Chapitre 12: Le vrai départ

4 minutes de lecture

 Le lendemain matin, lorsqu’il se réveilla à l’abri sous son bivouac de fortune, Amset resta un long moment couché. Il tenait au-dessus de son visage le fameux pendentif que le vendeur de bougies lui avait confié, quelques heures plus tôt. Il l’observait, en pleine réflexion. Leur discussion de la veille résonnait dans sa tête. Ce bijou pouvait très bien être sa solution de départ. Il en tirerait facilement de quoi rentrer chez lui, même plus encore. Et pourtant…

 Il se redressa dans ses draps avec un soupir, l’air décidé, avant de commencer à démonter son bivouac. Il avait pris sa décision. Il allait se rendre à Nochélys pour restituer le pendentif à sa propriétaire, comme on le lui avait proposé. Un tel bijou devait avoir une grande importance familiale. Il savait bien à quel point se faire voler par des lilifuris pouvait être désagréable. De plus, si les Dieux étaient bel et bien derrière tout ça, alors peut-être avaient-ils pour projet de le voir se rendre là-bas pour accomplir leurs desseins ?

 Une fois qu’il eut fini de tout ranger, il glissa le collier dans une poche de sa toge, ajusta son turban et, avec un peu d’appréhension, reprit la direction de Réunion. Il n’avait guère envie de retomber sur les Majores. Cependant, il savait que Nochélys se trouvait au-delà du cours d’eau au-dessus duquel ils construisaient le pont, selon la carte de Mgr Ascalaphe du moins. Il aurait besoin de l'aide de ses camarades pour traverser.

 Il croisa la même équipe que lors de sa première arrivée, mais il ne s’en inquiéta pas. Il s’agissait certainement d’une bande de Cobaltes, à en juger par leur teint pâle et leurs vêtements. Ils se contentèrent de le regarder avec surprise, sans l’interpeller, trop occupés à désherber ou couper les arbres en périphérie de la ville. Il pressa le pas et se fit le plus discret possible. Il dut faire un détour pour éviter des Majores qui montaient de nouveaux murs puis, au bout de quelques instants, il arriva devant la baraque vingt-quatre. De là, il entendait ses anciens colocataires travailler d’arrache-pied sous les encouragements de l’Assyrienne. Prenant son courage à deux mains, il alla à leur rencontre.

 — Bah, Amset ?! s’exclama Saul en le voyant descendre la pente de la rive. T’étais pas censé être reparti ?

 — Des bestioles ont volé ma bourse, soupira-t-il une fois qu’il fut assez proche d’eux.

 Ses amis éclatèrent d’un rire un brin moqueur et David lui donna une frappe amicale dans le dos.

 — On va se cotiser, t’inquiète pas ! déclara Jessé. Il te faut combien, déjà ?

 — Rien du tout, je ne repars plus en Assyr, ne vous inquiétez pas pour ça.

 Il pensait les rassurer en leur disant cela, mais tous l’observèrent soudain avec une mine éberluée, voire inquiète. Un silence gênant s'ensuivit. Hypatie, qui avait été la première à rire de son excuse, avait perdu le sourire. Elle s’avança en passant devant ses hommes et lui adressa un regard grave.

 — Amset, tu ne peux pas rester là. Ascalaphe a fait passer un message, ce matin. Tu es un indésirable ici.

 — À ce point-là ?

 — Quelqu’un t’a vu venir jusqu’ici ? demanda Nathan, suspicieux.

 — Une équipe de Cobaltes, puis je me suis fait discret. Mais je vous rassure, je ne compte pas rester ici non plus.

 — Pas bon, grommela Samuel dans l'une de ses rares interventions.

 — Tu comptes faire quoi, du coup ? J’ai du mal à comprendre.

 — Ce pourquoi je suis venu ici à l’origine. Parcourir ce pays.

 Leurs visages s’assombrirent, cette fois-ci. Amset se sentit presque fusillé du regard par ses compagnons de ces derniers jours, comme s’il avait dit une énorme bêtise qui ne faisait rire personne.

 — Tu ne tiendras pas la journée, lança Saul en croisant les bras. La jungle est peuplée de créatures sauvages de toutes les tailles !

 — Sans oublier les bandits qui rôdent, ajouta Jessé. Tu as entendu parler des esclaves de Réunion ?

 — Oui, je sais. Mais je pense que c’est ce que les Dieux attendent de moi.

 — Ridicule, pesta Samuel, roulant des yeux.

 — Cessez de l’importuner, soupira Hypatie, l’air vaincue. Il a pris sa décision et rien de ce qu’on pourra lui dire ne le fera changer d’avis, pas vrai ?

 — Merci de ta compréhension, Hypatie, lui sourit légèrement le jeune prêtre.

 — Tu veux qu’on te fasse traverser en barque, je suppose, pour passer de l’autre côté du cours d’eau. C’est pour ça que tu es revenu vers nous ?

 — Un peu, oui, reconnut-il, gêné cette fois-ci.

 — Bien, alors je vais t’emmener, soupira David en se dirigeant vers leur petite embarcation.

 — Merci, répéta le cultiste en le suivant, sous le regard toujours mitigé des autres Assyriens.

 — Oh, et, une dernière chose, Amset ! s’écria Hypatie alors que David donnait les premiers coups de rames. Si tu crèves là-bas, on viendra personnellement te tuer, c’est compris ?

 — Je me souviendrai de l’avertissement, acquiesça Amset avec un signe de main.

 Alors qu’ils étaient presque arrivés sur l’autre rive, d’autres personnes se présentèrent sur le lieu de travail de la baraque vingt-quatre. Des hommes torses-nus, certainement ces Majores si désagréables, ainsi qu’un homme en tenue d’Évêque qui ne pouvait être que Mgr Ascalaphe. Ce dernier commença à lui lancer des jurons qui parvenaient à peine à ses oreilles. De loin, il paraissait très fâché et Amset commença à regretter d’avoir mis ses compagnons dans le pétrin. Il avait profité de leur amabilité. Lorsqu’il posa un pied à terre, il vit clairement David hésiter à rejoindre immédiatement les autres.

 — Désolé pour les tracas, s’excusa-t-il, mal à l’aise.

 — Oh, c’est pas si grave. Mam’zelle Hypatie a plus d’un tour dans son sac. Quand elle te parlait de ses relations, hier, elle ne plaisantait pas… Bon courage, ‘fieux ! Te fais pas bouffer trop vite !

 Amset le salua tandis qu’il repartait déjà à la rame vers le reste du groupe qui essuyait la tempête de l’homme au visage de hibou. Il regarda un instant ses amis, la ville de Réunion en arrière-plan, puis, devant lui, la végétation et les arbres qui s’étalaient à perte de vue. Enfin, plongeant la main dans sa poche, il serra le pendentif entre ses doigts et, après une grande inspiration, démarra son périple.

Annotations

Vous aimez lire C.Lewis Rave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0