LA FUGUE
"Emmène-nous à Fatla, vite. Nous devons quitter cette ville."
Le chauffeur hocha la tête et accéléra. Ils prenaient la route de l’incertitude, le vent de l’angoisse soufflant derrière eux. Le chaos était dans les rues, mais cette fois, c'était elle qui fuyait, emportant avec elle son espoir et ses rêves brisés.
Le véhicule s'engagea dans des rues de plus en plus désertes, traversant des quartiers où les signes de la violence étaient évidents. Le chaos semblait les suivre, les traquer. Mais l’esprit de la mère était ailleurs. Elle ne pouvait se concentrer sur le tumulte extérieur, ni sur les ruines de la ville qui se défaisaient sous ses yeux. Son esprit était accaparé par une seule pensée : Fafla.
Jean roula doucement devant l’entrée de l’école, les phares du véhicule se projetant sur la façade abandonnée. L’école était fermée. Il n'y avait ni enfants, ni signes de vie. Le silence de l’endroit semblait étouffer les bruits du monde extérieur. Tout était figé, comme suspendu dans l'attente de quelque chose d’horrible.
Elle sortit précipitamment du véhicule, les enfants dans les bras, sans vraiment savoir ce qu’elle cherchait exactement. Elle s'approcha de l’entrée de l’école, frénétiquement, les yeux scrutant chaque coin d’ombre. Fafla. Peut-être qu'elle était juste à l'intérieur, attendant comme elle, dans cette attente désespérée, un appel qu’elle aurait fait il y a quelques heures.
Elle frappa violemment à la porte, puis entra en trombe, mais l'école était vide. Il n’y avait que des papiers éparpillés sur le sol, des bancs renversés. Rien. Aucun signe de Fafla.
Elle appela. Ses mains tremblaient, ses doigts pressant frénétiquement sur l'écran de son téléphone. "Fafla ! Fafla, où es-tu ?" Mais rien. Le téléphone sonnait dans le vide, sans réponse. Un silence lourd de signification. Elle se laissa tomber à genoux dans le couloir désert, la panique montant comme un mur de béton.
"Non…" murmura-t-elle, les larmes brûlant ses yeux. "Où es-tu ?"
Jean, resté dehors, attendait avec patience, mais aussi une inquiétude grandissante. En voyant la détresse de la mère, il savait qu’il fallait agir. Il s’avança doucement vers elle.
"Nous devons partir. Je vais la retrouver, je te le promets."
Elle le regarda, les yeux pleins de larmes, mais aussi d’un espoir ténu. "Retrouve-la, peu importe le prix, Jean. Fais tout ce qu'il faut. Je veux savoir où elle est, où qu'elle soit."
Jean hocha la tête et se précipita dans sa voiture. L’heure était comptée. Il savait que cette mission n’allait pas être facile. Les rues étaient agitées, de plus en plus impraticables. Chaque minute qui passait, chaque heure, était une torture de plus pour la mère. Mais Jean, déterminé, écumait les rues, les lieux publics, cherchant des informations, interrogeant les passants, mais la ville était trop chaotique pour retrouver une personne disparue.
Les heures s’étiraient comme des plombs, et à chaque minute, l’espoir de retrouver Fafla semblait se dissiper un peu plus.
Quelques heures plus tard.
Jean arriva enfin à l'endroit où il avait trouvé une piste, mais ce qu’il découvrit le laissa sans voix. Il n’était plus seul. Une petite foule se pressait autour d’un corps. Jean s’approcha, son regard cherchant avec désespoir la silhouette qu'il connaissait bien.
C’était elle. Fafla.
Elle était là, allongée sur le sol, une plaie béante à la tête, des blessures évidentes sur tout le corps. Ses yeux étaient clos, et une pâle lueur semblait s’être éteinte en elle. Le souffle court, Jean s’accroupit, le cœur lourd, complètement dévasté. La recherche avait pris fin dans une brutalité qu’il n’aurait jamais imaginée.
Jean n'eut pas le courage de regarder plus longtemps. Il se redressa lentement, le cœur serré dans sa poitrine. Comment allait-il annoncer cela ? À Lydia ? Les mots lui manquaient. Tout était devenu flou. Une partie de lui ne voulait même pas croire ce qu’il venait de voir.
Il reprit la voiture, et, les yeux presque vides de larmes, se rendit là où il avait laissé la mère et les enfants. Mais avant d’arriver, il s’arrêta quelques secondes pour faire une dernière prière en silence. Puis, il se remit en route. Chaque minute était un supplice, chaque seconde un crève-cœur.
Lorsqu'il arriva enfin à destination, la mère attendait dans l'angoisse. Les enfants s’étaient endormis sur la banquette arrière, inconscients du drame qui venait de frapper leur famille. Elle leva les yeux vers Jean, espérant des nouvelles de sa fille
Mais Jean n’avait pas de réponse. Il baissa les yeux, le cœur lourd. Il savait que les mots qu’il allait prononcer changeraient à jamais le cours de leur vie.
"Fafla..." Jean laissa échapper un souffle, mais rien de plus. "Elle est morte."
La mère resta là, pétrifiée, incapable de comprendre les paroles qui venaient de sortir de la bouche de Jean. Elle se sentit vaciller, le monde entier s’effondrant sous elle. Elle ne pouvait pas le croire. Pas Fafla. Pas sa fille
"Non…" murmura-t-elle, les yeux écarquillés, une douleur intense éclatant dans sa poitrine. "Non, non, NON !"
