mais j'ai bien l'impression que le temps passe vite, trop vite même. Une heure vous donne l'impression qu'elle est passée en seulement dix minutes. Il n'y'a pas de règles dans ce monde. Peut-on même le considérer comme un monde à part ? Tout est relatif. Il y'a tellement de mystère à élucider que je ne cherche même plus à les résoudre. Comment pourrais-je expliquer que je sois invisible dans un monde où je peux voir tout mon passé sans pouvoir réagir ? Tout est trop compliqué pour le comprendre. Je me laisse simplement guider dans cette réalité bien qu'elle ne soit pas totalement réelle. C'est un sacré paradoxe quand on y pense. Amber me rend folle, elle me fait douter de chaque chose que je vois. Elle me fait devenir parano. Je me suis mise à scanner tous les détails de chaque situation.

Je commence à m'ennuyer. Plus rien ne se passe. Aucune dispute. Rien n'a changé dans leur relation. Tout est stable et je ne saurais dire quand tout dérape. Jessica n'a jamais parlé alors je n'ai aucune idée du moment où tout commence. Comme chaque soir, je m'attends à un dérapage : j'essaie de me préparer mentalement à cette situation mais je n'arrive pas à imaginer. C'est trop difficile pour moi. Imaginer sa petite sœur se faire battre est quelque chose d'impossible à envisager. Pour l'instant, aucune preuve ne me permet de confirmer les dires de Jessica, pourtant il est difficile de croire qu'elle ai menti sur un tel sujet. Je veux la croire et pouvoir la venger mais je dois avoir des preuves concrètes et appuyés sur des faits, des preuves que je pourrais présenter à la police sans passer pour une folle. Personne ne me croirait si je disais que je l'avais vu dans mon passé. C'est un fait inexplicable et si jamais les gens le découvrent, les scientifiques s'empareront du projet de mon père et lui voleront son idée ce que je crains. Mon père a bossé dur sur ce projet. Il a consacré toute sa vie et tout son temps libre pour mettre en œuvre ce sérum qui, à la base, permettait d'aider les médecins pour calmer les patients atteints de schizophrénie ou de maladie mentale. Ce sérum agissait sur les esprits des malades pour les apaiser et pouvoir les maitriser sans qu'ils commettent un quelconque danger.

***

Un soir, alors même que Jessica s'était posée dans le canapé, un livre à la main, Arthur pénètre en déboulant dans le salon.

– JESSICA ! crie t'il en colère.

Celle-ci sursaute.

– Quoi ? répond elle surprise.

Arthur lui balance son téléphone à la figure qu'elle rattrape de justesse avant qu'il ne tombe au sol. Il la prend par la manche et la force à se relever.

– C'EST . . . QUOI . . . CE . . . BORDEL ? Il appuie ses mots comme pour lui faire peur et lui mettre la pression. C'EST QUI CE PUTAIN DE MEC ? JESSICA REPOND MOI ! DEPUIS QUAND TU REPOND AUX MECS QUI TE DM SUR LES RESEAUX ?

Jessica lui répond en fronçant les sourcils :

– Mais de quoi est-ce que tu parles ! Calme toi voyons ! Ca ne sert a rien de se mettre dans des états pareils Arthur.

Je vois dans ses yeux qu'elle commence à avoir peur car un voile de crainte se lève dans le fond de son regard. Elle lève les mains comme pour se protéger de la violence d'Arthur. J'ai bien peur que cette situation ne soit que la première d'une longue série. Je me suis longtemps préparée à ce dérapage sans penser à ce que ca se passe pour de vrai. Je m'approche de la scène et sans savoir pourquoi, je m'interpose entre les deux. Je sais pertinemment que mon acte est inutile mais j'ai au moins l'impression d'essayer de changer quelque chose. J'ai une infime sensation de pouvoir l'aider. Lorsqu'Arthur lève sa main pour finir sa course sur la joue de Jessica, celle-ci passe à travers mon corps et me procure des frissons. Je suis comme paralysée mais me retourne soudainement pour constater les dégâts. Jessica s'est repliée sur elle-même et frotte sa joue rouge et endolorie. Elle regarde le sol tandis qu'Arthur serre les poings, toujours en colère.

– Je t'avais prévenu Jessica ! Si tu n'es pas fidèle, tu en payeras les conséquences. Je t'aime Jessica, je t'aime et je ne veux pas te perdre, je ne peux pas. Si tu pars je ne suis plus rien. Il lui prend les mains et la force à relever le menton pour la regarder dans les yeux. Ecoute moi chérie ! J'ai besoin de toi ! Il entreprend de lever la main pour essuyer les larmes qui perlent sur sa joue rougie par le coup qu'il lui a porté. Jessica a un mouvement de recul, surement attendue à ce qu'il porte une nouvelle fois la main sur elle. Je ne te ferais jamais de mal ! Jessica, je t'aime putain, je n'ai pas envie que tu aille voir ailleurs. On est un couple incroyable ! Tu es tout ce dont j'ai besoin ! Tu n'as pas le droit de partir pour un autre ! TU N'AS PAS LE DROIT !

Celui-ci se remet à crier et frappe un coussin qui trainait dans le canapé. Ses poings sont crispés et sa mâchoire carrée s'est serrée. Je lis dans son regard toute la rage qu'il a accumulé ces derniers temps.

– Tu es a moi Jessica, tu m'entends ? Rien qu'a moi !

