Chapitre 46: La décision de Meroclet
— Je te parle, Meroclet.
L’être de lumière ne bougea pas, pas plus qu’il ne l’avait fait depuis que Lithé lui avait confié ses derniers plans. Le Bâtisseur semblait toujours aussi concentré qu’à l’accoutumé, penché sur cette chose que l’autre divinité appelait la Terre des Murmures et qu’il maintenait entre ses mains, de façon à la cacher de tout observateur. Cependant, cette précaution était vaine, car Meroclet était physiquement seul dans cet endroit.
Tout autour de lui ne règnaient que ténèbres et silence. Il se trouvait au milieu d'un espace dénué de toute matière et de toute forme de vie. S'il était assis en tailleur, c'était sur un sol invisible et quasi impalpable. Dans cette dimension divine, la notion même d'existence était fragile. Elle ne tenait qu'à un fil. C'était au Bâtisseur et à l'Architecte que revenait le droit de décider de toute chose. Dans cette obscurité dévorante, des étoiles lointaines et éphémères apparaissaient parfois, lorsque Meroclet s'adonnait à sa tâche, celle de faire vivre leur Univers. Pour le meilleur comme pour le pire.
— Nous pourrions les laisser vivre ainsi leur vie, sans notre influence, tu sais, poursuivit la voix de Lithé, qui n’avait plus pris forme physique ici-bas depuis longtemps. Ils seraient heureux, à tout jamais, ni plus ni moins.
Cette fois-ci, Meroclet eut un mouvement, une légère contraction des épaules, y renfonçant sa tête sans quitter sa contemplation, sans rien ajouter. Le Chuchoteur n’eut pas plus de réponse que d’habitude. Il savait qu’il était vain d’en attendre une de la part du second dieu de ce monde, celui qui créait ce qu’il supervisait d’abord. Il ne lui avait d’ailleurs presque jamais demandé son avis auparavant. Cette fois-ci cependant, c’était différent.
— Tu te doutes pourtant de ce qu’il va advenir, insista-t-il. Il ne saurait découler que du malheur de cette situation.
Des secondes, peut-être des heures, des jours qui sait, s’écoulèrent sans la moindre réponse. Mais Lithé n’intervint plus. Il avait fait son possible, jugeait-il. Il devait maintenant accomplir sa tâche. À moins que Meroclet n’ait finalement changé d’avis… ?
Rien n'était moins sûr.
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