Chapitre 33: Troubles

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  Lorsqu’Amset arriva près de leur souche d’arbre, il s’étonna de ne voir personne jouer de la lyre. Il n’était pourtant pas arrivé plus tôt que d’habitude. Par ailleurs, Orbia n’était jamais en retard. Il s’assit, troublé par cette absence. Il regardait à droite puis à gauche en fronçant les sourcils, s’attendant à la voir débarquer d’un instant à l’autre. Cependant, rien ne bougeait, si ce n’étaient les brins d’herbe secoués par le vent.

 Le temps passait et le jeune cultiste se sentait de plus en plus troublé. Il ne voulait en aucun cas quitter son poste. Son amie allait bien finir par lui revenir ! Plus les minutes passaient et plus il envisageait le pire. Et si Barabbas l’avait surprise en sa compagnie ? Le collier aurait-il pu mettre le feu à leur modeste bâtisse ? Elle s’était peut-être de nouveau brûlée avec le bijou ? Ou bien avait-elle croisé le chemin d’une bête plus féroce que celles qu’ils côtoyaient ?

 Au bout d'un long moment, le jeune homme crut voir quelque chose bouger à l’horizon. Il se leva pour mieux discerner, rassuré. Il déchanta très vite. Ce qui approchait n’était en rien humain. Il reconnut le vol du serpent à plumes aux couleurs de l’arc-en-ciel. Le fidèle compagnon d’Orbia fonçait à toute allure, droit vers lui, en battant de ses drôles d’ailes, hélas sans la Cyanidienne.

 — Quetzu ? Il s’est passé quelque chose ?

 Le serpent ne répondit pas, évidemment, pas plus qu’aucun autre animal avant lui. Par contre, il sortit rapidement sa langue fourchue à plusieurs reprises, de manière saccadée. Il se détourna subitement du cultiste afin de repartir en trombe d’où il venait. Il n’en fallut pas plus à Amset pour comprendre que Quetzu voulait qu’il le suive.

 Il s’élança sans ménagement derrière la bête. Il était terriblement inquiet. Si Orbia lui avait envoyé son ami, il avait dû se passer quelque chose de très grave ! Malgré sa fatigue et son manque d’entrainement, le jeune prêtre fit de son mieux pour suivre le rythme de la créature ailée qui ne semblait pas se soucier de lui, concentrée sur son objectif. Même un point de côté douloureux ne suffit pas à le ralentir.

 Au terme d'une course effrénée, guidé à travers la jungle par les belles couleurs du serpent, l’Assyrien se figea. Devant lui se trouvait la plaine sur laquelle il n’avait mis les pieds qu’une seule fois, celle où vivaient Orbia et Barabbas. Ses pires craintes tendaient à se confirmer. Elle ne l'aurait jamais fait revenir ici sans de sacrées bonnes raisons. Il haleta quelques secondes, essayant de reprendre son souffle, quand il vit le reptile faire demi-tour. Il avait continué sa propre course sans se rendre compte que l’homme s’était arrêté. Quetzu fit des tours en l’air pour le presser. Mal à l’aise et appréhendant ce qu’il allait découvrir, le jeune homme se mordit la lèvre et reprit sa course.

 Comme il s’y était attendu, Quetzu se dirigea droit sur la maisonnette. À part quelques domrochs, qui regardaient les nouveaux venus d’un air inquiet, il n’y avait personne. L’animal s’engouffra à l’intérieur par la porte grande ouverte tandis qu’Amset se figea au-devant de celle-ci. Il déglutit puis, après une grande inspiration, entra avec précipitation.

 Il se trouvait directement dans une sorte de petite salle à manger, avec une table encore dressée pour le diner, recouverte d’une belle nappe étonnamment blanche et de deux couverts. Une chaise était couchée par terre, en biais, indice d'une lutte. Une drôle d’horloge, comme Amset n’en avait jamais vue auparavant, était accrochée au mur. Il aurait pu s’attarder sur les armoires en bois sculptées et couvertes de symboles, ainsi que sur la collection de céramiques et de poteries qui y était présentée. Mais le jeune homme ne s’intéressait pas à la décoration d’intérieur. Regardant de tous les côtés, il cherchait une présence humaine qu’il ne trouvait pas. Quetzu extirpa alors sa tête de derrière une porte au fond de la pièce. Le jeune prêtre enjamba la chaise et ouvrit la porte avant de pousser un cri de surprise et de peur.

 Il se trouvait désormais dans une chambre, en témoignait le lit, un vrai, au matelas défraichi. Si objets et meubles étaient disséminés sur les cloisons, toute l’attention du jeune homme était dirigée vers Barabbas, le grand homme qui l'effrayait tant, assis par terre, contre un mur. Celui-ci releva une tête à la fois furieuse et crispée. Il se tenait la poitrine d’où dépassait un long pieu de bois, juste en-dessous d’où était censé se trouver le cœur. On devait le lui avoir sacrément bien enfoncé, car, en se rapprochant, Amset comprit que le morceau de bois le traversait au point de passer dans la paroi qui se trouvait derrière lui. Il était cloué, tel un papillon dans la vitrine d’un collectionneur.

 — Par Lithé, que s’est-il passé ?

 L’Assyrien s’agenouilla, les yeux rivés sur le pieu et sur le sang qui coulait, imbibant les vêtements du protecteur de son amie. Après un instant de contemplation morbide, il tourna la tête dans tous les sens, à la recherche d'une idée ou d'un objet afin de lui venir en aide.

 — Ils m’ont eu par surprise, ces enfoirés, grimaça Barabbas. Ils ont carrément tapé avec une masse pour être sûr que je ne me libère pas de sitôt.

 — Pas de panique, on va vous sortir de là ! lança Amset, bien hypocrite dans sa propre agitation.

 — Ne t’occupe pas de moi, bon sang ! le fustigea le blessé en l’attrapant soudain par la toge avec une poigne surprenante. Va plutôt aider Orbia !

 — Orbia…, répéta Amset, horrifié. Qu… Qu’est-ce que…

 — Ces enfoirés l’ont enlevée, bougre de blobouille ! Ces types qui rôdent depuis un moment, des anciens esclaves de votre fichue citée, là ! Ce sont ces enfoirés qui l’ont prise !

 Tout en passant sa colère sur lui, Barabbas secouait Amset comme une vulgaire poupée de chiffon. Une quinte de toux l'interrompit et il finit par lâcher le pauvre Assyrien. Tandis qu'il crachait des glaires de sang noir, le cultiste se releva. Il sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine. Orbia avait été kidnappée par ces hommes qui avaient tenté, quelques semaines auparavant, de lui voler son matériel. S’agissait-il de représailles pour la flèche qu’Amset avait tirée ? Quoi qu’il en soit, il devait absolument aller l’aider ! Mais il ne pouvait pas non plus laisser cet homme dans cet état.

 — Je vais vous envoyer du secours, promit-il. Je reviendrai avec Orbia ! Ne bougez pas !

 — J’aimerais bien t’y voir, espèce d’imbécile ! Dépêche-toi, allez !

 Ce sur quoi Amset tourna les talons et se précipita en direction de Nochélys, suivi cette fois-ci par Quetzu.

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