Chapitre 1: Une promotion !?

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 Le Père Menkera, un cultiste d’un âge avancé, était en train de parcourir un vieux parchemin d’un air distrait. Comme le voulait la coutume en Assyr, l’homme était quasiment chauve, mais il n’aurait de toute manière pas eu grand-chose sur le caillou, même s’il l’avait désiré. Il se rasait tous les matins, comme n’importe quel Assyrien. Il portait une simple tunique grise, les chaleurs du pays étant ce qu’elles avaient toujours été. Il avait beau essayer, il ne parvenait pas à se concentrer sur ses documents, tant il était de piètre humeur. Aussi, quand son disciple frappa à la porte, le dérangeant dans sa lecture, il lui aboya l’ordre d’entrer.

 Ce dernier devait avoir la trentaine. Il avait rejoint le Culte seulement quelques années auparavant et le Père Menkera l’avait pris sous son aile au Prieuré de Percim, comme bien d’autres apprentis. L’établissement servait à la fois d’orphelinat et d’école prestigieuse. Ils y accueillaient de nombreux enfants et adolescents à qui l'on apprenait à lire, écrire, calculer, ainsi qu’à connaître l’histoire du Culte.

 Pour autant, les responsabilités du Père Menkera ne s’arrêtaient pas là. Il était aussi le secrétaire de l’assemblée cultique de Percim et était, par conséquent, le second de l’Évêque, Mgr Dakarai. Ce dernier commençait à montrer des signes de fatigue dus à son âge. Jusque récemment, Menkera était d’ailleurs persuadé qu’il serait promu au titre d’Évêque lorsque Dakarai tirerait sa révérence. Mais il avait eu vent de nouvelles rumeurs, et c’était à celles-ci qu’il devait son humeur.

 — Qu’as-tu trouvé ? demanda-t-il sèchement à son disciple.

 — J’ai parlé avec quelques marchands et agriculteurs qui ont confirmé ce que vous vouliez, répondit l’interrogé. L’église de Poncho déborde de fidèles et les habitants des villages voisins s’y rendent aussi en nombre.

 — Et tout ça à cause de ce jeune prêtre ? insista Menkera. Qu’est-ce qui leur prend ?

 — Les gens l’aiment bien, soupira le disciple en haussant les épaules. Il paraît qu’il rend visite aux villageois, les aide aux récoltes, aux travaux… et que ses sermons sont « rafraîchissants ».

 — Les sermons n’ont pas à être rafraîchissants ! pesta le Père supérieur avec dédain. Le Culte et les valeurs du Culte sont ce qu’ils sont et ont toujours été.

 — Si je puis me permettre, mon Père, hésita le disciple. Pourquoi paraissez-vous si hostile à voir le peuple des environs si enclin à assister aux cérémonies et offices du Culte ?

 — Ce n’est pas ça le problème. Celui qui m’emmerde, c’est ce prêtre, Amout Zacarol.

 — Amset Zalacotl, corrigea le disciple d’un air suspicieux. Vous le connaissez ?

 — Son grand-père était un ambassadeur de Cobaltique, ou quelque chose comme ça. Mais non, ce qui me dérange, c’est que, si jeune, il fasse tant de zèle. Il s’était déjà fait remarquer à la dernière assemblée. Mais pire, ce vieux croulant de Dakarai commence à s’intéresser à lui.

 Le disciple refréna une protestation envers son maître qui insultait leur supérieur régional, sachant que cela ne ferait qu’aggraver son humeur. Aussi resta-t-il silencieux à le fixer jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

 — Ce vieillard a survécu jusqu’à maintenant, il ne faudrait pas qu’il parte en désignant un jeune successeur inexpérimenté à son Excellence… S’il ne parle de personne en particulier, je suis sûr d’avoir sa place, mais si ce Ambet continue de faire des siennes…

 — Vous pensez qu’on le désignerait comme Évêque de Percim ? Il a à peine 19 ans… !

 — Oh, ce ne serait pas sans précédent, l’Inquisitrice de la Majorique est en place depuis qu’elle en a vingt-deux, grommela Menkera, amer, en regardant vaguement la pile de parchemins qui attendait son inspection. D’autant que, d’après ce que j’ai compris, il a très tôt été disciple de l’Évêque de Nopila, ce qui lui fait un atout de plus…

 Le disciple se mordit la lèvre, gêné. Le Père Supérieur n’avait jamais été un modèle de patience ni de calme, mais il ne le savait pas ambitieux au point d’envier un jeune prêtre, nouveau dans la région. Pourtant, il était clair que l’idée même de se voir devancer mettait le vieux cultiste sur les nerfs. Ce n’était pas le bon moment pour lui parler de son désir de passer quelques jours avec son épouse, loin du Prieuré…

 Soudain, tandis que le disciple tentait subtilement de se rapprocher de la porte, le Père Menkera se releva d’un bond en poussant un cri de victoire mauvais, s’étant saisi au passage du premier parchemin de sa pile.

 — Mais c’est bien sûr ! s’écria-t-il, les yeux rivés sur son document. Voilà exactement ce dont j’ai besoin pour me débarrasser de cet enquiquineur prétentieux !

 — Mon Père, vous ne comptez tout de même pas l’exécuter ou le jeter en prison ? s’exclama le disciple, horrifié.

 — Ne dis pas de sornettes, quoique tes idées me plaisent aussi… Non, au contraire, figure-toi que nous allons accorder à ce Amhed Zolacoul exactement ce que je redoutais : une promotion !

 — Une promotion !? répéta le disciple en plissant les yeux. Mais, Père Menkera…

 — Retourne donc au travail, l’interrompit-il d’un geste de main méprisant. Que personne ne me dérange plus aujourd’hui. Il faut que je prépare tout ça pour la prochaine assemblée…

 Le disciple déglutit mais ne se fit pas prier plus longtemps. Une fois la porte refermée derrière lui, il resta pourtant pensif quelques instants. Le Père Supérieur tramait un sale coup, mais il avait du mal à imaginer ce qu’il en était réellement.

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