Où Hannah découvre malgré elle un secret

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Elle suivait sa fille du regard qui s’éloignait dans le chemin. Il était encore tôt, et elle s’interrogea sur la possibilité de faire la route jusqu’au Centre pour embrasser Sacha avant son départ pour Deklan. La fillette ne rentrerait que le lendemain soir, elle ne la verrait donc pas avant son départ.

C’était un peu loin à bicyclette depuis la maison, mais elle avait déjà fait une bonne partie du chemin et le temps était doux. Elle regrettait simplement de ne pas avoir pris un des bons sandwichs au poulet présentés sur la table du petit déjeuner. Elle devrait pouvoir se faire servir un en-cas au Centre, elle prit donc sa décision et d’un rythme régulier pris la route. Il était 9h30, elle devrait y être aux alentours de 10h30.

Grisée par l’air qui balayait son visage elle laissa son esprit vagabonder à sa guise. Diverses pensées traversèrent sa tête; Elle et sa soeur, enfants, parcourant à vélo le comté de Deklan, leur rires complices. Elle étaient vraiment contente de la revoir. Cela faisait aujourd’hui deux ans qu’elle ne s’étaient étreintes et leur dernière rencontre n’était pas propices à l’humeur légère. Sa soeur lui manquait. Elles avaient été si proches avant son départ avec Markus pour venir s’établir dans ce comté. Mais au fond cette complicité existait toujours malgré la distance et chaque retrouvaille le démontrait.

Son esprit dessina le visage accueillant de Markus, son compagnon de toujours, que la vie lui avait arraché, mais cette image fût apaisante et d’un saut de puce sa pensée rebondit sur le rire de Sacha. Cette enfant était vraiment un rayon de soleil. Lorsque après tant d’année, ils avaient décidé avec Markus de refaire une demande au Conseil des Familles, ils ne s’étaient fait aucune illusion. Elle avait alors 42 ans et c’était trés rare que les demandes aboutissent à cet âge là. La joie n’en fût que plus intense lorsque l’affirmative leur parvint dans la fameuse enveloppe. Elle n’avait pas mis longtemps à tomber enceinte pour la plus grande joie de leur fille ainée, Emma. Cette enfant avait été accueilli avec tellement d’enthousiasme, par toute la famille, qu’elle ne pouvait qu’être remplie d’énergie. Markus l’avait tellement aimée, guidant d’une main rassurante toutes ses premières fois, même les moins réussies. Elle sourit en revoyant sa cadette les cheveux tout ébouriffés suite à une tentative autonome de coupe de cheveux si désastreuse, qu’il avait fallu la soirée à Hannah pour lui redonner un air convenable.

L’air réprobateur du miroir avait selon son père suffit à lui donner une leçon et elle avait bien entendu partagé cet avis. Ils étaient des parents solides et regardaient dans la même direction.

Elle revit alors Emma s’esclaffer devant la tête déconfite de sa soeur, suivi de près par Ilhan et trés vite l’hilarité étaient devenue générale. En évoquant Ilhan, la pensée de son futur voyage à Akilen lui revint. Elle n’avait volontairement pas trop réfléchi à tout ça, afin de ne pas renoncer. Elle espérait aboutir, même si les chances étaient minces. Elle avait remonté sa piste en toute discrétion avec parfois un sentiment d’intrusion coupable, dans une histoire qui n’était pas la sienne. Mais elle se rassurait en ce disant ques ces intentions étaient bonnes, et que l’issue ne pouvaient qu’être positive.

Elle avait déjà fait une bonne moitié de chemin, quand elle ressentie une soif intense. Pour une soigante avec son expérience, elle était partie bien à la légère, sans rien manger ni boire. A son âge cela n’était pas raisonnable. Elle vit à quelques centaines de mètre la maison d’Enora et pris la décision d’y faire une halte pour se désaltérer, en espérant que la jeune fille soit chez elle. Elle n‘avait avait pas revue l’amie de sa fille depuis son bref passage à la fête du printemps, à laquelle elle n’avait accepté de passer qu’avec l’inlassable insitance d’Emma, qui essayait comme elle le pouvait de soutenir Enora à dépasser le drame. Elle avait vu la jeune fille arborer des joues rondes mais ses yeux étaient vidés de l’éclat de vie qui la caractérisait par le passé. Elle qui avait toujours été l’exact opposé d’Emma et dont l’amitié avait tant réussi à sa fille, lui donnant souvent l’impulsion qui lui manquait pour oser affronter la vie.

Elle frappa quelques léger coup à la porte. Mais il n’y eut aucune réponse. Son gosier était sec et elle frappa à nouveau un peu plus fort. Elle ne pu que constater le silence. Elle entreprit de faire le tour de la maison en essayant de voir si Enora était présente aux alentours. Elle scruta les fenêtres en se hissant sur la pointe des pieds, quand elle vit une image que son cerveau mit quelques secondes à interpréter.

Là, devant ses yeux, le miroir de la chambre refletait la jeune fille dénudée, carressant dans un mouvement circulaire son ventre arrondi révélant une grossesse de 4 à 5 mois, selon son expérience.

Hannah en eut le souffle coupé et sa soif se fit encore plus intense. Elle resta tétanisée quelques minutes, ne réussissant pas à trouver la suite logique de ses actions. Elle prit la décision de s’assoir sous la fenêtre à même le sol. Elle essaya de se remémorer la fête du printemps qui avait eu lieu le mois dernier, elle s’était effectivement faite la réfléxion, que malgré le piteux état dans lequel se trouvait Enora, elle avait paradoxalement bonne mine, avec un teint rosé et les joues rebondies, mais de la à imaginer ça!

