HELLEBORE
Le sang perle à mes yeux comme une mortelle rosée, et ma chemise blanche telle une robe de mariée se teinte de ces gouttes évadées de mon corps à son crépuscule.
Souvenir d'autres temps, quand la violence était acceptée aux détours de l'existence, sans points d'interrogations.
Ainsi va la vie, entre soleil et nuit, douleur et douceur sont deux sœurs et leurs pas marquent les chemins de leurs indélébiles empreintes.
Elles y inscrivent les visages que nos esprits élaborent avec rage et patience, mais parviendrons-nous, un jour à les parer de nacre et de poussière d'ailes de papillons grâce à la force et la délicatesse en équilibre ?
Je sens mes crocs pousser, mon museau s'allonger sous la pleine lune et mes griffes grattent le sol avec l'impatience d'un enfant en quête d' une récompense.
Voilà des siècles que je n'ai recouvré mon pelage lustré et mon cri à l'astre nocturne, plein de joie et d'ardeur à ma sauvageté* réinvestie.
Même mon ombre en frémit et ses lèvres tremblent, sans voix, sachant que le temps est compté aux rêves parfumés d'encens.
J'ai oublié mon nom et mon image. L'eau de la source est troublée et ne me renvoie plus qu'une tache de couleur indéfinie dans l'ombre pleine de souvenirs.
L'hellébore périlleuse aux discrètes fleurs vert tendre, se balance gracieusement au gré du vent chargé de relents de chair brûlée.
Le bûcher rougeoie encore dans l'air glacé de l'hiver.
Mon âme flotte au-dessus de la folie de ces Hommes qui tremblent au hululement des chouettes, par ignorance, et les clouent sur les portes...
Par bonheur, mon départ me libère de tout cela.
* Expression archaïque volontaire
Samedi 22,02,2020, à Bugarach.
Annotations