Elle s’effondra, incapable de retenir les larmes qui venaient de surgir, des larmes de douleur, de rage, et de chagrin. Tout s’était effondré autour d’elle, et avec cela, ses derniers espoirs.
Jean se tenait là, à côté d’elle, ne sachant comment la consoler, ne sachant comment la soulager dans cette douleur insupportable. Elle venait de perdre sa fille, et le monde semblait ne plus avoir de sens.
Jean venait tout juste de terminer d’annoncer la terrible nouvelle à la mère, lorsque son téléphone vibra brusquement dans sa poche. Il le sortit rapidement, d’un geste presque mécanique.
L’affichage du numéro sur l’écran lui coupa le souffle. Son patron, à cet instant précis, était une menace bien plus grande que les manifestants dans les rues. Il hésita un instant, jetant un regard furtif à la mère, toujours en proie à une douleur insupportable.
Il décrocha.
"Jean, où est-elle ? Où est ma femme ? Et mes enfants ?" La voix de Boursicot était froide, tranchante, comme une lame prête à frapper. "Tu n’es pas à la maison. J’espère que tout va bien, parce que les rues ne semblent pas sûres du tout en ce moment."
Jean se crispa, son regard se figeant. Il pouvait sentir la menace dans chaque mot prononcé par Boursicot. Il n’était pas du genre à poser des questions pour le simple plaisir de savoir. C’était une question de pouvoir, de contrôle, et Jean le savait. Cet appel n’était que l’ombre d’une catastrophe plus grande qui se préparait.
Il se tourna vers la mère, les mains tremblantes, ses yeux noyés de larmes. Les enfants dormaient toujours à l’arrière, ignorant tout ce qui venait de se passer. Il n’osait même pas les réveiller.
"Elle… elle est là." Jean tenta de garder une voix calme, malgré l’agitation dans son ventre. "Ils sont avec moi. Mais la situation est… compliquée."
Il entendit un soupir de l’autre côté du fil, lourd de menace. "Je veux les voir, Jean. Tout de suite." Le ton de Boursicot n’admettait aucune réplique. "Je te conseille de ne pas faire d’erreurs, sinon… tu le regretteras."
Jean savait que chaque mot de Boursicot était une menace. Il n’avait pas besoin de le dire explicitement pour que le danger soit évident. Jean sentit une pression croissante dans son esprit, sa respiration se faisant plus courte. Il devait protéger la mère et les enfants, mais comment ? Que faire face à cet homme qui ne connaissait que la violence et le contrôle ?
Il raccrocha brutalement, la rage et l’inquiétude s’entremêlant dans ses pensées. Comment expliquer à cette mère brisée que son mari, l’homme qui avait détruit sa vie, était désormais une menace encore plus grande pour elle et ses enfants ?
Pendant ce temps, la mère, dévastée par la perte de sa fille, tentait de rester forte. Elle savait qu'elle devait protéger ses enfants coûte que coûte. Mais le dilemme qui la tourmentait depuis qu’elle avait quitté leur maison prenait une ampleur qu’elle n’avait pas anticipée.
Rester en fuite ? Revenir à la maison ? Elle hésitait, les voix dans sa tête se battant pour avoir le dessus. Rentrer, c’était se confronter à un mari qu’elle haïssait, à un homme dont elle avait eu peur pendant trop d’années. Mais fuir encore, c’était abandonner tout ce qu’elle connaissait
Elle jeta un coup d’œil aux enfants, endormis, leur souffle doux et paisible. Ils n’avaient aucune idée de l’horreur qui se déroulait autour d’eux. Elle serra les poings.
"Je n’ai que vous deux, mes amours." Murmura-t-elle à voix basse, un sanglot étranglé dans la gorge. "Je ne vais pas vous laisser tomber."
Son esprit se tourna de nouveau vers l’appel de Boursicot. Elle savait que l’homme qu’elle avait autrefois aimé, celui qu’elle avait cru pouvoir changer, était désormais l’ennemi. Et il n’allait pas la laisser partir. Il allait la traquer, comme il avait toujours fait, mais cette fois-ci, ce serait différent. Elle n’était plus la même.
Elle se leva lentement, l’air froid de la nuit pénétrant dans ses os. "Jean," dit-elle, sa voix brisée mais déterminée. "Nous devons partir. Je ne sais pas où, mais je ne vais pas retourner chez lui."
Jean la regarda, incertain, puis hocha la tête, compréhensif. "D’accord. On fuit." Mais l’inquiétude se lisait dans ses yeux. "Mais où aller ? Il est trop dangereux de rester ici."
Elle soupira. "Je n’en sais rien. " Ses mots se perdirent dans l’air, et elle secoua la tête, trop accablée pour continuer. "Je ne sais plus où aller, mais je dois protéger mes enfants. Je dois fuir ce monstre."
Jean n’eut pas le temps de répondre. Le téléphone de la mère vibra soudainement. Un message. Il était de Boursicot. "Ne tentez rien, je suis déjà là. Vous avez 15 minutes. «Le message était court, mais plein de menace. Un frisson glacial parcourut l’échine de la mère. Elle jeta un regard à Jean. Le temps était compté.
"On doit partir, maintenant." dit-elle, son visage marqué par la peur.
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