Chapitre 1,5: Leçon de Culte

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 Ce chapitre a été écrit après le chapitre final, pour satisfaire les commentaires proposant que le Culte soit un peu plus abordé. N'hésitez pas à le commenter et à me dire si cet interlude fait le taff' ! Bonne lecture et merci pour vos retours!

 Après quelques instants, l'homme abandonna ses réflexions pour retourner à ses tâches du jour. En tant que disciple du Père Supérieur, son travail était identique à celui des autres Pères et Mères du Prieuré, à savoir veiller à l’éducation de tout un tas d’enfants. S’ils accueillaient de nombreux orphelins, ils recevaient aussi les héritiers de grandes familles des alentours de Percim. Des garçons et des filles de tout âge mais qui, comme le voulait la coutume en Assyr, portaient tous la même et longue tresse de cheveux. Cette dernière symbolisait l’enfance dans le pays et était coupée dès l’âge de quinze ans. Avant cela, il n'était guère aisé de distinguer un frère de sa sœur.

 Aussi, quand il entra dans la salle de classe, c’est une vingtaine de chérubins presque identiques qui se rassirent bien vite sur leurs bancs, croisant les bras en l’attente d’une instruction de leur professeur. C’était une classe de très jeunes enfants, à peine huit ans. Ils avaient un peu de mal à tenir en place mais on leur imposait depuis leur arrivée ici de ne pas s’agiter en présence d’un Père ou d’une Mère sous peine de sanction. À cet âge, il s’agissait surtout d’orphelins.

 Le disciple mit ses réflexions au sujet de son maître de côté et adressa un sourire aux enfants. Il réprimanda d’un geste de tête une fillette qui se balançait d’avant en arrière puis attrapa une grande baguette en bois.

 — Bonjour les enfants, commença-t-il. Aujourd’hui, j’aimerais que vous me disiez ce que vous savez de Lithé et Meroclet. Oui ?

 — Lifé et Mecoc’let sont les teux tieux de notre fénéré Culte ! répondit d'une voix malhabile un jeune garçon qui avait été désigné par leur professeur après s’être levé de son banc, à l’instar de deux compagnons qui s’étaient rassis ensuite.

 — Les deux dieux de notre vénéré Culte, répéta le disciple en appuyant chaque syllabe.

 Il fit articuler l’enfant une seconde fois, plus lentement, afin de le forcer à mieux prononcer les mots. Ils étaient encore quelques-uns à ne pas bien maîtriser le langage à cet âge et le disciple se donnait pour mission de faire disparaître leurs défauts.

 — Mieux. Lithé est aussi appelé l’Architecte. C’est lui qui dessine les plans, qui trouve les idées, qui tisse les destinées. Meroclet, lui, est le Bâtisseur. Il donne vie aux paroles de Lithé et sculpte la réalité. Chaque évènement, du plus insignifiant au plus épique, est issu de leur collaboration. Dites-moi, les enfants, l’un de vous a-t-il déjà rencontré l’un de ces dieux ?

 Cette fois, aucun enfant ne se leva. Certains le regardaient avec une expression presque vide, à se demander s’il y avait quelque chose derrière leurs orbites. Les plus curieux, par contre, échangeaient des regards avec leurs voisins en se pinçant les lèvres, de peur d’être pris en faute.

 — Bien, je vous rassure de suite, ce n’est évidemment pas possible, enchaîna leur enseignant en faisant quelques pas. Lithé et Meroclet ne se présentent pas sur la Terre des Murmures. Ils veillent sur nous, car le Soleil et la Lune sont comme leurs yeux, qui nous fixent où que nous soyons. Par contre, ils peuvent communiquer avec les plus pieux et les plus fidèles de leurs croyants, afin de leur donner des missions, que ce soit directement ou par la mise en place de présages. Connaissez-vous quelqu’un, dès lors, qui a pu entrer en contact avec Lithé et Meroclet ?

 — Les Saints ! s’exclama un autre garçon, sans se lever ni attendre d’être désigné, ce qui lui valut un brusque coup de baguette sur l’épaule.

