Chapitre 50: La Terre des Murmures en émoi

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 L’anéantissement de Réunion fut rapidement confirmé. Pendant plusieurs jours, le ciel de tous les pays fut recouvert de nuées d’oiseaux qui propageaient la nouvelle partout sur leur passage avant d’être relayés par d’autres volatiles. Les réactions ne se firent pas attendre. De l'étonnement, on passa vite à la peur et à l'indignation. Ceux qui avaient des proches là-bas pleurèrent leurs disparus et, dans toutes les églises du Culte, on pria pour leur salut.

 On fit de nombreuses hypothèses et des émissaires furent envoyés enquêter. Comme ces derniers passaient ensuite à Nochélys, ils envoyaient leurs rapports grâce au pigeonnier du village. Amset et Orbia furent parmi les premiers au courant des résultats de leurs investigations. Même si la Cyanidienne leur soutenait que cela n’avait aucun sens, ils étaient formels : Réunion avait été rasée par une armée d’autochtones possédant, certainement, des armes de siège.

 Conformément à leurs craintes, cette nouvelle vint mettre le feu aux poudres. Le Culte s’insurgea contre cette provocation des hérétiques de Cyanide. L’Inquisiteur cobalte, Son Excellence Khrouchtchev, rendit publique une encyclique dans laquelle il proposait aux peuples de se réunir face à cet affront. Les croyants criaient vengeance, y écrivait-il. Il fut soutenu par sa Sainteté Mahakal, la Sirène majore. L’Assyr prit plus de temps avant de réagir, mais la réponse suivit la même lignée. Sa Sainteté Botticelli, du Denimope, fit appel à un engagement volontaire dans son pays. En Safranie, enfin, l’Inquisiteur Arnoldson délégua à un Évêque le soin d’organiser leurs actions. Ainsi les cinq pays avaient pris une décision commune. Une Croisade était en route.

 À Nochélys, la situation était très tendue. Le village se retrouvait coincé entre deux eaux, le Culte et la Cyanide. Cependant, très vite, ils reçurent des missives. Nochélys n’était pas considérée en tant qu'ennemie par les Inquisiteurs et autres décisionnaires, au contraire. C’était d’eux qu’était partie la nouvelle, et ils avaient collaboré avec les enquêteurs. De plus, ils possédaient leur propre église et des contrats commerciaux dans plusieurs régions du monde. Ajoutez à cela qu’ils avaient marqué positivement les esprits lors de leurs voyages... Bref, le village ne serait pas attaqué, à condition, bien sûr, de coopérer.

 Orbia et Amset avaient eu une longue discussion sur le sujet. Refuser n’était, hélas, pas une option. Ils voulaient limiter au possible les drames à venir et calmer les esprits. La tâche s’annonçait difficile. Il leur parut nécessaire de s’entretenir avec les habitants du village. À ceux qui craignaient pour leur vie, ils leur proposèrent de partir et de revenir quand les beaux jours seraient de retour. En espérant que cela ne tarderait pas…

 De nombreux villageois écoutèrent leurs conseils et décidèrent de rentrer dans leurs pays d’origine. C’est avec une grande tristesse que le village commença à perdre des habitants après six ans de croissance démographique. Cependant, leurs amis, que ce soient les anciens esclaves ou les bâtisseurs assyriens, leur restèrent fidèles.

 Orbia demanda à Amset de lui raconter les récits des précédentes Croisades, ce qui ne fut guère agréable. Ces dernières étaient passées par des exterminations totales de certains peuples et l’asservissement de bien d’autres. La future maman en fit des cauchemars. Elle avait peur pour les autres habitants du pays, ainsi que pour sa culture. Une fois la Croisade passée, que resterait-t-il des légendes et croyances qu'elle chérissait ? Qui honorerait encore les Esprits du pays ? Y aurait-il seulement quelqu’un pour se souvenir de leurs noms ?

 Ne pouvant supporter de voir sa femme hantée par ces questions jusque dans son sommeil, l’Assyrien passa une nuit entière à écrire des lettres. Le lendemain, Orbia le retrouva assis à leur table à manger, une bougie presqu’entièrement fondue posée près de lui et le visage rempli de cernes. Il s’était laissé emporter par la fatigue dans une position inconfortable. Essayant dans un premier temps de ne pas le réveiller, elle ne put s’empêcher de le serrer contre elle après avoir lu tout ce qu’il avait écrit.

  La Guide se chargea d’envoyer toutes ces missives. Il s’agissait, ni plus ni moins, que de convocations adressées aux chefs des villages cyanidiens qu’ils connaissaient. En six ans, outre leurs voyages à l'étranger, ils avaient tissé des relations privilégiées avec leurs voisins. Ils avaient même réussi à les intéresser au monde extérieur, petit à petit, sans les brusquer. Cette fois, ils allaient devoir sortir le grand jeu, car l'invitation concernait aussi chaque Inquisiteur du Culte.

 C’est avec enthousiasme qu’ils apprirent que la plupart de leurs correspondants acceptaient de les rencontrer pour une réunion exceptionnelle. Là-bas, Amset et Orbia comptaient bien calmer les ardeurs du Culte et leur montrer que cette attaque qui avait touché Réunion ne pouvait être mise sur le dos des autochtones. Les Cyanidiens étaient pacifiques, il leur était donc inconcevable d'imaginer leurs comparses lancer une offensive sur Réunion. Ils ne savaient certainement même pas ce qu’était une arme de siège !

 Barabbas et les autres les mirent en garde. Ils ne pourraient certainement pas éviter que la Croisade ait lieu. Par contre, ils pouvaient espérer sauvegarder une partie du pays. Le Culte s’imposerait certainement, certes, mais les croyances cohabiteraient avec. Du moins à condition que cette assemblée se déroule sans accroc.

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