Chapitre XIX

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Je vois bien qu'il ne s'arrête pas et continue ses à-coups de plus en plus violents. Il prend son pied et ne pense même pas à elle qui doit souffrir le martyre. Les minutes paraissent comme des heures et il finit par se vider en elle sans penser à enfiler un préservatif pour la protéger. Ses mains continuent de caresser son corps et sourit contre elle :

– Ah Jessica, soupire-t-il. Tu te cache bien sous tes airs innocents ! Mais j'ai vu clair dans ton jeu. Au fond je sais que tu y prends un plaisir autant que moi. Tu aimes être soumise face à moi ! lui chuchote-t-il en passant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Il est passé d'un homme cruel a quelqu'un qui a l'air de se préoccuper de sa copine. C'en est effrayant. Peut-être est-il bipolaire ?

Une fois fatigué, il se retire et se retourne et se recouche en silence. Jessica respire faiblement et je peux l'entendre renifler par moment. Je suis encore sous le choc de ce que je viens de voir. Comment peut-il être aussi horrible avec la fille qu'il aime ? Peut-être ne l'aime t-il pas autant qu'il ne le laisse montrer ? Je n'en sais rien. Je n'ai plus cette impression de le connaitre. A mes yeux, il est devenu un parfait inconnu. Il maltraite ma sœur sous mes yeux, et elle ne peut rien faire pour se défendre. Le pire, c'est qu'il est parfaitement conscient de ce qu'il fait : il n'est ni sous l'emprise de drogue, ni sous emprise de stupéfiants. Il sait ce qu'il fait et ça n'a pas l'air de le déranger. J'ai du mal à décrocher mes yeux de ma petite sœur qui voit son cœur se briser en des milliers de morceaux. Elle se recroqueville sur elle-même tout en prenant soin d'émettre une certaine distance entre elle et Arthur. Je vois bien qu'elle a mal car sa bouche se crispe en un rictus. Elle essuie ses larmes mais rien n'y fait, elle les laisse dévaler ses joues pour finir leur course sur le drap maintenant sale. Il ne possède plus aucun respect. Il ne la voit que pour le sexe et ça me dégoute profondément. Je ne le pensais pas capable d'une telle chose. Mais une relation cache bien souvent de lourds secrets que personne n'arrive à cerner au premier coup d'œil. Quelques temps plus tard, Jessica peine à retrouver le sommeil et ne cesse de se retourner. Elle sort du lit tout en prêtant attention à Arthur qui dort complètement et rejoint le salon sur la pointe des pieds. Elle attrape une feuille et un stylo et se pose pour écrire. Je ne sais pas quelles sont ses intentions mais j'en aurais bientôt le cœur net.

***

Une heure après, elle termine sa lettre qu'elle a noircit d'encre et de larmes. Je m'apprête à passer le regard au-dessus de son épaule mais celle-ci la pose et la cache sur le comptoir. Tout en sortant de la cuisine, elle ouvre un tiroir et attrape un couteau. Un flash survient dans ma tête et d'un coup, je comprends. Je dois l'empêcher de commettre l'acte qu'elle a en tête mais j'en suis tout bonnement incapable. Je ne peux pas agir sur le passé. Ce qui est fait doit se reproduire et encore une fois, je vais devoir affronter la vérité. Je peux comprendre sa détresse mais elle n'a pas le droit de baisser les bras de la sorte. Je ne peux m'empêcher de lui en vouloir de penser à passer à l'acte. Peut-être qu'elle ne voit que cette issue parce qu'elle se sent trop malheureuse pour pouvoir penser à s'en sortir.

– Tu vas le regretter de m'avoir violé ! chuchote-t-elle autant pour lui que pour elle, avec une once de colère en se rendant dans leur chambre. Elle pointe le couteau vers lui, les yeux baignés de larmes. JE TE DETESTE ! crie t-elle.

