Chapitre 25: Paco l'araquet

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 Le lendemain matin, Amset se mit en tête d’inspecter les autres demeures de Nochélys. S’il avait réparé la sienne aussi bien qu’il lui était possible, il ne savait pas s’il serait capable de récupérer toutes les autres. Çà et là, les fissures étaient plus importantes, l’intérieur était ravagé, le toit s’était même écroulé dans l’une ou l’autre maisonnette. Il lui faudrait plusieurs décennies afin de rendre le village présentable de nouveau. Du moins, s’il restait seul.

 Il ne pouvait pas demander d’aide à Orbia puisqu'il désirait justement lui préparer la surprise d’une Nochélys prête à accueillir de nouveaux habitants. Or la seule autre personne dans les parages était Barabbas. Il était inimaginable qu’il vienne lui prêter main forte, même pour faire plaisir à sa protégée. Il se saisit donc de la dernière feuille de parchemin qu’il avait emportée avec lui. Elle était un peu humide et il dut la mettre à sécher avant de pouvoir écrire dessus. N’ayant pas de stylet, il profita du feu pour brûler un bois taillé. L’écriture de son crayon improvisé n’était pas très visible. Il devait régulièrement le chauffer afin de s'en servir. Si rédiger une lettre ne lui avait jamais demandé autant d'efforts, le résultat n'en était pas moins satisfaisant.

 Il sortit de la maisonnette et regarda un peu partout autour de lui. Il trouva finalement celui qu’il cherchait posé sur la statue brisée. Paco, l’oiseau rouge à la houppette jaune venait souvent au village, comme s'il surveillait Amset. Ce dernier soupçonnait Orbia d’avoir demandé au volatile de veiller sur lui. Elle lui avait d’ailleurs appris que Paco était un araquet. Il en existait différentes espèces partout en Cyanide, avec des plumages très variés. C’étaient eux qui coloraient les jungles et le ciel du pays.

 Il s’approcha de l’oiseau qui le dévisagea avant de s’envoler lorsque le jeune prêtre fut trop proche de lui à son goût. Il se posa sur un toit voisin, l’air un peu hautain. L’Assyrien soupira. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. N'avait-il pas songé à le manger, le premier soir ? Heureusement, il savait comment amadouer l’animal. Après un rapide détour dans sa hutte, il revint avec un fruit à la chair jaune qu’il avait trouvé non loin du village. Lui ayant présenté l’aliment par sécurité, Orbia lui avait assuré que c’était non seulement comestible mais aussi un des mets préférés des araquets. S'il ne comptait à la base pas le partager, la situation l’exigeait.

 Paco, cependant, avait profité de son absence pour s’envoler autre part. Pestant un peu, il se mit à sa recherche. Il finit par le retrouver vers le fond du village, où il l'attendait perché sur un mur en pierre grise. Amset lui montra un morceau de fruit qu’il avait découpé et, s’il ne se précipita pas vers lui, l’oiseau ne s’enfuit pas plus, son cou dressé avec intérêt. Il put ainsi se rapprocher de l’araquet en présentant son offrande.

 Arrivé assez proche, il tendit le morceau de fruit que Paco lui subtilisa d’un coup de bec. Il le laissa profiter de sa gourmandise et son regard se porta sur le mur. Il n’y avait pas fait fort attention jusqu’à présent. Maintenant qu'il l'observait de plus près, il constata que ce dernier était couvert d’inscriptions gravées. Il se pencha après avoir donné un second morceau à Paco de manière à mieux lire ce qui était marqué. Il devait s’agir de noms, à priori, comme sur une stèle funéraire. De toute façon, même si ce n’en était pas une, ces personnes étaient sûrement mortes, désormais.

 Il releva la tête. Paco terminait son second morceau. L’oiseau observa le reste du fruit, puis tourna la tête vers Amset. Ce dernier avança lentement sa main vers lui. L’oiseau se baissa un peu, se laissant caresser le crâne. Sa houppette de plumes se redressait suite au passage de sa paume et l’araquet semblait apprécier le geste. Ceci fait, Amset découpa un autre morceau et le lui donna.

 — Tu sais, Paco, chez moi, en Assyr, ce sont des colombes grises qui transportent le courrier à travers le pays, commença-t-il tandis que l’araquet mangeait la friandise avec précipitation.

 Le cultiste soupira. Jamais il ne se serait imaginé parler à un oiseau. C'était dire qu'il se sentait seul dans ce petit village abandonné, loin de chez lui. Il essayait de se rassurer en songeant que c’était le quotidien des Dompteurs. Orbia, par exemple, vivait depuis des années avec Quetzu comme compagnon. Elle avait aussi apprivoisé Paco, Célian, Othniel et sûrement bien d’autres créatures. Mais même si lui-même ne possédait pas ce don, il voulait essayer. Avec une légère gêne, il montra le parchemin roulé et scellé à l'araquet.

 — J’ai une missive à envoyer. Tu… Tu penses que tu pourrais me rendre ce petit service ?

 L’oiseau pencha la tête, observant toujours l'agrume. Dans un souffle, Amset haussa les épaules. Que s’était-il donc imaginé, pensa-t-il. Il ne se ferait pas comprendre si facilement… Il découpa un nouveau bout de fruit qu’il offrit à l’araquet et le caressa distraitement, perdu dans ses pensées. Soudain, l’animal poussa un petit cri. Lorsqu’il reporta son attention sur lui, Amset s’étonna de le voir tendre une patte, à l'image d'une colombe de son pays.

 — Merci Paco ! s’exclama-t-il en attachant le parchemin à la patte de celui-ci, le sourire aux lèvres.

 Il s'empressa de lui attacher le parchemin à la patte et prit le temps de lui expliquer où trouver le destinataire. Une fois qu’il eut terminé, il lui sembla presque voir Paco lui adresser un clin d’œil complice avant de s'envoler, prêt à remplir sa mission. Du moins, Amset l’espérait. Comme il regardait le ciel, il se rendit compte qu’il serait bientôt midi. Il devait se préparer à rejoindre Orbia.

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