Chapitre XX

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Quand Amber est arrivée dans l'appartement, elle n'a eu aucune once de compassion pour Arthur, qui s'est quand même levé avec le cadavre de Jessica à ses pieds. Elle a simplement enfilé des gants avant de récupérer son corps pour le transporter sur un brancard. Elle a glissé quelques mots à Arthur, mais j'étais trop atterrée pour prêter attention à ce qu'ils se disaient. Mes larmes ne se sont pas taries et je peine encore à me rendre compte de l'ampleur des dégâts. Je veux qu'Amber me ramène dans mon piteux appartement pour que je puisse m'y enfermer et ne plus jamais en ressortir. C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de fuir, ça devient bien trop lourd à porter. Plus on avance dans le temps, plus mon cerveau voit trouble et je peine à tout relier. La situation perd tout son sens maintenant que je suis arrivée au bout.

Après la mort de ma sœur, je me suis renfermée sur moi-même et dans les deux sens : propre comme figuré. Je me suis isolée de la ville en tentant d'oublier ce qui m'était arrivé jusqu'ici. Je ne souhaite à personne tout ce que j'ai vécu. Je suis passée du rêve au cauchemar. Enfin, le rêve était un bien grand mot. Certes, j'avais une famille unie, remplie d'amour et de tendresse, mais pas de là à le considérer comme un rêve. Je n'attends plus rien d'Amber. Je n'ai jamais rien attendu d'elle finalement. Elle pourra recommencer à me tourmenter que je ne sentirai probablement plus rien. Maintenant que j'ai compris que tous les meurtres de ma famille étaient commandités, plus rien n'a de valeur à mes yeux. Moi qui pensais qu'il y avait en elle encore une once de bienveillance, j'étais bien naïve de le croire. Amber est mauvaise et je ne peux que le confirmer. Je tourne les talons et me mets à déambuler dans la pièce. Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez elle pour qu'elle puisse aimer faire du mal aux gens d'une telle manière ? Elle doit être sadomasochiste je pense ! De nous deux, s'il y'en a bien une qui doit être incarcérée dans un centre, c'est bien elle !

J'ai arrêté de compter le temps. Plus rien ne compte de toute façon. J'ai perdu tout ce en quoi je croyais. La mort des membres de ma famille n'a rien d'accidentel, tout a été mise en œuvre pour me nuire. Dans quel but ? Je ne sais toujours pas ! Et puis, de toute façon, qu'est-ce que ça m'apporterait de savoir la raison ? Au plus j'avance, au plus la pièce s'efface pour révéler un nouveau décor. Je palis.

Je tourne la tête dans l'espoir de trouver une porte de sortie, mais cette fois ci, je ne discerne rien. Le décor est encore assez flou et je me relève péniblement. M'appuyer sur mes jambes est assez difficile et les muscles de mes membres me tiraillent. Sans grande convictions, je me rassois et réfléchis quelques secondes. Je ne dois pas avoir d'actes irréfléchis. Je ne sais même pas où je suis, je ne veux pas me permettre de courir un danger. Mes yeux scannent la pièce mais je ne vois rien de spécial. Un parquet grinçant, une ampoule qui pend au plafond et qui ne s'allume même plus. Je suis retournée là où Amber m'a envoyé la toute première fois. Combien de temps s'est-il passé entre les deux ? Je n'en ai aucune idée ! Ici, le temps ne respecte plus les règles. Une heure peut passer comme une minute ou comme un jour. Bien sûr, cela n'a aucun sens, mais à partir du moment où ma vie est fondée sur des mensonges, plus rien n'a de sens.

Je souffle. Au moins je suis seule dans cette pièce. Amber est nocive, toxique, tout ce qu'il y'a de plus mauvais. Je ne pensais pas connaitre une personne aussi tordue qu'elle. Je suis persuadée qu'au fond, elle prend du plaisir à posséder un certain pouvoir contre moi. Elle sait a quel point je me sens vulnérable. Elle me balade, oui le terme est bien choisi pour designer la manière dont elle me traite. Je n'ai aucune possibilité de diriger ma vie comme je l'entends. Enfin, maintenant que j'ai tout perdu, je ne vois plus à quoi ça sert de se battre. Je regarde le parquet, la mine déconfite.

