Cascades de mots
Des cascades de mots dérivent mollement sur les lignes ondulantes d’un cahier trempé qui agonise
tranquillement sous une gouttière, dans ce grenier battu par les vents. La porte grince et grogne,
claque sous la main glacée de l’hiver bien installé. Ici les courants d’air règnent en maîtres.
L’obscurité épaisse comme un sable mouvant absorbe les images que mes yeux cherchent, dans la
lueur maigre d’une lune, fine comme la lame d’un cimeterre. Je ramasse le cahier à la consistance
d’une vieille éponge. Sensation étrange de toucher une peau froide comme celle d’un poisson mort.
Je le ferai sécher, ayant détaché les feuillets, sur le vieux fil à linge tendu entre deux poutres, auquel
il reste encore quelques pinces à linge ternies.
Ce grenier est vaste comme un navire plein d'antiquités. Soudain, un mouvement furtif et un
grognement sourd me propulsent contre le mur, plein de peur. Douche glacée, cœur à cent à
l'heure. Mes bras ont, d'instinct, protégé mon visage. J'attends, retenant mon souffle, aux aguets. J'ai
toujours le cahier à la main. Et dans la pénombre j'aperçois un chat qui m'observe, assis, bien droit.
Il ne bouge pas, pas du tout, même pas un tout petit peu, tellement pas qu'il pourrait-être de
pierre. Mais son regard fixe, sérieusement maléfique et outragé m'a cloué sur place. J'ai envahi son
domaine et il est furieux. J'ai toujours adoré les chats, détesté les chats...
Bugarach, 19 mai 2017
Mazaria
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