Chapitre 4: Bienvenue à Réunion

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 Lorsqu’Amset sortit enfin du Tunnel Ste-Barbe, il fut ébloui par la chaleureuse lumière du soleil qui lui avait tant manqué ces derniers jours. Il lui fallut quelques secondes pour s’y réadapter, la main sur le front. Quand il se risqua à mieux observer les alentours, il en eut presque le souffle coupé.

 Devant lui s’étalaient des vastes forêts, avec des arbres immenses, plus grands que tous ceux qu’il eut jamais vus en Assyr. La végétation était plus luxuriante et diverse que dans la plus belle oasis de son pays natal. Partout devant lui, la Cyanide grouillait de vie. C’était un magnifique paysage, digne d’un tableau de maître. Cependant, et malgré le soleil à son zénith, Amset se sentit presque frissonner, si bien qu’il sortit une couverture dans laquelle il s’emmitoufla.

 Le jeune prêtre resta immobile un instant pour admirer la vue avant de se mettre en marche, le sourire aux lèvres. Devant lui s’étendait un simple sentier qui devait, supposait-il, le mener à Réunion. Il s’étonna presque en y marchant de ne pas sentir ses pieds s’enfoncer dans le sable. La terre était plus ferme et bien plus agréable au pas. En chemin, il porta son regard à travers les broussailles, sans oser quitter la modeste route. Il voyait d’étranges plantes qu’il n’avait jamais rencontrées, ainsi que de petits animaux qui le surveillaient d’un air plus intrigué que méfiant. Des oiseaux aux plumages multicolores annonçaient son passage par leurs chants tandis que quelques étranges créatures bipèdes, similaires à des lézards aux longues pattes, sortaient leur tête des fourrées, leurs gros yeux curieux fixés sur lui. Amset se pencha sur l’une d’elles et sortit un reste de pain de son sac afin de le lui donner. La créature, plus docile qu’il ne l’aurait cru, attrapa l’offrande avec sa bouche, une sorte de bec, mais recracha l’aliment avant de dévisager l’Assyrien. Celui-ci se releva en riant, surpris de la réaction du reptile, puis poursuivit sa route. Il se sentit suivi par un petit groupe de ces bestioles qui finirent par s’enfoncer de nouveau dans les bois quelques centaines de mètres plus loin.

 Leur départ coïncidait avec l’arrivée de nouveaux bruits venus perturber ceux de la nature. Les cris d’animaux et le chant des oiseaux firent petit à petit place à des sons typiquement humains. Des appels, des ordres, des coups de pioche, etc. Bientôt, dans une petite vallée, Amset put apercevoir la fameuse cité dont on lui avait parlé.

 Si Réunion n’était pas encore à la hauteur d’une grande ville comme Percim, ou Nopila, elle n’en était pas moins plus grande qu’un simple village. C’était d’autant plus impressionnant que, d’après ce qu’il avait entendu, le projet n’avait démarré que deux ans auparavant. Déjà plus d’une centaine de maisons, certes simples, s’élevaient de partout, là où il n’y en avait qu’une trentaine dans tout Poncho. Et, tout autour, de nouvelles constructions se dessinaient. Rares étaient les bâtiments qui se distinguaient des autres, et seule une modeste église s’élevait en son centre. Mais ce qui fit le plus impression au jeune cultiste, ce fut de voir le monde qui s’attelait à travailler de partout. Avec autant d'ouvriers, et à ce rythme, il ne faudrait pas plus de quelques années avant que Réunion ne devienne une des plus grandes cités de la Terre des Murmures. Un cours d’eau imposait une limite naturelle à la ville en devenir, du moins jusqu’à ce qu’on fabrique des ponts pour passer de l’autre côté.

Amset pressa le pas, ravi de retrouver la civilisation et impatient de recevoir ses premières missions. Très vite, il croisa toute une bande sur le bord du chantier. Ils étaient armés de faux et de haches et s’en servaient pour couper la végétation et repousser encore plus loin les bordures de la ville. Ils portaient tous des habits légers, mais chics, et Amset se demanda comment ils pouvaient supporter le froid en restant si peu vêtus. Comme il s’approchait, l’un d’eux déposa ses outils et tourna la tête vers lui d’un air interrogatif.

 — Bonjour, lança Amset avec entrain. Je suis prêtre, je viens de sortir du Tunnel Ste-Barbe, vous pouvez peut-être me renseigner ?

 — Prêtre ? s’étonna l’homme en l’observant de bas en haut. ‘Sont pas nombreux… Vous venez d’où ?

 — Je suis Assyrien.

 — J’m’en doutais, mais j’étais pas sûr, z’êtes moins basané que les autres…, fit remarquer l’ouvrier en haussant un sourcil. Par contre, vous êtes tous des frileux.

 Amset s’étonna de la remarque, s’emmitouflant d’autant plus dans sa couette. Il pensait justement que c’était son interlocuteur qui n’avait pas peur d’attraper froid. Mais l’heure n'était pas à débattre de la météo, et l’homme lui-même poursuivit en récupérant ses outils à terre:

 — Vous d’vez aller vous présenter à l’ambassade d’Assyr, pour le coup. C’là qu’on vous assignera une tâche.

 — Et vous pouvez m’indiquer le bâtiment ?

 — Marchez tout droit, et c’est l’une des cinq maisons qui fait face à l’église, lui répondit-il en désignant la direction de sa hache.

 — Je vous remercie !

 — Oh, et bienvenue à Réunion…, soupira l’homme avant de se remettre au travail.

 Suivant les indications, Amset s’enfonça dans la ville. La plupart des maisons en périphérie étaient encore en pleine construction, et des centaines d’ouvriers s’activaient. Il s’étonna de remarquer comme chaque groupe de travail semblait homogène. Lorsqu’il y repérait un Assyrien, c’était l’ensemble de son équipe qui avait la même peau basanée et le même crâne dégarni que ses compatriotes. Dans d’autres groupes, on reconnaissait les Majores par leurs barbes touffues et leurs torses souvent nus, tandis que les groupes de Cobaltes portaient des vêtements plus riches, faits d’étoffes et de beaux tissus, malgré la tâche qui leur était allouée. Pourtant, n’étaient-ils pas dans une ville qui visait la cohésion et l’entente entre les peuples ? Il aurait songé justement que les travailleurs seraient répartis avec plus de diversité…

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