Chapitre 13: Le géant dans la jungle

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 Ainsi débuta le voyage d'Amset. Autour de lui, il ne voyait plus que plantes et arbres qu'il ne connaissait pas. Ses passages étaient ponctués par le chant des innombrables oiseaux qui l’observaient avec curiosité. Après tout, rares étaient les étrangers qui affrontaient cette jungle.

 L'Assyrien sursautait à chaque bruit qui sortait de l'ordinaire. Outre les volatiles aux plumes multicolores, Amset croisa quelques lilifuris, qu’il éloigna en faisant de grands gestes brusques. Il n’avait plus envie de côtoyer ces lézards après ce qu’ils lui avaient infligé. Des lapins dressèrent leurs longues oreilles en le voyant arriver puis disparurent parmi les fougères et hautes herbes. De même, le missionnaire remarqua de bien curieux insectes, comme des gros escargots de la taille d’un tabouret qui se faisaient un festin d’un buisson. Ce qu’il prit ensuite pour de gracieux papillons s’avéra vite être des araignées qui, imitant les ailes de leurs proies avec leur toile, les attiraient entre leurs fils mortels. La nature était décidemment pleine d’imagination sur ces terres. Mais rien de ce que le jeune homme vit ce premier jour ne vint remettre son voyage en question.

 Le jeune prêtre avait eu l’occasion de repérer Nochélys sur la carte de Mgr Ascalaphe. Au terme de sa première journée de marche, cependant, il dut bien reconnaitre qu’il n’avait absolument aucune idée d’où il se trouvait par rapport au village. Il n’était guère aisé de se repérer dans cette brousse verdoyante et la disposition des lieux l’obligeait à bifurquer sans cesse. Heureusement, la nuit n’allait pas tarder à tomber, il pourrait se repérer à l'aide des étoiles. Il n’était pas un expert mais il connaissait les quelques astres réputés pour guider les voyageurs.

 En attendant, il fallait installer son bivouac, comme la veille. Le cultiste avait marché de longues heures et ses pieds réclamaient une pause. Il se contenta de quelques branches mortes pour préparer son abri pour la nuit et dégagea au sol un espace pour allumer un feu en toute sécurité. Ce n’est qu’alors qu’il se rendit compte qu’il était aussi affamé.

 Cela risquait d’ailleurs de poser problème. D’une part, il avait beau avoir aperçu des fruits aux différents arbres, il ne savait pas lesquels étaient comestibles ou non. D’autre part, s’il y avait du gibier et des animaux à profusion tout autour de lui, il n’avait pas plus d’arme pour les attraper que de compétences en chasse ou en cuisine pour les consommer. Enfin, la perspective de faire une mauvaise rencontre lui trottait toujours en tête. Ne lui avait-on pas affirmé que c'était lui qui serait dévoré ?

 C’est en observant les oiseaux se nourrir de gros fruits à la peau orange qu’Amset décida de jeter son dévolu dessus. Il eut un peu de mal à grimper dans l’arbre, faisant fuir les volatiles qui semblaient presque se moquer de lui tandis qu’il peinait à attraper l’objet de ses désirs. C’est finalement sans trop d’encombre qu’il récolta quelques-unes de ces grosses gousses. Il déchanta un peu en reniflant l’odeur de la première et décida de les faire cuire pour en ramollir la chair qui paraissait bien dure.

 Une fois la cuisson terminée, Amset put enfin les goûter. La chaleur les avait attendris mais l’odeur peu appétissante persistait. Elle n’était qu’annonciatrice du goût infâme du fruit. Peu importe, le jeune prêtre n’avait pas vraiment d’autre choix et il les mangea en chassant les quelques insectes attirés par l’odeur.

 La nuit tombée, il observa le ciel et eut tôt fait de repérer la constellation de la plume, dont une étoile en extrémité indiquait le nord. À l’aide de celle-ci, il essaya de s’imaginer le chemin à parcourir le lendemain et, afin d’être bien en forme, se coucha très tôt. Hélas, la nuit ne fut pas des plus tranquilles car son sommeil fut perturbé par le passage de différents animaux au plus près de son bivouac. L'angoisse le saisissait régulièrement. Plusieurs fois, il avait attrapé un bâton près de lui, prêt à se défendre ou à assommer un lilifuris trop curieux. Par chance, aucune créature n’alla jusqu’à passer sa tête à « l’intérieur ».

 Le lendemain, en démontant son campement, Amset essaya de chercher par terre les empreintes des animaux de la nuit. En vain, le sol n’était pas assez meuble pour les recueillir. Lui-même n’était pas bon pisteur. Qu’à cela ne tienne, il était prêt pour sa nouvelle journée de marche, ayant repéré la veille son itinéraire de départ. Son trajet devait l’entraîner bien plus profondément dans la jungle, là où les arbres se faisaient si hauts et si touffus que les alentours en étaient bien assombris.

 Quelques heures plus tard, il tomba sur un premier arbre qui gisait par terre. Un tronc épais et gigantesque qui, d’une manière ou d’une autre, n’avait pas pu rester planté. S’il s’étonna de ce premier géant abattu, en voir d’autres plus loin lui fit se poser des questions. Qui pouvait bien faire ça aux arbres de la forêt ? Tandis qu’il imaginait les esclaves de Réunion les abattre, un grand cri placide mais tonitruant le fit sursauter. Il regarda autour de lui, d’abord sans rien voir, puis un drôle de mouvement parmi les troncs lui fit lever la tête et il se figea devant le spectacle.

 Ce qu’il avait pris pour des troncs plus loin étaient en fait les énormes pattes d’un animal. Le corps de ce dernier devait faire plus de douze mètres de long, et cinq de hauteur. Ce n’était pas tout. S’élevant par-dessus les feuillages, la créature avait un cou presque aussi grand, au bout duquel une tête, sur laquelle Amset aurait pu facilement s’asseoir, était en train de ruminer docilement, dépouillant les arbres de leurs feuilles. Le géant possédait aussi une longue queue qui semblait faire balancier pour éviter qu'il s’effondre sous son propre poids.

 Jamais Amset n’avait vu pareil être auparavant. Ce véritable titan dépassait ses rêves les plus fous. Le jeune prêtre en était presque fasciné. Il lui fallut quelques instants d’observation béate avant qu’il se ressaisisse. Il poursuivit son chemin, non sans jeter des coups d’œil vers la créature qui, malgré la végétation dense, resta visible encore longtemps.

 Décidément, la Cyanide regorgeait de surprises. Mais la meilleure restait à venir.

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