Chapitre 36: Piégée
— Bon, vous pouvez me laisser partir, maintenant ? demanda-t-elle le plus simplement du monde.
Ils étaient alors en train de débattre entre eux. Son intervention les fit se retourner, déconcertés. La jeune fille n’avait aucune angoisse dans le regard, seulement de l’ennui. Un tel désintérêt face à sa situation en désarmait plus d'un, mais pas Spartacus. Il se rapprocha de quelques pas avant de se mettre à genoux pour être à sa hauteur.
— Nous allons le faire, garantit-il. Seulement, tu vas d'abord nous dire où sont vos objets de valeur.
— Pourquoi ? s’étonna Orbia.
Spartacus souffla par le nez en faisant une grimace. Cette fille n’avait pas peur de lui et ne semblait même pas comprendre ce qui était en train de se passer autour d’elle. Il adressa un bref regard à ses compagnons. Si trois d'entre eux ricanaient d'un air moqueur, les autres étaient tout aussi désarçonnés que lui. Il soupira. Hors de question d'expliquer leur situation à cette fille, c'était presque une question d'honneur.
— On les veut. C’est tout.
— D’accord, répondit la Cyanidienne. Vous en avez parlé à Barabbas ? Parce que je pense pas qu’on ait grand-chose.
Cette fois-ci, Spartacus afficha un sourire. La jeune fille n’avait pas eu le temps de voir l’état de son ami avant que Sertorius la frappe. C’était peut-être l’occasion qu’ils attendaient pour lui faire avouer où ils cachaient tous leurs biens.
— Il n’était pas d’accord. Alors je l’ai tué.
— Tuer Barabbas ? répéta Orbia en pouffant de rire. Je te crois pas.
— Oh, je peux te garantir qu’avec ce que je lui ai fait, il n’en a plus pour longtemps, assura Spartacus en se relevant afin de toiser son otage. À l’heure qu’il est, il s’est sûrement vidé de son sang.
— C’est de Barabbas que tu parles.
L'idée qu'il puisse avoir tué son protecteur paraissait visiblement ridicule. L’ancien soldat fronça les sourcils. Cette fille ne comprenait-elle donc rien ? Il n’avait pas envie de la brutaliser, mais si elle poursuivait dans son déni, ils allaient être forcés de la torturer pour qu’elle parle. Tandis qu’il réfléchissait à une autre approche, un détail attira son attention.
— Qu’est-ce que tu as autour du cou ? demanda-t-il en courbant le dos.
— C’est le collier de ma mère, répondit la jeune fille.
Sans s’embarrasser de politesses, Spartacus tendit un bras et arracha le pendentif du cou de sa propriétaire. Cependant, aussitôt se saisit-il de l’objet qu’il ressentit une profonde souffrance dans la paume de sa main. La douleur était telle qu’il relâcha très vite le pendentif avec un cri qui couvrit la protestation d’Orbia. Il recula, surpris, en regardant l’état de sa main. Elle était toute rougie et endolorie. Ses compagnons s’étaient rapprochés, inquiets.
— N’y touche pas ! s’écria-t-il en voyant Nola se pencher. Il m’a brûlé !
La femme figea sa main à quelques centimètres du collier. Elle resta interdite, ne sentant aucune chaleur s’en dégager. Un regard vers le cou d’Orbia, toujours couvert des cicatrices laissées par ses propres brûlures, finit de la convaincre de ne pas y poser les doigts.
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
— Rendez-le moi ! s’écriait la Cyanidienne. J’en ai besoin !
— Par Friner et Seboth, mais c’est du Khême ! s’exclama Caius qui s’était penché de manière à mieux voir la parure. J’en mettrais ma main à couper !
— Tu déconnes ?
Tous les regards passaient du bijou encore à terre à la jeune fille qui commençait à se débattre en vain. Finalement Saa le ramassa à l’aide d’un bâton. L’Assyrien, celui-là même qui avait été blessé par Amset quelques semaines auparavant, tendit le bout de bois vers Spartacus pour qu’il puisse mieux voir les pierres précieuses. Leur valeur était inestimable, dans leurs pays d’origine du moins.
— Sacrée trouvaille, commenta-t-il sans prendre le risque d’y retoucher. On tient peut-être là notre solution…
— Non ! protesta Orbia. Vous devez me le laisser, je vous en prie, prenez tout ce que vous voulez mais laissez-le-moi !
Spartacus ne put s’empêcher de ricaner, imité par ses compagnons d’infortune. Elle commençait enfin à plier, même si elle restait imprévisible. Ils allaient lui tirer les vers du nez, récupérer les trésors qu’elle devait cacher et emporter le bijou brûlant en prime. Bien sûr, elle ne saurait rien de ce dernier détail…
Il avait ouvert la bouche, prêt à négocier, quand de grands bruits sourds l'interrompirent. Ils provenaient de dehors, accompagnés des cris de protestations de nuées d’oiseaux et même de quelques autres animaux. Très vite, des voix accompagnèrent cette cacophonie subite. Tous ces bruits se rapprochaient dangereusement de leur masure. Spartacus déglutit puis désigna la porte à Sertorius, Olaf, Carmelo et Marthe. Ceux-ci hochèrent la tête et se saisirent de leurs armes de fortune avant de sortir voir ce qu’il se passait au dehors. Le Cobalte alla ensuite chercher sa propre masse, afin de l’avoir sur lui si ce qui approchait était bien ce qu’il craignait.
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