Chapitre 42: Isolement nocturne

5 minutes de lecture

 La vie au village put se poursuivre sous les meilleurs auspices. Barabbas et Orbia désiraient aider les Assyriens à continuer l’aménagement du village. Deux paires de bras en plus n’étaient pas de refus, d’autant que Barabbas se révélait fort comme trois hommes, capable de porter de lourdes charges sans problème. Si Orbia était loin de l’égaler, elle était volontaire et prête à donner un coup de main à n’importe qui. De plus, sa capacité à communiquer avec les animaux leur permit de trouver plus facilement des ressources dans la jungle et de les transporter jusqu’à bon port.

 La jeune fille débordait d’allégresse et sa bonne humeur était contagieuse. Tout le monde avait le sourire et il n’était pas rare qu’un éclat de rire secoue les bâtisseurs. Le temps de travail s’était aussi étiré, puisque le cultiste et la Cyanidienne avaient décidé de ne plus interrompre leurs journées pour se retrouver seuls les après-midis. Ils n’en avaient plus besoin, ils passaient déjà presque tout leur temps en compagnie l’un de l’autre.

 La renaissance de Nochélys était donc en très bonne voie. Hypatie avait proposé de nombreux projets qu’ils avaient entamés dans le but de rendre le petit bourg accueillant et pratique. La savante et la Dompteuse s’étaient rapidement liées d’amitié. Lorsqu’elle n’était pas avec Amset, Orbia trainait avec la femme de Rakothis, lui posant mille questions sur le monde.

 Quetzu, s’il passait toujours la majorité de son temps avec la Cyanidienne, allait parfois se poser sur les épaules du jeune prêtre. C’était un peu comme si l'altercation avec les esclaves les avait rapprochés. Il avait écouté l’alerte du serpent à plumes et l’avait aidé à sauver leur amie. L’Assyrien appréciait cette présence et lui caressait souvent les plumes, sous le regard jaloux de Paco qui pinaillait. L’araquet était d’ailleurs chargé de surveiller une potentielle contre-attaque de la bande de Spartacus. Cependant, celle-ci était restée silencieuse depuis ce fameux jour.

 Barabbas montrait un tout autre visage que celui avec lequel il avait accueilli le prêtre la première fois. S'il n'était pas bavard, il se montrait aimable et serviable. Ses cernes étaient moins nombreux et il était souvent le premier à se mettre au travail le matin. Il avait regagné goût à la vie et confiance envers autrui. Il semblait même éprouver une certaine considération envers Amset, lui demandant souvent son avis, même s’il aurait certainement refusé de le reconnaitre.

 Le cultiste était heureux de voir comment la situation évoluait. Même s’il était plus fatigué le soir, c’était toujours satisfait qu’il allait se coucher. Il n’avait pas encore réitéré ses questions à Orbia, mais ces quelques mystères n’étaient pas bien urgents, songeait-il. Tout ce qui comptait, c’était de pouvoir partager son quotidien avec elle.

 Néanmoins, il devait bien reconnaitre que leurs rendez-vous en privé lui manquaient. Il n’avait pas l’occasion de dire tout ce qu’il voulait en présence des Assyriens ou, pire, de Barrabas. Aussi, un soir, avant le repas qu’ils partageaient toujours ensemble, il se pencha vers Orbia pour lui proposer discrètement de le rejoindre à leur souche d'arbre d’ici une heure.

 Celle-ci parut plus surprise qu’il ne s’y était attendu, et même peut-être un peu mal à l’aise. D’ordinaire, ils partaient tous se coucher très tôt afin d’être en forme dès l’aube le lendemain. Parfois, certains s’attardaient à jouer aux cartes, une heure tout au plus. La Cyanidienne ne faisait pas exception. Elle était même l’une des premières à souhaiter une bonne nuit au reste de la bande. Pourtant, elle ne paraissait jamais fatiguée et Amset n’avait pas souvenir de l’avoir vue bailler une seule fois.

 La proposition du cultiste resta un long moment sans réponse. Orbia se grattait l’oreille d’un air nonchalant, le fuyant du regard. Il se mordit les lèvres, craignant de l’avoir offensée. Finalement, elle attrapa sa main dans les siennes avec une moue de regret.

 — Je suis vraiment désolée, Amset, mais… Ça ne va pas être possible… Pas ce soir.

 — Tu es fatiguée, je comprends, assura le jeune prêtre avec un clin d’œil. Peut-être une autre fois… ?

 — Peut-être… Mais pas le soir.

 Le jeune homme perdit son sourire. Elle avait dit ces derniers mots avec assurance et rigidité. Elle semblait plus sérieuse que jamais, mais il ne comprenait pas ce refus de le voir en soirée. Il fronça les sourcils, interdit. Alors qu’il allait énoncer les doutes qui lui traversaient l’esprit, elle l’interrompit d’un geste apaisant.

 — Ça n’a rien à voir avec toi, Amset… Je dois faire quelque chose, le soir.

 — Quelque chose ? répéta-t-il, hésitant. Mais… quoi donc ?

 Elle lâcha sa main et détourna la tête. Orbia, décidément, lui cachait encore bien des choses. Cela affectait profondément le jeune homme, qui pensait pourtant qu’elle lui faisait assez confiance pour lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur. Un peu ronchon, il n’insista pas, mais fut de piètre humeur tout le reste du repas. Quand ils eurent terminé, il alla se coucher en premier.

 Dans sa maisonnette, il fut accueilli par Paco qui lui adressa quelques cris désapprobateurs. Il n’y prêta aucune attention et s’enveloppa dans ses draps. Il n’avait pas sommeil, cependant. Il ne cessait de s’imaginer tous les scénarios possibles concernant ce qu’Orbia avait de si important et secret à faire sans lui. Il alla même jusqu’à imaginer qu’elle rencontrait quelqu’un d’autre le soir.

 Il fallut un moment avant que passe sa crise de jalousie. Il ne parvenait pas à s’endormir, il finit donc par quitter sa couette. Il s’approcha de sa fenêtre, qu’il ouvrit, s'abandonnant à la contemplation du ciel étoilé. Il n’entendait plus de bruit, les autres avaient dû retourner à leurs domiciles respectifs. Il soupira et s’abandonna à ses observations, silencieux.

 Au bout d’un moment, Paco se posa sur ses épaules. Il adressa un regard distrait à l’araquet qui penchait sa tête pour l’inspecter. Tandis qu'il passait sa main dans la houppette de l'oiseau, il poussa un grand soupir.

 — Tu n'as pas tort, murmura-t-il. Orbia doit avoir une bonne raison. Seulement, j’aimerais aussi qu’elle m’en fasse part…

 Soudain, un bruit les fit sursauter, lui comme l’oiseau. Plus loin, quelqu’un marchait d’un pas lent. Il pensa immédiatement aux esclaves qui seraient revenus prendre leur revanche et retint son souffle, aux aguets. Ses yeux s’habituant à l’obscurité, il reconnut la silhouette à sa démarche et au serpent sur ses épaules. Orbia s’éloignait de Nochélys.

 Amset déglutit. Il hésita quelques instants. Il aurait pu la suivre, discrètement, afin d’en avoir le cœur net. Avant qu’il ne se résolve à espionner son amie, on frappa à sa porte. Or, cela ne pouvait pas être la Cyanidienne. Il échangea un regard surpris avec Paco. Qui que ce soit, ils ne l’avaient ni entendu ni vu arriver. Il s’approcha de la porte, attrapa la poignée avec appréhension et l’ouvrit pour découvrir, dans l’encadrement, Barabbas.

Annotations

Vous aimez lire C.Lewis Rave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0