 — Silence, Thot ! le réprimanda le disciple. Force est d’avouer que votre camarade importun a raison. Notre histoire est pleine de Saints et Saintes dont les exploits et la dévotion nous sont parvenus. On donne leurs noms à des places ou des bâtiments, même des siècles après leur mort. Parfois, il subsiste même des Reliques, véritables armes confiées par les Dieux eux-mêmes pour les aider à leur tâche. Une autre idée ? Et on se lève ! Oui ?

 — Les Inqu.. Inqui… Inquisiteurs ! répondit une fillette en faisant de son mieux.

 — Ah, voilà qui est à nuancer, répondit le disciple, sans se soucier de savoir si le terme employé était compris par son auditoire. Nos cinq Inquisiteurs, un par pays croyant, représentent la plus grande autorité du Culte. Il est arrivé que certains s’opposent à des Empereurs et des Rois hérétiques, et les fassent même renverser. Ils sont considérés comme la voix des dieux sur la Terre des Murmures. Cependant, tous n’ont pas nécessairement pu communiquer avec les dieux, cela n’arrive que lorsque ces derniers le jugent nécessaire. Bien souvent, ceux-ci sont ensuite considérés comme des Saints ! Mais cela peut aussi toucher un Évêque, voire un simple prêtre de village ! Une autre proposition ? Thot ?

 — Les Colosses ! répondit l’enfant qui, cette fois-ci, s’était levé comme le voulait l'usage. Il y a Seboth, Vausturn, Jura… !

 — Bien, oui ! Les Colosses sont les êtres qui, en Terre des Murmures, se rapprochent le plus des dieux. Ils aident les croyants à punir l’hérésie et veillent à aider les plus pieux. Seule l’intervention d’un dieu peut venir blesser un Colosse, comme Meroclet l’a fait avec Seboth quand il s’est détourné de lui. Mais c’est une autre histoire. L’un de vous peut-il me rappeler d’ailleurs ce pourquoi Psyendé est connue ? Allons, nous en avons parlé le mois passé ! Oui ?

 — Psyendé est la première Colosse, commença une gamine en levant les yeux pour se remémorer sa leçon. C’est elle qui a apporté l’écriture et la lecture aux hommes, ainsi que les premiers parchemins.

 — Et… ? Senet ?

 — C’est elle qui a dit que les deux dieux, ils existaient ! lança la concernée, fière de connaître la suite.

 — Bien ! Psyendé a fait d’Emor, en Cobaltique, la première ville cultique, avant de propager notre croyance dans le monde. Car, rappelez-moi l’un de nos principaux devoirs envers les dieux pour profiter de leur bienveillance à notre égard ?

 — Chasser l’hérésie ou la convertir à nos valeurs et notre Culte ! clamèrent en chœur tous les enfants.

 Contrairement aux réponses précédentes, les enfants ne s'étaient pas levés. Il s'agissait d'une formule qu’ils récitaient à chaque cours de théologie, comme un rituel pour faire d'eux des fidèles aux deux dieux.

 — Bien, annonça l’homme, satisfait. Laissez-moi maintenant vous raconter l’histoire d’un autre Colosse, disons… Scoléra !

 Le reste de la leçon fut ainsi portée sur cet être gigantesque qui, disait-on, avait privé de soleil l’Assyr alors païenne en le cachant de son corps gigantesque. La scène avait de quoi faire peur aux enfants, mais c’était ainsi que l’on se représentait les Colosses. Terribles et puissants, au-delà de toutes limites. Son récit terminé, il libéra la classe qui put partir se changer les idées dans la cour du Prieuré. Le disciple, avant de quitter la pièce, posa son regard sur un parchemin tenant lieu de calendrier. Il soupira après avoir constaté que l’Assemblée cultique aurait lieu d’ici seulement trois jours. Ces journées étaient souvent longues et ennuyeuses, surtout pour un disciple comme lui, sans réelles responsabilités, puisqu’il dépendait de quelqu’un d’autre. Pourtant, cette fois-ci, son supérieur avait une idée derrière la tête. Peut-être la réunion allait-elle être plus mouvementée que d'habitude ?

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