Chapitre 26: Un bouquet de fleurs

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 Les jours passèrent comme ils étaient déjà passés. Othniel le colligus avait poursuivi sa route, mais Orbia était convaincue qu’il reviendrait très vite. Par contre, elle manifestait un peu d'inquiétude au sujet de Paco, qui s’était rarement absenté si longtemps. Elle craignait qu’il ait été attaqué par un prédateur. Amset, désireux de garder le secret, s'efforçait de ne rien lui dire et essayait de la rassurer du mieux qu’il le pouvait.

 À Nochélys, la situation continuait d’évoluer. Le jeune prêtre commençait à maitriser son arc de mieux en mieux et était même parvenu à abattre un lapin. Hélas, un aurulve le lui avait subtilisé avant qu'il ne puisse le ramasser. Qu’à cela ne tienne, il prenait confiance et espérait bien pouvoir bientôt ajouter de la viande à son menu.

 Célian, le velucéros, était soudain apparu dans le petit village, un matin. L’animal se contentait de brouter l’herbe et, comme il ne semblait plus hostile envers Amset, celui-ci décida de le laisser tranquille. Il n’avait pas envie de se faire charger de nouveau, d’autant qu’Orbia ne serait pas là pour le sauver cette fois. Quant à son projet de restauration des habitations, il avançait lentement, mais sûrement.

 Plus il passait du temps à discuter avec Orbia, à explorer la jungle à ses côtés, et plus l’Assyrien prenait conscience que les sentiments qu’il éprouvait pour elle allaient peut-être bien au-delà de l’amitié. Seulement, Amset était timide. Il n’avait aucune expérience dans le domaine. Comment s’assurer de ce que la jeune Cyanidienne ressentait ?

 Aussi, un matin, après avoir rempli plusieurs fissures d’une maisonnette de son mortier artisanal, il décida de prendre les choses en mains. En Assyr, offrir un bouquet de fleurs à sa bien-aimée était lourd de sens, d’autant plus qu’il n’était pas simple d’en cultiver dans le désert du pays. Ici, au contraire, il n’avait qu’à se baisser.

 Il consacra un long moment à choisir les plus belles fleurs, aux pétales colorés et pleins d’éclats. Examiant son bouquet, il jugea qu’il avait pris beaucoup trop d’espèces différentes, donnant un mélange peu harmonieux. Il recommença et sélectionna des spécimens identiques, aux pétales rouges. Une fois fini, il constata que le soleil avait déjà passé son zénith depuis un petit moment. Aussi se pressa-t-il en direction de leur colline.

 Lorsqu’il arriva, Orbia était en train de jouer de sa lyre, les yeux fermés avec un faible sourire. Elle les rouvrit lorsqu’il s’assit à côté d’elle, le bouquet caché dans son dos, mais elle poursuivit d’abord sa mélodie. Quand elle eut terminé, elle le regarda avec un air faussement boudeur.

 — Tu as une bonne raison d'être en retard, j’espère ! lui lança-t-elle, amusée.

 — Oui, je voulais… tiens.

 S'il était devenu aussi rouge que ses fleurs en lui tendant son offrande, Orbia, elle, parut surtout étonnée. Son regard alterna du bouquet à Amset, qui la fuyait presque du sien. Gênée, elle enfonça sa tête dans ses épaules.

 — C’est gentil mais… J’ai déjà mangé.

 La réponse était si inattendue qu’Amset tourna le visage vers elle en ouvrant la bouche et en écarquillant les yeux. Il crut d’abord qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Cependant, Orbia paraissait parfaitement sérieuse. D’ordinaire, elle finissait par éclater de rire après quelques secondes.

 — Comment ça, mangé ?

 — Je mange toujours un morceau avant de venir. Franchement, ce ne sont pas celles que je préfère. Je les trouve trop amères.

 Amset baissa les yeux vers son bouquet, puis observa de nouveau son amie, abasourdi.

 — Tu veux dire que tu… tu manges des fleurs ?

 — Oh, seulement pour accompagner, jamais seules, répondit-elle. C’est pour ça que j’étais un peu surprise mais… Tu veux dire que ce n’était pas pour ça que tu les as cueillies ?

 — Mais non !

 — Pourquoi alors ?

 Amset ouvrit la bouche puis, comme aucun son n’en sortit, la referma. Il se sentait de nouveau rougir tandis qu’Orbia l’inspectait, dubitative. Il réfléchit à toute vitesse à la recherche d"une explication cohérente sans vendre la mèche qu’il avait pourtant déjà allumée.

 — C’est une tradition chez moi, prétexta-t-il. Offrir des fleurs à… à ses amis.

 — Vous offrez des fleurs à vos amis ? répéta-t-elle en fronçant les sourcils, preuve qu’elle trouvait la démarche ridicule.

 — C’est ça ! C’est… C’est une marque… d’amitié ! C’est une denrée plutôt rare, chez nous, tu sais…

 — Ah oui, c’est vrai que tu vis près d’un volcan ! Effectivement, ça ne doit pas bien pousser, là-bas. Mais qu’est-ce que vous en faites, après ?

 — Heum… rien ? On les place dans un vase et… ça fait… joli…

 — D’accord, hésita la jeune femme avant de tendre la main afin de prendre le bouquet qu’il lui tendait toujours. Et bien… merci, je suppose ! C’est que nous sommes vraiment des amis, alors ?

 — C’est ça ! confirma Amset avec un grand hochement de tête. De bons amis !

 — Ça me fait très plaisir que tu penses ça de nous, Amset ! Je pense aussi que nous sommes de très bons amis !

 Elle le serra contre elle pour le remercier, sans voir la déception qui se lisait sur son visage. S’il voulait lui avouer ses sentiments, c’était raté. Sa timidité avait pris le dessus. Au moins avait-il eu un petit lot de consolation avec le sourire et l’étreinte de son amie. Sa très bonne amie !

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