– Ca ne sert plus a rien de te battre Matt, tu as perdu ! Tu as perdu bien avant ton arrivée ici ! Je n'arrête pas de te le dire mais tout est de ta faute, uniquement de ta faute.

Je me prends la tête dans les mains. Pourquoi je continue à l'entendre ? Le sérum n'est plus censé faire effet. Elle m'a enfermée dans une pièce où je n'ai aucune chance de sortir. Elle est partout et nulle part. Cette fille est un éternel paradoxe. Je ne sais jamais comment la cerner. Comment arrive t'elle à rentrer dans ma tête ? Avec l'aide du sérum, c'est évident ! Mais comment voulez vous que je sorte de cette manipulation en pensant à des souvenirs heureux alors que tout autour de moi s'effondre ? J'abandonne, je jette les cartes. De toute façon, je ne connais même pas les règles. Je ne peux plus gagner contre elle. Elle me l'a dit elle-même, j'ai perdu. Alors à quoi ça sert de continuer ? Elle ne pourra pas me rendre ma famille. Personne ne pourra le faire. Même parler aux autorités ne changera rien ! Qui croirait à mon histoire ? Absolument personne.

– Cesse de tergiverser et rends toi, ça ira plus vite ! La voix d'Amber est mielleuse. On y discerne une fierté de me mener par la baguette. Tu es déjà morte Matt, comme tous les membres de ta famille. Sa voix est aussi froide que le métal d'une lame, détachée et tranchante. Comment peut-elle être aussi sure d'elle ? Elle ne me connait pas. Elle ne peut pas me connaitre. C'est impossible ! Mes yeux se ferment. Je tente de faire le vide dans mon esprit pour la faire disparaitre :

– Va-t'en Amber ! Qu'est ce que tu me veux ? Qu'est-ce que tu cherches a me faire ? Je deviens folle au point de parler toute seule. Je n'attends pas de réponse. En vérité, je n'attends plus rien d'elle, de la vie. Le temps passe et je finis par m'assoupir de fatigue.

Lorsque je me réveille, je me retrouve dans une autre pièce. Des murs blancs, un carrelage froid. Une simple couchette dans laquelle on m'a déposée, une fenêtre barricadée par des barres de fer et une porte blindée. Où est ce que je me retrouve encore ?

Aucune idée. Peut-être ai-je même changé de bâtiment ! Je ricane, prise d'une angoisse grandissante. Je n'ai pas le temps de réfléchir ou de me rassurer que la porte grise s'ouvre dans un crissement. Arthur. Encore lui. Mes mains tremblent mais je ne laisse rien paraitre. Je n'ai pas le droit de lui montrer ma peur au risque qu'il s'en serve et que ca se retourne contre moi. Maintenant, je connais son vrai visage. Une haine inconsidérable monte dans mes veines. L'image de Jessica en train de se suicider s'ancre dans mon esprit et j'ai beau cligner les paupières, l'image est toujours aussi stable. Elle m'aveugle tellement que j'ai l'impression d'y être une nouvelle fois. Cette fois ci c'est plus fort que moi, je panique et mon esprit perd le contrôle.

– Pas trop étonnée ? Arthur me sort de ma pensée en ricanant. A voir ta tête, je vois que tu n'étais pas au courant du revers de l'histoire.

Il se rapproche lentement de moi. Mon esprit ayant assimilé le mauvais personnage, je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer me faire subir les mêmes choses qu'il a fait subir à Jessica. Evidement, je ne suis pas sous son influence, je n'ai pas d'attaches envers lui. Arthur est aussi toxique qu'Amber et ce n'est pas une bonne chose.

– Me touche pas ! Je sais ce que tu lui as fait subir ! Tu devrais aller en prison pour ça ! Si tu avais pris soin d'elle, elle ne serait pas morte a l'heure qu'il est. TU M'ENTENDS ? ELLE NE SERAIT PAS MORTE !

