Chapitre 17: Barabbas

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 Orbia et Amset se levèrent d’un même mouvement. La jeune fille adressa quelques signes de main à Célian, le velucéros, qui lui répondit en secouant la tête de droite à gauche, comme pour se débarrasser de mouches. Elle menait la marche afin de guider le cultiste à travers la prairie dont l’herbe atteignait désormais leurs genoux. La suivant de près, le jeune homme ne pouvait s’empêcher de surveiller avec inquiétude Quetzu qui, sur les épaules d’Orbia, semblait aussi le garder à l’œil.

 Après un moment, la jeune femme entraina Amset à travers la jungle, s’y déplaçant malgré les arbres et les innombrables branches avec une aisance peu commune. Elle paraissait connaitre son chemin par cœur, là où l’Assyrien se serait certainement perdu si on s’était contenté de lui expliquer par où aller. À plusieurs reprises, elle lui désigna un animal, parfois camouflé et à côté duquel il serait passé sans le remarquer dans d’autres circonstances. Elle le mit aussi en garde contre les fouetissants, ces buissons qui frappaient quiconque s’approchaient trop, ce qu’il avait déjà eu l’occasion d’expérimenter les jours précédents.

 Après un petit moment, ils arrivèrent à une nouvelle plaine, avec seulement quelques arbres éparpillés çà et là. L’herbe était plus basse aussi, sûrement quotidiennement broutée par les quelques domrochs qu’ils pouvaient voir se reposer à l’ombre d’un pommier. Le cœur d’Amset fit un bond dans sa poitrine. Il venait d'apercevoir la maisonnette en bois dont avait parlé Orbia, un peu plus loin, presque au centre de la zone. De la fumée s’échappait de la cheminée.

 La Cyanidienne se tourna vers lui, l’air quelque peu confus. On aurait dit qu’elle appréhendait la réaction du dénommé Barabbas. Mais Amset était confiant. S’il se doutait que ce ne serait pas tâche aisée, il se ferait un ami de cet homme. Aussi pressa-t-il le pas, allant jusqu’à dépasser la jeune fille pour la première fois.

 En se rapprochant, il eut l’occasion de mieux voir les alentours de la petite propriété. Ils avaient installé une sorte d’enclos dans lequel la terre était retournée et même boueuse par endroits. Trois animaux aux allures porcines s’y prélassaient au soleil. Ils avaient des défenses impressionnantes ainsi qu’une sacrée touffe de poils sur la caboche qui masquait leurs yeux. Tout proche, un espace accueillait un potager avec différentes cultures de fruits et de légumes. Amset y reconnut des plants de laitues, de tomates ou de fraises. Puis il y en avait d'autres dont il ignorait le nom et plus encore le goût.

 — Barabbas ? s’écria soudain Orbia. Tu es là ?

 — Bien sûr que je suis là, où veux-tu que je sois ? lui répondit de l’intérieur de la petite bâtisse une voix forte.

 — Et tu es de bonne humeur, pas vrai ? demanda-t-elle, ce qui arracha un sourire amusé à Amset.

 — Qu’est-ce que tu veux encore ? bougonna la voix alors que la porte s’ouvrait. Tu n’es pas encore allée te fourrer au…

 L’homme qui venait d’apparaitre fit déglutir Amset. Barabbas était imposant, pas loin des deux mètres. Ses larges épaules étaient recouvertes d’une peau de bête qui faisait office de cape. Il portait des braies, rattachées par une ceinture de cuir et des bretelles, sous lesquelles disparaissaient de larges bottes. Sa chemise défraîchie devait être un rien trop serrée. Ses traits étaient durs, comme ceux des gens que la vie a longtemps malmenés. Ses yeux, enfin, semblaient minuscules au milieu de cette figure, peut-être à cause des nombreux cernes qu'il exposait.

 Aussitôt avait-il aperçu Amset qu’il s’était interrompu. Le regard qu'il lui adressait mêlait stupeur et hostilité. Sa tête pivota en direction d’Orbia et le jeune prêtre crut voir une veine palpiter sur sa tempe. L’homme serrait les poings comme pour se retenir de crier. La jeune fille, elle, détournait les yeux avec un petit air coupable.

 — Orbia, qui est ce type ? aboya-t-il.

 — Il… Il s’appelle Amset, il vient de l’autre côté de la montagne, près d’un volcan ! répondit-elle avec précipitation.

 — Un Assyrien ? grommela-t-il en se rapprochant pour mieux le jauger. Tu n’as pas une tête d’Assyrien…

 — C’est-à-dire… mon grand-père était Cobalte, bafouilla le jeune homme, impressionné et pas rassuré pour un sou. Enchanté, je…

 — Il ne peut pas rester, l’interrompit-il en s’adressant à Orbia. Et tu le sais très bien !

 — Oh, c’est bon, sois sympa ! Il n’a nulle part où aller !

 On aurait dit qu’elle avait ramené un animal indésirable. Si cet homme n’avait pas été si intimidant, Amset se serait sûrement vexé.

 — Il n’avait qu’à y penser avant de s’aventurer sur ces terres, répliqua Barabbas en adressant au sujet de leur conversation un regard plein de mépris. Et en plus, avec ces vêtements, c’est un de ces maudits Cultistes.

 — Un quoi ? s’étonna la jeune fille.

 — Vous… vous connaissez le Culte ? se surprit à lancer Amset.

 — Evidemment que je connais cette plaie ! Il est hors de question que toi et tes idées restiez dans le coin. Tire-toi, laisse-nous tranquilles ! Nous n’avons pas besoin de tes dieux, ici.

 — Barabbas ! le gronda Orbia. Tu pourrais être un peu plus aimable !

 — Pas avec des gens comme lui, cracha Barabbas. S’il ne bouge pas de lui-même, je me ferai une joie de le faire déguerpir d’ici !

 — C’est bon, inutile de nous énerver, bredouilla le jeune prêtre mal à l’aise. Je vais… Je vais partir.

 — À la bonne heure, grogna l’homme. Je te préviens, si je te revois dans le coin, je te ferai passer l’envie de raconter des sornettes aux gens.

 — Bien. Dans ce cas je… au revoir.

 Amset tourna les talons, sentant peser sur lui toute la haine de cet homme. Orbia lui adressa un regard désolé, mais ne bougea pas pour le retenir. Il ne pouvait pas lui en vouloir, elle allait certainement se faire gronder sous peu, qui que soit cet homme pour elle. Il ne pouvait rien faire contre son hostilité qui dépassait de loin ses pires appréhensions. Aussi, un peu démoralisé, Amset s’éloigna, retournant vers la jungle qu’il venait de traverser. Voilà qui faisait une première rencontre plutôt mitigée avec les autochtones.

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