Sur ces paroles, il quitte le salon, les poings au fond des poches. Jessica n'attend même pas qu'il soit sorti pour libérer ses larmes qui cherchaient a s'échapper de ses yeux. C'est le début du cauchemar. C'est là que la vérité se fige en face de mes yeux. Arthur est quelqu'un d'impulsif, qui s'énerve pour des choses futiles, ce qui est ridicule, puisque connaissant Jessica, elle ne cherchait sûrement pas à le tromper avec un autre. Ça se voit à quel point elle l'aime et je la comprends. Quand on aime, et moi la première, on est prêt a tout pour garder la personne qu'on porte dans notre cœur. On est surtout prêt à tout abandonner et tout pardonner simplement pour qu'elle reste. Pardonner n'est pas vraiment chose facile mais c'est hallucinant de voir à quel point, elles peuvent nous faire oublier, même les choses les plus graves et les plus dures. Je suppose que Jessica n'a ni eu le courage de lui dire d'arrêter, ni la force de partir et de le quitter. Evidemment, c'est toujours plus facile de le dire que de le faire. Je sais aussi a quel point c'est difficile d'ouvrir les yeux sur les choses qu'on essaie a tout prix de ne pas voir, par peur de la vérité. Nous savons tous qu'elle blesse, qu'elle agit comme un miroir pour nous montrer la réalité des choses. Ainsi, elle nous force à aller de l'avant, à agir ou à nous murer dans notre silence. C'est souvent le silence qui prime dans ce genre de situation. Arthur exerce un certain contrôle sur Jessica et cette scène, bien qu'elle ne se soit produite qu'une seule fois, montre à quel point elle en a peur. Il est difficile de se sortir d'un couple aussi toxique, même s'il blesse ou traumatise.

Peut-être sommes nous naïves de croire à un monde où les hommes sont respectueux ?

Peut-être sommes nous naïves de croire à un monde où le respect est la priorité ?

Peut-être somme nous naïves de croire à un monde où les femmes ne se feraient pas battre par leur mari ?

On nous dit qu'une femme sur trois subira des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Majoritairement, ces violences ont lieu avant la majorité ou un peu après. Ces violences, dures a porter pour les jeunes ne sont généralement pas dénoncées, car il faut un certain courage pour oser porter plainte et parler. Les femmes vivent dans le silence, par honte, par peur des répercussions. Bien sûr, les hommes aussi peuvent être victime de ces violences (il ne faut surtout pas l'oublier), simplement, le pourcentage est bien plus inferieur.

Dans ces relations, les femmes sont beaucoup plus condamnées que les hommes. Elles sont obligées de vivre avec ces traumatismes tout au long de leur vie. Pour les auteurs des violences, ceux-ci écopent souvent d'années de prison et d'une amende avant d'être relâchés. La probabilité qu'ils recommencent reste ainsi présente. Cela n'a même pas pour effet de guérir les victimes qui vivent constamment dans la peur de revivre ces mêmes scenarios. Jessica fera partie de ces victimes que la loi n'aura même pas acquittée car elle ne sera pas représentée. Dans notre société, la justice et l'égalité sont des principes mal établis. Rares sont les personnes écoutées et équitées par la loi.

***

Les jours ont passés et les coups que portent Arthur à Jessica sont devenus de plus en plus récurrents. Pourtant, je ne le vois pas consommer d'alcool ou de drogue et son comportement reste normal mise à part sa violence soudaine. Je ne saurais expliquer la raison de sa violence mais je ne supporte pas de voir ma sœur se plier sous ses coups. Des bleus commencent peu à peu à recouvrir son corps. Son teint est devenu beaucoup plus terne que la normale et ses actes se font beaucoup plus lents, comme si elle n'avait plus l'envie de rien. Je ne peux rien faire contre tout ça, je suis toujours aussi impuissante. Comme chaque situation finalement. Je ne peux pas supporter le nombre de fois où Arthur lève la main sur elle. Cela devient habituel pour elle et je peux voir sa crainte lorsque sa main se lève et qu'elle a un mouvement de recul. Arthur est violent pour chaque petite chose qui ne lui plait pas. Cela peut être sur le comportement de Jessica, ou simplement sur le fait qu'elle ai oublié de ranger ou de faire quelque chose. Au plus le temps passe, au plus la situation empire. Jessica a fini par ne porter que des habits amples pour cacher ses blessures provoquées par son copain. Je vois bien qu'elle a honte d'être victime et elle n'en a même pas parlé a sa meilleure amie, a qui elle confie tout.

Pourtant, Alexia était la première à tout savoir. Elles étaient tellement proches que les gens pensaient qu'elles étaient sœurs. C'est vrai qu'elles se ressemblaient énormément : elles avaient la même couleur de cheveux, la même couleur des yeux. Elles possédaient les même tics, les même réactions si bien qu'elles auraient pu passer pour des jumelles. Je n'en ai jamais été jalouse. Au contraire, je trouve ca incroyable que leur amitié tienne toujours. Je suis sure que si elle lui avait confié ces violences, elle aurait agi parce qu'elle n'est pas le genre d'amie a rester les bras croisés sans rien faire. Malheureusement, je m'aperçois, qu'au plus le temps passe, au plus elle se renferme sur elle-même. Elle est en train de s'emmurer dans son silence. Elle ne parle plus, et se laisse guider par Arthur sans même aller contre lui. Arthur l'a transformé en un pantin, une poupée qu'il peut manipuler à sa guise. A force de trop la violenter, il l'a fait plier a ses désirs. Elle devient ce qu'il souhaite faire d'elle. Cet amour naturel et bénéfique s'est transformé en une relation toxique et malsaine. Elle n'ose même plus l'approcher par elle-même. Ses cernes sous ses yeux se sont agrandis et elle ne sort jamais sans un col roulé ou une écharpe. De ce qu'elle laisse entrevoir, son cou, ses bras, son ventre sont parsemés de taches bleutées, violettes voire vertes.

Son cauchemar a pris vie et mes peurs se sont avérées réelles

Justine.H

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