Sans le vouloir, je me suis mise à lui crier dessus. Pourtant même avec tous mes efforts je n'arrive à lui décrocher qu'un fragment de remords. Je m'assure cependant de garder une distance entre lui et moi. Ses mains se rapprochent mais je me recule et mon dos bute contre la cloison froide.

– Cette fois ci, Amber ne sera pas la pour te sauver la mise ! Je l'entends railler. Tu fais moins la maligne maintenant hein ?

– Tu ne sais rien, dis-je pour gagner du temps. Je dois me sortir de là. Je ne peux pas lui laisser me faire du mal. Je te l'ai déjà dit mais je ne suis pas comme Jessica, je ne suis pas aveuglée par l'amour et peut être que je me retrouve seule a cause de vous mais je ne me laisserai pas abattre. Vous avez ruiné ma vie, ma famille, mes projets de vie . . . Mais ce que vous ne pourrez pas m'enlever, c'est mon désir de vengeance ! Je tente de garder mon air si sure de moi pour ne pas me laisser démonter. Le temps que je gagne à palabrer un discours monté de toute pièce, mon regard scanne la pièce à la recherche d'un échappatoire qui assurerait ma survie ou qui du moins, limiterait la casse. Arthur continue de s'approcher, un sourire suffisant étendu sur ses lèvres. Ses yeux brillent d'une lueur malsaine, comme s'il savourait chaque seconde de ma terreur.

– Tu penses vraiment pouvoir te venger ? ricane-t-il. Tu n'es qu'une pauvre fille brisée, incapable de se relever.

Mon cœur bat à tout rompre, mais je refuse de lui montrer ma peur. Mon regard continue de scruter la pièce. Une barre de fer est posée dans un coin, probablement détachée de la fenêtre barricadée. Si seulement je pouvais l'atteindre . . .

– Et toi, Arthur, tu penses pouvoir me réduire au silence ? rétorquai je avec un sourire que je veux provocateur. Je suis peut-être brisée, mais je ne suis pas finie.

Mon ton le déconcerte un instant. Je profite de cette hésitation pour me jeter vers la barre de fer. Mes doigts s'y referment alors qu'il bondit vers moi, ses mains tendues pour m'agripper. Je pivote brusquement, balayant l'air avec mon arme improvisée. Le bruit sourd du métal rencontrant son épaule me remplit d'une satisfaction morbide. Arthur grimace, reculant sous l'impact.

– Tu vas le regretter, grogne-t-il en massant son épaule meurtrie.

– C'est ce qu'on verra, répliquai je, mon souffle court.

Sans lui laisser le temps de se ressaisir, je frappe de nouveau. Cette fois, il pare mon coup avec son avant-bras, mais je vois la douleur tordre ses traits. La barre est lourde et chaque impact lui arrache un grognement. Il tente de m'attraper, mais je reste agile, esquivant ses attaques avec la détermination d'une personne qui n'a plus rien à perdre. La porte blindée est toujours ouverte. Cette porte est ma seule de chance de pouvoir sortir d'ici. D'un coup sec, je pousse violemment Arthur en direction du mur avant de m'élancer vers la sortie. Je sens sa main effleurer mon bras, mais il ne parvient pas à me retenir. Je me rue dans le couloir, mon arme toujours en main.

Le bâtiment est un labyrinthe de couloirs étroits et de portes closes. Malgré mes derniers passages, je peine à reconnaitre les lieux. Les lumières vacillent, projetant des ombres mouvantes qui semblent vouloir m'engloutir. Mon souffle est erratique, mais je continue d'avancer, refusant de m'arrêter.

– Tu ne pourras pas t'échapper ! hurle Arthur derrière moi. Amber te retrouvera, comme toujours !

Ses mots résonnent comme un avertissement sinistre, mais je n'y prête pas attention. Je devais sortir d'ici, coûte que coûte. Chaque porte que je croise est verrouillée, chaque embranchement semble mener à une impasse. Mais finalement, j'aperçois une issue : un escalier dérobé qui descendait vers ce que je supposais être le rez-de-chaussée.

Justine.H

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