Elle porte une main sur son cœur, comme si crier lui faisait du mal. Ses jambes faiblissent et son corps est pris de convulsions. Elle se laisse tomber contre le lit et redirige le couteau vers elle. Je me précipite vers ma petite sœur en tendant la main vers le couteau mais, sans surprise, elle passe au travers. J'ai tenté la dernière chose que j'étais capable de faire pour l'en empêcher. Tout va trop vite. Mon regard est rivé vers l'arme qu'elle pointe vers son cœur. Ses doigts sont crispés mais ses convulsions se sont atténuées. Dans un cri strident, le couteau vient s'enfoncer dans sa chair, un rictus déformant ses traits.

– NON ! NON ! JESSICA ! TU N'AVAIS PAS LE DROIT DE FAIRE CA ! TU AURAIS DU TE BATTRE ! PAS ABANDONNER COMME CA !

Je crie, je crie à m'en casser les poumons. Elle est en train de se suicider devant mes yeux. Ses yeux se révulsent et sa main quitte le couteau pour finir sa course sur la moquette. Le sang dégouline de sa plaie et vient tacher le sol.

– Tu me détestera pour ce que j'ai fait, parvient elle à dire dans un souffle presque inaudible.

Son rictus se transforme en un faible sourire puis s'affaisse. Son cœur arrête de battre et son souffle s'absente jusqu'à disparaitre. Ayant l'envie de la prendre dans mes bras, je m'approche et m'accroupis face à elle. Mes doigts traversent ses cheveux comme si je pouvais les toucher. Les larmes ne cessent de couler et encore une fois, je replonge dans l'enfer. Je ferme les yeux et tente de me rappeler la fois où nous étions tous réunis. Cela remonte à tellement de temps. Chaque année traversée m'enfonce encore plus dans le cauchemar qu'Amber m'a créé. Bien qu'Amber ne soit pas mêlée directement, je n'ai aucuns doutes sur le fait qu'Arthur était en lien direct avec elle. Que va-t-il m'arriver maintenant que j'ai tout perdu ? Elle a tout détruit, ma famille, mes projets . . .

Mon regard se perd dans les yeux de ma sœur maintenant vide d'âme. Sa peau devient blanche, terne. Son âme d'enfant s'est envolée en même temps que sa vie. Il lui a fallu moins de deux minutes pour foutre sa vie en l'air sous le nez de son agresseur qui dort encore à poings fermés.

***

Le temps a passé sans que je ne le voie et pourtant je n'ai pas bougé, comme si j'attendais un petit signe de sa part qui me prouverait qu'elle est encore en vie. Les rideaux filtrent la lumière du soleil et réveille lentement Arthur. Il se retourne dans son sommeil et tâte les draps à la recherche de Jessica. Il ouvre ses yeux avec difficulté et se redresse. Il ne la trouve pas et décide de sortir du lit. En posant ses pieds sur la moquette, il a un élan de dégout et les relève immédiatement. Son pied a une couleur rouge étrange et poisseuse. Du sang. Le sang de Jessica. Il a un mouvement de recul et ouvre les yeux de stupeur. Il se redresse sur ses pieds et descend du lit en vitesse avant d'évaluer les dégâts. Jessica est affalée contre son lit et baigne dans une mare de sang. Arthur porte sa main à sa bouche et s'empresse de trouver son téléphone et appelle la première personne de son répertoire. A la première sonnerie, une voix de femme se fait entendre et Arthur parle précipitamment avec panique :

– Amber, c'est Jessica, elle . . . elle s'est tuée . . . Dans notre chambre ! Qu'est-ce que je dois faire ? Comment je fais ?

– Ne préviens pas la police. J'arrive ! Surtout ne bouge rien du tout ! Je m'en occupe.

Elle raccroche subitement le laissant devant le corps de Jessica, les bras ballants. Il s'accroupis face à elle et passe ses doigts dans ses cheveux.

– Jessica, je suis désolé, je suis désolé . . . !

Il ne cesse de se répéter comme si cela suffisait pour s'excuser du mal qu'il lui a infligé. Il touche son corps à la recherche d'une réaction de sa part, mais aucuns de ses membre ne bouge. Elle est morte. Et sans mauvais jeu de mots, un silence de mort règne dans la chambre. Malgré l'avertissement d'Amber de ne rien toucher, il récupère sa main et respire un bon coup avant d'essuyer furtivement une larme.

