Chapitre 8 : La sympathie des Majores

3 minutes de lecture

 Le lendemain, la matinée fut fort chargée pour l’équipe d’Amset. Le travail était toujours le même, monotone et physique, mais il avait au moins le mérite de l’occuper au point de ne pas avoir le temps de réfléchir sur sa condition. De plus, comme Hypatie le lui avait affirmé le jour de leur rencontre, les efforts étaient tels qu’il n’avait plus besoin de sa couette pour se tenir chaud. Il était tout en sueur en train d’aider Saul à déplacer une lourde perche en bois à travers la ville quand ils virent passer deux chevaux dans la rue. Amset reconnut immédiatement la toge noire caractéristique des Évêques portée par l’un des cavaliers.

 — Qui est-ce ? s’étonna-t-il.

 — Mgr Ascalaphe, répondit son camarade. C’est officiellement lui qui est à la tête de Réunion, mais on le voit rarement.

 — Et il donne des offices ?

 — Seulement les jours de cérémonies importantes, Portbleut, La Révélation, les jours d’éclipse…

 Le jeune prêtre resta un instant silencieux, perdu dans ses pensées, si bien que Saul dut l’appeler par son nom trois fois avant qu’il ne daigne bouger à nouveau. Il resta fort distrait ce jour-là. Lorsque Hypatie leur annonça qu’ils en avaient terminé pour aujourd’hui, il quitta le groupe avant de rentrer à la baraque vingt-quatre.

 — Tu vas quelque part, Ams’ ? lui lança Jessé, le patriarche.

 — J’aimerais m’entretenir avec quelqu’un. Ne m’attendez pas pour manger !

 — Il n’a pas dit qu’on devait lui garder à manger ! fit remarquer David avec malice.

 Mais Amset ne l’écoutait pas. Le jeune homme s’enfonça dans la ville jusqu’à retrouver la petite église qu’il avait remarquée le jour de son arrivée. Avec les travaux, il n’avait pas encore eu l’occasion d’y entrer. Or, c’était bien là qu’il espérait trouver l’Évêque. Sa déception fut grande lorsqu’il passa les portes de l’édifice. L’intérieur était sommaire, avec de simples bancs pour s’asseoir et un autel en bois recouvert d’une nappe comme seul élément de décor. Pas une tapisserie, pas un vitrail, pas un seul symbole cultique à l’intérieur. Lui qui avait déjà trouvé la façade très pauvre… Pire, Mgr Ascalaphe ne s’y trouvait pas plus que le moindre fidèle venu se recueillir. Le bâtiment était vide.

 Il en sortit un peu dépité pour constater que d’autres équipes revenaient du travail partout dans Réunion. Certains le regardaient avec suspicion. C’était peut-être sa chance. L’un d’eux devait savoir où logeait l’Évêque. Aussi s’approcha-t-il d’un groupe d’hommes. Ceux-ci avaient le torse nu et particulièrement velu, ainsi que de grandes moustaches tressées. Seuls des Majores pouvaient supporter un tel manque de goût et de bon sens par ce froid.

 — Excusez-moi ! les héla-t-il en levant un bras. L’un de vous sait-il où loge Mgr Ascalaphe ?

 — Qu’est-ce que vous lui voulez ? demanda l’un des hommes en fronçant ses sourcils broussailleux.

 — Je suis prêtre, et j’aurais aimé m’entretenir avec…

 — Un prêtre ? Voyez-vous ça ! Et moi, je suis sa Sainteté l’Inquisitrice !

 Lui et ses amis explosèrent de rire et le jeune Assyrien se sentit mal à l’aise de voir que les groupes de travailleurs alentours semblaient se moquer de lui. S’il avait su, il aurait porté sa toge cultique pour l’occasion.

 — Je suppose donc que vous ne pouvez pas me répondre … ? lança-t-il avec hésitation.

 — De toute manière, l’Évêque a d’autres aurulves à fouetter !

 — Retourne dans ta baraque, gamin, quelle qu’elle soit !

 D’autres autour d’eux commentèrent la scène avec approbation, laissant Amset dans ses petits souliers. Il baissa la tête, un peu honteux, avant de suivre les recommandations de ces hommes. Mais alors qu’il passait derrière l’église, il remarqua, un peu plus loin, les deux chevaux qu’il avait aperçus plus tôt, attachés près d’une baraque.

 Il s’arrêta de marcher et jeta un regard en arrière. Les Majores étaient déjà loin, et les travailleurs sur le retour ne se souciaient plus de lui. Il prit une grande inspiration et décida de tenter sa chance.

 L’attitude des Majores l’avait surpris, mais la chance d’être guidé par le destin, les dieux sûrement, lui rendait espoir. Peut-être était-ce un message de Lithé et Meroclet pour lui faire comprendre qu’il ne devait pas se laisser abattre, ne pas se laisser faire ? Il n’avait rien à perdre, de toute manière, et c’est d’un pas décidé qu’il vint se placer devant la porte du bâtiment, sous le regard intrigué des équidés. Enfin, avec une certaine précipitation, comme s’il avait peur de perdre courage, il frappa à la porte.

Annotations

Vous aimez lire C.Lewis Rave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0