Elle se dit qu’il fallait vraiment qu’elle trouve de quoi boire, sa tête lui tournait et ses tempes beaucoup trop irriguées commençaient à lui faire mal. Elle vit le robinet extérieur du côté du potager. En se levant péniblement elle fit quelques pas mal assurés, et laissant couler l’eau à grand flot, s’innonda le visage et étancha sa soif. Une fois raffraichit, elle pu réfléchir.

Enora n’avait pas de compagnon ni de compagne, Emma le lui aurait dit, elle espérait tellement que son amie reprit goût à la vie. Elle n’avait donc pu obtenir l’accord du conseil des familles pour faire un enfant seule, cela pouvait se produire dans certaines circonstances, mais sûrement pas dans son état psychologique. Mais comment alors avait elle pû trouver un homme pour l’ensemencer ? c’était inconcevable, tous les hommes comme toutes les femmes de l’île de Klein prenait une contraception controlée dès le début des signes de la puberté et elle ne pouvait s’interrompre qu’après l’accord du conseil des familles. Cela dépassait l’entendement. Que devait-elle faire à présent ?

Elle regarda sa montre. Il était 10h30 cela faisait donc à peu près une demi heure qu’elle était là. Elle devait rejoindre le Centre, il lui restait encore ses bagages à faire pour partir demain, et elle ne voulait pas renoncer à son projet. Elle prit alors la décision, de garder tout cela pour elle, pour le moment, et le cerveau en feu, dans le plus grand silence elle reprit sa route.

Elle pédalait le plus vite qu’elle le pu et son cerveau moulinait à la même vitesse. Tout cela était insensé. D’aussi loin qu’elle se souvint elle n’avait jamais eut connaissance d’une histoire pareille, ni de sa propre existence, ni raconté par les anciens. Que devait elle faire ? Le dire à Emma ? Aller en parler avec Enora ? Avertir le Conseil ? c’était bien la seule chose ques son esprit lui criait de ne pas faire, elle s’accrocha à cette pensée, car au moins là, elle était sûre d’elle. Elle ne ferait rien de plus à cet instant, elle focalisa donc toute ses pensées sur Sacha et par chance elle appercevait les grands bâtiments en pierre du Centre.

Elle entra par la petite grille. Elle se dirigea droit à l’accueil, c’était 11h00. Elle expliqua au jeune homme présent le but de sa venue. Il lui demanda avec nonchalance si elle connaissait l’emploi du temps de sa fille. Bien sûr qu’elle le connaissait! Quelle question ! mais là, à cet instant précis, c’était le trou noir, elle arrivait à peine à se souvenir quel jour c’était. Elle dû reconnaitre qu’elle ignorait où était Sacha à cet instant. Le jeune souffla, et de dirigea vers le mur du fond;

- Comment s’appelle votre fille ? lança-t-il sans se retourner.

Elle mit quelques secondes à répondre:

- Sacha, Sacha Kesmen, elle est au pavillon des 8/11 ans à MALALA, lacha-t-elle d’un seul trait, rassurée de s’en souvenir.

- Elle est au théâtre. Vous savez y aller ?

- Heu .. pas vraiment fit-elle déconfite

Il souffla l’air agacé et d’une main imprécise lui indiqua en lui tendant un badge visiteuse:

- En sortant prenez à gauche, longez les pavillons des plus jeunes, Akila et Barousse en suivant, puis passez les ateliers en long avec les baies-vitrées et dessuite après tournez à gauche, vous pouvez pas le louper c’est écrit dessus!

Elle saisi son badge, l’enfila autour du cou et le remercia. Elle sortie en se répétant les indications et traversa le Centre. Elle avait hâte de serrer sa fille dans ses bras pour retrouver un peu de sérénité. Elle prit le temps d’observer en marchant les enfants et adolescents qui allaient et venaient autour d’elles seuls, en groupe et parfois accompagnés par des adultes. Elle gardait tellement de bons souvenirs de son passage au centre à Deklan. Les bâtiments étaient bien différents mais l’ambiance qui y régnaient était semblable.

Elle observa un instant un groupe d’enfant à travers une baie vitrée. Garçons et filles étaient trés absorbées par leurs tâches. Ils ponçaient, sciaient, collaient tout avait l’air orchestré, et chaque geste donnait l’air de faire partie d’un ensemble savamment assemblé. Hannah resta quelques instant absorbé par leur ballet. Au centre, une adulte gesticulait en répondant aux uns et aux autres, accompagnait un geste maladroit, puis se mettait en retrait. De l’extèrieur elle donnait l‘impression de centraliser toute l’énergie du groupe pour la redistribuer à bon escient.

Elle se remit à marcher, tourna à gauche aux bout des ateliers comme indiqué par le jeune homme de l’accueil et tomba face au magnifique théatre. Elle ne pouvait effectivement pas louper cette bâtisse blanche et haute, avec ces colonnes droites en guise de porche et sa lourde porte en bois ouvragée, ornée de deux gros anneaux en fer forgé.

Elle pénétra dans la pénombre et vie sa fille sur la scène déclamer son texte avec toute la ferveur dont elle était capable. Sans s’y attendre, prise par surprise, elle fondit en larme et sans préméditer son geste, rebroussa chemin discrètement afin que sa fille ne la vit pas.

Elle avait le coeur rassuré par cette image, et préférait ne pas perturber sacha dans son environnement. Elle retourna à l’accueil et y déposa un jolie lettre d’aurevoir à l’attention de Sacha, qu’elle laissa au jeune-homme après lui avoir fait promettre de la remettre à sa fille.

Elle reprit son vélo, et le ventre vide, l’estomac noué mais le coeur plus léger, elle repris le chemin de la maison.

Il allait falloir qu’elle parle avec Enora, elle le savait.

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