– Qu'est-ce que j'ai encore fait ? Je t'ai tué, je t'ai tué ! Jessica, pardonne moi ! Je ne voulais pas, je te le jure ! Tout est de ma faute !

Sans un regard envers Jessica, il se relève et traine des pieds pour boire un verre d'eau et s'éloigner de son corps. Je le suis sans faire de commentaires et l'observe attentivement. Un détail attire son attention : la lettre que Jessica a écrite est posée sur le plan de travail. Il est tenté de la lire et se rapproche pour la récupérer. Il s'assoit et je vois ses yeux passant de gauche à droite lire ses lignes rapidement. Je décide, à mon tour de jeter un œil à cette fameuse lettre.

Arthur, si tu tiens cette lettre entre tes mains, c'est que je suis déjà partie là où tu ne pourras plus me faire de mal. Je sais d'avance que si je n'étais pas morte pour ce que j'ai fait, tu m'aurais tué de tes propres mains.

Je vais être honnête : je t'aimais, je t'aimais d'un amour infini, à tel point que j'étais capable de mentir dans les yeux de ma sœur et de ma meilleure amie pour toi ! Tu étais devenu ma priorité. Quand on s'est rencontrés toi et moi, j'ai cru en tout ce que tu me disais. Je venais de perdre ma mère, j'avais déjà perdu mon père et tu m'as sauvé ! Je t'aimais aveuglement Arthur.

Mais du jour au lendemain, tu as changé. Tu es devenu violent, méchant, tu me traitais comme un objet qui ne méritait même plus d'attention. Tu étais devenu l'être humain le plus horrible de la planète. Tous les soirs, je cherchais les parties de mon corps où ma peau était encore beige mais celles-ci devenaient de plus en plus rare au fil du temps. J'aurais dû partir, mais je ne l'ai pas fait. Pour deux raisons : la première c'est que je t'aimais et j'espérais que tout reviendrait dans l'ordre, la deuxième c'est que j'avais peur. J'avais tout perdu, mes parents, ma place à l'université et je ne pouvais pas laisser ma sœur me prendre en charge avec tous les problèmes qu'elle a déjà. Je viens d'être majeure et je me dois d'être responsable de moi-même. Et puis j'étais persuadée que tu ne dépasserais jamais les limites. Je me suis bien trompée.

Malheureusement tu es allé trop loin. Au cas où tu oublies tout si tu te réveilles, saches que tu as utilisé mon corps sans mon consentement. Tu m'as utilisée pendant que je dormais. Le garçon que je connaissais n'aurait jamais commis un tel acte. Je n'avais plus de force pour lutter contre toi, tu m'en as empêché. Je venais de perdre l'espoir qu'un jour, toi et moi, ça aurait pu recommencer, mais je n'arrivais même plus à reconnaitre l'homme dont lequel j'étais tombée amoureuse au tout début. Je n'arrive pas à comprendre comment tu as pu devenir celui que tu es maintenant ! Saches que si on en est arrivé là, c'est de ta faute et uniquement de la tienne : tu as brulé tout ce à quoi je pouvais encore m'accrocher.

Cette nuit-là, je l'ai passé à pleurer toutes les larmes de mon corps. J'ai compris que je n'avais plus rien à perdre. J'ai préféré m'ôter la vie de moi-même avant que tu ne le fasses. J'espère bien que tu culpabiliseras toute ta vie pour ce que tu m'as fait endurer et pour cette nuit où le dernier souvenir que je garderai de toi avant de mourir est l'image d'un violeur, d'un agresseur et d'un garçon qui bat sa copine sans regrets.

A l'intention du garçon que j'ai aimé s'il est encore là et qu'il m'écoute encore : je veux que tu saches que malgré toutes les douleurs que tu as pu m'infliger, j'ai grandi et cela a fait de moi une personne que je n'aurais pas pu être si tu n'étais pas là.

Jessica

Justine.H

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