Chapitre 15: "Je m'appelle Orbia"

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 Très vite, le monticule se souleva et commença à se secouer. Amset fut forcé d’en sauter pour atterrir dans les hautes herbes. Saisi d’effroi, il recula lentement. Il faillit bien se prendre les pieds dans une racine lorsque la créature se tourna finalement vers lui. Sous l’épaisse toison de poils longs que le jeune prêtre avait pris pour des végétaux séchés se cachait une bête immense, de presque quatre mètres de long pour deux de haut. Outre sa taille à faire pâlir un domroch, l’animal exposait une longue corne sur le crâne. La manière dont il bougeait la tête en frappant le sol des pattes face à l’Assyrien était sans équivoque.

 Sans demander son reste, Amset fit volte-face. Avec l’énergie du désespoir, il se mit à courir en hurlant de peur. Evidemment, il ne fallut pas longtemps pour que la créature, enhardie par ses cris, entame sa charge vers l’importun venu troubler sa sieste, dégageant les végétaux sur son passage.

 Amset se risqua à tourner la tête en arrière et c’est peut-être ce qui lui sauva la vie. Effectivement, son poursuivant l’avait déjà presque rattrapé. Le jeune prêtre tenta le tout pour le tout en se jetant du mieux qu’il le pouvait sur le côté. Sans changer de direction, la bête poursuivit sa course plus loin avant de ralentir et de faire demi-tour, examinant les alentours.

 Sa cible était restée couchée par terre, priant les dieux pour que la créature s’en aille. Amset essayait de se retenir de respirer trop fort, de peur de trahir sa position. Comme le monstre ne semblait pas bouger, il se mit à ramper pour s’éloigner de là. Mais après quelques mètres, le jeune homme s’arrêta et releva la tête. Deux lilifuris le regardaient avec surprise, à quelques centimètres de son visage. Il essaya de les éloigner. En réponse, ceux-ci poussèrent un cri aigu qui fut suivi de secousses au sol, signe que l’énorme bestiole s’était remise en mouvement.

 Amset se releva et s’élança en vitesse. Il avait vu juste, il était de nouveau pris pour cible par le monticule cornu. Poussé par son instinct de survie, il criait de peur. Il ne vit pas de suite qu’il se dirigeait droit sur la femme à la lyre qui, alertée par sa cacophonie, était venue voir ce qu’il se passait.

 Il ne la remarqua qu’au moment où il passa à côté d’elle. À cet instant précis, leurs regards se croisèrent. Amset eut l’impression que le temps s’était arrêté, se perdant presque dans ses yeux aussi bleus qu'un ciel de printemps sans nuage. Mais il avait encore la bête à ses trousses et, emporté par sa vitesse, il ne parvint à ralentir que quelques mètres plus loin. Il fit volte-face vers la jeune musicienne, horrifié de constater que celle-ci le fixait sans prêter la moindre attention à l’énorme monticule cornu qui poursuivait sa course droit vers eux.

 — Attention ! hurla-t-il, les yeux exorbités.

 Il tendit un bras vers elle, dans l’espoir futile de la mettre hors de danger malgré la distance qui les séparait. La jeune femme tourna alors nonchalamment la tête vers l’animal aux longs poils. Au lieu de se mettre à courir ou de se jeter sur le côté pour éviter de se faire piétiner, elle se contenta de dresser un bras. Le cœur d’Amset rata un battement. Sa première rencontre allait-elle se finir dans un bain de sang ? Mais contre toute attente, la bête freina subitement, tout juste pour s’arrêter pile devant la main de la musicienne qui se mit à caresser son museau avec tendresse.

 — Du calme, Célian, dit-elle sous le regard ébahi de l’Assyrien. Tu ne devrais pas te mettre dans des états pareils pour si peu.

 La créature poussa un grognement avant d’agiter la tête, comme s’il faisait la moue. Puis la jeune femme se retourna vers Amset, la main posée sur la terrible corne du dénommé Célian.

 — Et toi, tu n’aurais pas dû lui monter sur le dos sans prévenir ! Si tu veux mourir, il y a des méthodes bien plus simples, dans cette jungle.

 — Je… Je suis désolé, s’excusa-t-il en risquant quelques pas vers eux. J’ignorais qu’il s’agissait d’un animal, dans les hautes herbes, comme ça, j’ai cru que…

 Il s’interrompit. La musicienne venait d’éclater de rire sans lui laisser le temps de s’expliquer. Un rire franc sans être moqueur comme il s’y était attendu, si bien qu’il cacha ses deux bras dans son dos, gêné, le temps qu’elle termine.

 — Tu es habillé d’une bien drôle de façon ! souligna-t-elle avec un brin de suspicion. Tu ne serais pas un bandit, par hasard ?

 — Pas du tout ! Je viens d’Assyr, je n’ai juste pas l’habitude des climats plus frais.

 — Frais ? Tu dois vivre tout près d’un volcan pour dire ça, ma parole !

 Abandonnant Célian, la jeune femme fit quelques pas en direction du prêtre, la tête en avant comme pour mieux l’inspecter. Elle l’observa de la tête aux pieds et se permit même de renifler un coup bruyamment avant de lui adresser un large sourire.

 — Je m’appelle Orbia, lança-t-elle avec allégresse. Et toi, le frileux ?

 — Amset, Amset Zalacotl, répondit-il après s’être mordu les lèvres pour surmonter sa gêne.

 — C’est un drôle de nom ! Mais il sonne bien, je trouve !

 Comme l’animal derrière elle se couchait, elle s’assit à son tour, le dos contre ses longs poils. Elle invita l’inconnu à la rejoindre, ce qu’Amset fit avec un peu d’appréhension, gardant la grande corne de Célian en visuel.

 — Et donc, qu’est-ce qui t’a poussé à escalader ce gros patapouf ? demanda-t-elle en attrapant sa lyre pour en tirer quelques notes.

 — Ta musique, répondit Amset. C’est elle que j’ai suivie, je voulais savoir d’où elle venait.

 — Vraiment ? Tu essayes de mettre ça sur ma pomme, eh bien bravo !

 Elle éclata de nouveau de rire puis entama de terminer le morceau qu’elle avait commencé avant d’être grossièrement interrompue par la charge sauvage d’un animal et les cris de désespoir d’un Assyrien. Cette fois-ci, ce dernier resta sans rien dire, à l’écouter.

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