Chapitre 3: Le Tunnel Ste-Barbe
— Allez, on se réveille ! tonna soudain une voix qui fit sursauter Amset.
L’Assyrien haleta quelques secondes, d’abord surpris par l’obscurité ambiante. Seules quelques lanternes mourantes, disposées à intervalles réguliers, balisaient faiblement les alentours. Le jeune prêtre avait opté pour la solution la plus simple pour rejoindre la Cyanide : Le Tunnel de Ste-Barbe. Il avait été creusé à peine quarante ans auparavant et passait sous le Massif de Laya, la montagne qui séparait l’Assyr de la Cyanide, afin de relier les deux pays. C’était le premier itinéraire sans danger à permettre un tel voyage, mais il n’en était pas agréable pour autant. Les rares cochers à en proposer la traversée demandaient un prix exorbitant.
Avec une telle dépense, on aurait pu croire que le client serait mis à l’honneur. Il n’en était rien. Le jeune cultiste était recroquevillé dans un petit véhicule à couchette. Il ne disposait guère de place pour s’étendre, car le matériel qu’il avait pris avec lui occupait plus d'espace qu’il ne l’aurait cru. Si Amset avait essayé d’engager la conversation avec le conducteur, il avait vite compris que ce dernier n’était pas très causant. Il se contentait de le réveiller pour les repas qu’ils prenaient à des relais. Ces petits refuges leur permettaient d’échanger leur animal contre un autre, moins fatigué, pour reprendre la route.
L’homme qui l’avait réveillé ne le regardait déjà plus, concentré sur ses rênes. Le domroch qui les tirait était aveugle. La pauvre bête n’avait jamais dû voir la lumière du soleil. Mais il était tant habitué aux allers et aux retours qu’il n’aurait sûrement eu aucun mal à emmener ses clients à bon port sans aide. Le jeune prêtre le plaignait sincèrement pour cette triste et morne existence. Lui était habitué à de vastes étendues de sable desquelles s’élevaient de courageux arbres et le délicieux parfum des lotus du désert. Mais ici, il n’y avait pas un grain de sable en vue, ni rien d’autre d’ailleurs. Tout n’était qu’obscurité, ou presque. Il n’y avait pas non plus de lotus, leur agréable odeur avait été remplacée par un effluve putride dont il ignorait l’origine. À bien y réfléchir, c’était peut-être mieux comme ça.
Amset se redressa prudemment et passa la tête en dehors de la couchette. Au loin, il y avait une lumière plus vive, plus éclatante que celle des fébriles flammèches. Il soupira, souriant faiblement, et entreprit de ranger ses quelques effets personnels, ravi de retrouver sous peu l’air libre et frais. Il avait perdu la notion du temps, à force d’ennui et de siestes plus ou moins longues, mais on l’avait prévenu que son voyage durerait trois jours.
Le trajet avait été des plus ennuyeux. Pourtant, l’Assyrien sentait l’excitation monter en lui. Ces quelques jours n’étaient que le prix à payer pour enfin découvrir Réunion, la fameuse cité de toutes les nations dont leur avait parlé le Père Menkera. Celle-ci était censée se trouver toute proche de la sortie du Tunnel. Il allait partir à la rencontre de ce pays étranger dont il n’avait jamais eu vent que dans des récits d’explorateurs ou de rares histoires cultiques. Les mains sur la rambarde du véhicule, il parvint à se tenir debout, fixant le bout du tunnel en sentant son cœur battre la chamade. C’était l’occasion pour lui de se rendre vraiment utile pour le Culte.
Cependant, son cocher s’arrêta avant qu’ils soient arrivés au bout. Il devait s’occuper de son courageux bovin. Amset l’ayant payé au départ, il salua vaguement son client, l’abandonnant sans la moindre explication et sans plus d’intérêt. Le prêtre n’insista pas et, son sac en toile sur le dos, avança vers son destin, impatient.
S’il avait su…
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