LA BRUME DU MATIN
2024. La capitale d'Haïti, autrefois symbole de la prospérité et de la sécurité, baignait désormais dans une brume de désespoir. Le vent glacé de la crise soufflait à travers les rues, emportant avec lui les dernières illusions de ceux qui croyaient en un avenir meilleur. Chaque coin de la ville semblait se tordre sous le poids des manifestations, des grèves, des promesses politiques non tenues. Dans cette agitation, une famille se battait pour survivre à sa propre guerre.
Lydia Boursicot se tenait dans la cuisine de sa maison, le regard fixé sur la tasse de café qui refroidissait entre ses mains. La vapeur qui s’échappait doucement semblait symboliser sa vie : autrefois pleine de chaleur et de rêves, aujourd’hui réduite à une brume qui ne faisait que disparaître lentement, sans retour possible.
Autour d’elle, l’agitation de la ville ne semblait pas exister. Les bruits de sirènes lointaines, les cris étouffés des protestations, tout cela semblait être un écho lointain, une réalité étrangère à l’intimité de son foyer. Mais au fond de son cœur, elle savait que la tempête qu’elle avait tenté d’ignorer pendant trop longtemps finirait par l’atteindre. Boursicot, son mari, l’homme politique puissant, avait beau ne jamais montrer la moindre faille en public, à la maison, il n’était qu’un tyran.
Le bruit des pas de ses enfants résonna dans le couloir. Dilan et zidan, les jumeaux, entraient dans la cuisine, leurs visages encore endormis. Lydia leur adressa un sourire fatigué mais chaleureux, dissimulant la tempête qui faisait rage en elle. Ils étaient tout ce qu’il lui restait, tout ce qui lui donnait encore une raison de se lever chaque matin.
Fatla, l’aînée, était déjà partie à l’école, mais la douleur de son absence pesait lourdement sur Lydia. C’était un vide qu’elle n’arrivait pas à combler, et son esprit revenait sans cesse à elle, à ce qu’elle aurait pu devenir. Mais il était trop tard pour les regrets. Trop tard pour les rêves brisés.
Un cri soudain retentit à l’extérieur, suivi d’un bruit de verre brisé. Lydia sursauta. Elle se leva brusquement, ses mains tremblant autour de la tasse. Les enfants la regardaient, inquiets. La tension politique qui grandissait à l’extérieur semblait maintenant envahir leur maison. La guerre dans la rue n’était plus qu’un reflet de la guerre qui faisait rage entre les murs de leur propre foyer.
"Dilan , zidan, allez dans vos chambres," dit-elle d’une voix calme, mais ferme. "Je vais m’occuper de ça."
Les jumeaux s’exécutèrent, mais Lydia sentit la lourdeur du destin peser sur elle. Il était peut-être trop tard pour fuir. Trop tard pour tout.
Mais la vengeance, elle, était encore une possibilité. Un désir qui couvait dans son cœur comme une braise prête à prendre feu.
Elle s’approcha de la fenêtre, et ce qu’elle aperçut à travers les rideaux renforça son malaise. Une silhouette solitaire, vêtue de noir, avançait lentement dans la rue, comme une ombre parmi les ombres. Son visage restait caché, mais Lydia ne pouvait s’empêcher de se demander si cette personne était liée à son mari… ou à tout ce qu’elle avait essayé de fuir.
Dans cette ville en ruine, avec sa famille à la dérive et un mari qu’elle haïssait presque autant qu’elle l’aimait, Lydia se rendait compte d’une chose : il était temps de prendre sa vie en main soudainement elle se précipita de monter à l’étage et faire ses valise pour ensuite essayer de trouver une échappatoire les jumeaux eux tremblait de peur pour les rassurer Lydia s’efforce de chanter avec un sourire si pale cache-cache Lubin se Lubin si ou kite yo wew se Lubin…
(le téléphone sonna)…..
Elle sursauta. L’écran affichait son mari. Un frisson parcourut son corps. Ces appels étaient toujours pleins de promesses et de menaces. D’une voix calme, elle décrocha, mais son cœur battait dans sa poitrine comme un tambour.
"Allô ?"
La voix de Lydia résonna, coupée par des bruits de fond, mais toujours aussi dominante, aussi froide.
"Oui, chérie, ça va. Les enfants sont à la maison ? Tout va bien ?"
Elle baissa les yeux sur ses enfants, assis dans un coin de la pièce, leurs regards inquiets fixés
sur elle. "Les enfants vont bien, oui." Sa voix trembla légèrement. "Je suis à la maison, tout va bien. Et toi ?"
Il hésita. Un instant de silence lourd, presque menaçant, avant qu’il reprenne d’une voix plus sourde.
"Les rumeurs… je… j’ai entendu des choses. J’espère que tu n’as rien à craindre."
Elle ne répondit pas immédiatement. Elle sentait l’angoisse grandir dans sa gorge. Ces "rumeurs", elle savait exactement de quoi il parlait. Les manifestations, la violence dans les rues, les tensions grandissantes… Tout cela les touchait inévitablement. Mais la vérité, ce qu’il ignorait encore, c’était que la plus grande violence ne se trouvait pas dehors, mais à l’intérieur de leur propre maison.
Un cri soudain brisa le silence. Un des enfants, terrifié, s’approcha d’elle. "Qu’est-ce qui se passe, maman ? C’était papa au téléphone ?"
Elle se pencha vers eux, son visage se faisant plus doux, ses bras ouverts pour les rassurer, bien qu’au fond, elle fût tout aussi effrayée qu’eux.
"Oui, mes bébés, c’est papa. Mais c’est rien, ne vous inquiétez pas. Juste un petit souci de réseau." Sa voix se brisa un instant, mais elle se força à sourire. Un sourire qui ne convainquait ni les enfants ni elle-même.
Elle jeta un dernier coup d’œil au téléphone. Mais elle savait qu’elle ne pouvait plus fuir. Chaque jour, chaque heure, chaque instant qui passait, elle s’enfonçait un peu plus dans ce cercle vicieux. La peur. La honte. L’impuissance. Mais aujourd’hui, quelque chose avait changé. Un éclat de rage, comme une étincelle dans l’obscurité, brûlait dans son cœur.
Elle se leva brusquement, laissant les enfants dans le salon. Lydia avait cru qu’elle était simplement une femme soumise, brisée. Il avait tort. Elle savait qu’il allait revenir ce soir-là, comme il le faisait toujours. Mais ce soir, il ne savait pas que tout allait changer.
Elle raccrocha, sans un mot, et se dirigea vers la chambre. Le silence qui suivit l’appel était lourd de menace, mais aussi de détermination. La vengeance n’a pas de frontières. Elle n’avait plus rien à perdre pour protéger ses enfants
Elle ferma les yeux un instant, respirant profondément, comme pour apaiser la tempête qui grondait en elle. Puis, d’un geste décidé, elle se tourna vers ses enfants. Ils la regardaient, leurs petits visages marqués par l’incompréhension.
"Écoutez-moi, mes chéris," dit-elle d'une voix ferme, mais tremblante d’émotion. "Nous devons partir, maintenant."
Ils s’échangèrent des regards, confus, mais aucun ne posa de question. Ils savaient. Maman ne plaisantait jamais quand elle prenait une décision.
Sans perdre de temps, elle attrapa les sacs déjà prêts, contenant des affaires essentielles. Elle s’assura que les enfants étaient bien habillés, puis se dirigea d’un pas rapide vers la porte. Elle n’avait plus de temps à perdre.
Elle se tourna vers les enfants, leur visage maintenant marqué par la tension et la peur. Ils étaient si jeunes, si vulnérables, mais ils sentaient que ce moment était crucial. Ils se blottirent l'un contre l'autre, le cœur battant, sans comprendre complètement ce qui se passait. Mais l’inquiétude dans les yeux de leur mère suffisait à leur donner le courage d’agir sans poser de questions.
Elle se précipita vers la fenêtre, baissant lentement les volets. Les rues étaient agitées, pleines de cris et de mouvements désordonnés. Les manifestations faisaient rage à quelques blocs de là, et les échos des protestations arrivaient jusqu’à son appartement. Les forces de l’ordre étaient omniprésentes, leur présence imposant un sentiment d’urgence. Elle ne pouvait plus attendre.
Elle appela immédiatement le chauffeur. "Jean, c’est moi. Je veux que tu sois là dans cinq minutes, à l’angle de la rue. Pas de questions, juste fais ce que je te dis."
Jean, un homme de confiance, savait mieux que d’autres que le temps était précieux, surtout dans une situation comme celle-ci. "Je suis là, ne t’inquiète pas."
Elle raccrocha et se tourna vers les enfants, les guidant doucement vers la sortie. Ils n’avaient pas beaucoup d’affaires, juste l’essentiel, mais elle savait qu’ils étaient en route pour un avenir incertain. Leurs petites mains se serrèrent autour des siennes, cherchant le réconfort qu’elle ne pouvait leur donner que par sa présence.
Elle les mena rapidement à la porte, et ils descendirent les escaliers à toute vitesse, l’air encore plus lourd à mesure qu’ils s’éloignaient de leur maison. Le bruit des sirènes devenait de plus en plus fort, presque assourdissant. L’angoisse croissait en elle, mais elle refusa de flancher. Elle avait pris sa décision.
À l'angle de la rue, le chauffeur était déjà là, son regard anxieux fixant la silhouette de la mère et de ses enfants qui approchaient. "Vite, entrez !" cria-t-il à voix basse.
Elle n’hésita pas. Elle fit signe aux enfants de se faufiler dans la voiture, puis monta en dernier. Le moteur démarra dans un bruit sourd, et ils s’élancèrent dans les rues animées de Port-Au-Prince qui semblait encore plus chaotique à cet instant, comme si la guerre civile approchait à grands pas.
Elle se tourna vers la fenêtre, ses yeux se perdant dans la confusion des rues. Les choses allaient trop vite. Les événements s’enchaînaient trop rapidement, et elle savait qu’elle ne reviendrait pas en arrière. Elle jetait un dernier regard à la capitale, cette ville qu’elle avait aimée, qui était désormais synonyme de douleur et de révolte.
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