Sylvestria, Utopia, 13 juillet 1990, environ 7h00

Le TransPacifique arriva à la gare de la ville de Sylvestria. C'était le moment, pour Jack, de quitter le train. Et il était grand temps. Il commençait à en avoir marre, le trajet en train de Keliz à Sylvestria étant très long. Même si le TransPacifique roulait parfois à plus de quatre cent kilomètres par heure.

Lorsque le train s'arrêta, Jack se leva et pris ses deux sacs. Il en épaula un et pris le second dans ses mains. Avant de quitter le train, il regarda une dernière fois l'endroit où il avait passé tout le voyage. L'endroit où il avait rencontré Anata.

Même si ces derniers temps Jack avait rencontré pas mal de monde, il avait très peu d'amis. Chaque ami était pour lui quelque chose de précieux. Il repensa à cette jeune Komitose en se promettant de lui téléphoner et de lui rendre visite un jour, comme il lui avait promis. Puis il descendit du train.

Il ne s'attarda pas dans la gare et se dirigea le plus vite possible vers la sortie. Il était à Pacifia, donc sur son chemin, il y avait énormément d'Elfes. C'était la première fois qu'il foulait le sol Pacifien. À peine sorti de la gare il s'arrêta pour regarder autour de lui. Même si Sylvestria n'était pas représentative de tout Pacifia, elle était magnifique. L'architecture elfique avait quelque chose de spécial, d'apaisant. Et puis il y avait une odeur très agréable qui provenait certainement des nombreux arbres à fleurs plantés le long des rues, entre les maisons et la route. Cette dernière, n'était pas empruntée par des voitures comme ça pouvait être le cas à Dalkia ou dans tous les autres pays avancés, mais par des calèches.

Jack repéra un vendeur de journaux. Encore une fois cette "gazette des mondes lointains".

— La guerre est déclarée ! cria le jeune elfe incitant les passants à acheter un exemplaire.

Lorage se précipita vers lui pour acheter l'édition du jour puis demanda au jeune vendeur elfe, où se trouvait la "Taverne des oubliés" dont lui avait parlé cet individu à la gare de Keliz.

— La Taverne des oubliés ? demanda le vendeur. Elle est à quelques minutes d'ici. Continuez le long de la rue et à la boutique magni'féerique, tournez à droite... vous arriverez au quartier cosmopolite... Vous verrez, vous ne pourrez pas la rater.

— Merci beaucoup.

Avant de reprendre son chemin, Jack jeta un oeil au journal.

"La Guerre est déclarée !"

C'était ce que disait la Une du journal. Le jeune garçon s'empressa de tourner la page.

"Hier, vers 12h00 heures, l'Empereur Emilien du Efdéème a ouvertement déclaré la guerre au Véerème. Dans les heures qui ont suivies cette déclaration, le président Véerèmois a annoncé que son pays était près à riposter en cas d'attaque efdéème. Le Nord-Véerème a immédiatement annoncé son soutien au Véerème".

"C'est de toute façon ce que craignaient les véerèmois" pensa Jack. "Une nouvelle guerre".

En poursuivant la lecture de l'article, Jack put lire les choses suivantes :

"Dalkia reconstitue son armée avec l'aide des Impériaux et des véerèmois. Le président Moriano, président par intérim de la République dalkienne, a annoncé à ses compatriotes qu'il autorisait les forces véerèmes et Impériales à rester sur le sol dalkien après la reformation de l'armée nationale et tant que les choses ne seront pas calmées avec le Efdéème."

"Il veut à tout prix éviter une nouvelle invasion... ça se comprend" se dit Jack.

"L'Empire, bien que n'ayant pour le moment pas répondu directement à la déclaration de guerre de l'Empereur Emilien, à annoncer qu'il soutiendrait ses alliés."

Pour se changer les idées, Jack parcourut les pages du journal jusqu'à tomber sur quelque chose de plus "joyeux". Les pages sports. Il apprit ainsi que Chase Crow avait perdu la dernière course de la HotRace mais qu'il conservait la première place au classement, devant l'Elfe dont lui avait parlé Anata. Après quoi, il referma le journal, le rangea dans son sac puis reprit sa route.

En longeant la rue, il vit certains Elfes le dévisager comme si c'était la première fois qu'ils voyaient un Humain. Pourtant, si le quartier cosmopolite était à côté, ils devaient en voir des tas...

Arrivé à la boutique Magni'Féerique , il tourna à droite et là il comprit pourquoi le vendeur de journaux lui avait dit qu'il ne pourrait pas manquer la taverne. Elle était assez grande avec un immense écriteau "Taverne des oubliés".

"Drôle de nom pour une taverne", pensa t-il.

Jack entra dans cette "taverne des oubliés". Elle était beaucoup plus grande que ce qu'il avait imaginé. Déjà très grande de l'extérieur, elle l'était encore plus de l'intérieur. Enormément de monde sustentaient leur soif. Humains, Elfes, Komitoses, Léonéens, quasiment toutes les espèces étaient représentées. Il fallait maintenant qu'il trouve Nathaniel Kesselius, si toutefois il était bien là.

Jack s'approcha du tavernier pour lui demander s'il était présent.

— Excusez moi... Je cherche un certain Nathaniel Kesselius.

Le tavernier se figea. Tout comme la plupart des clients présents au comptoir et suffisamment proches pour avoir entendu le jeune paranormal prononcer le nom. Jack avait l'impression d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait surtout pas dire. Il commença à se sentir mal.

— Il... il est à l'étage, finit par répondre le tavernier. Tu ne peux pas le manquer... Il est seul à une table et porte toujours un chapeau.

— Merci, répondit Jack avant de s'éloigner du comptoir pour chercher les escaliers.

Après les avoir trouvé, il se retourna vers le tavernier pour voir son regard toujours posé sur lui.

"Mais qui est ce Kesselius ?" se demanda Jack. "Qui est-il au point de flanquer la trouille à ceux qui entendent son nom ?".

Il escalada les marches une par une pour atteindre l'étage. Il avait peur que cet individu qui l'avait aidé à la gare de Keliz l'autre jour se soit moqué de lui. Auquel cas, ça risquait vite de dégénérer.

"Au pire" pensa t-il, "j'ai mes pouvoirs".

Puis il réalisa que non. Certes il avait des pouvoirs, mais il ne les maîtrisait pas et n'était surtout pas capable d'endurer leur utilisation sur la durée. A chaque fois qu'il les utilisaient, il s'épuisait assez rapidement. Ce qui n'était pas le cas de Hal, l'homme venu d'Exotis qui l'avait aidé lui et la Résistance dalkienne contre les forces efdéèmes. Hal maîtrisait mieux ses pouvoirs. Il savait les gérer.

Une fois à l'étage, Jack constata qu'il y avait autant de monde qu'en bas. Il tourna la tête pour regarder autour de lui, à la recherche d'un individu seul. Après quelques dizaines de secondes à balayer l'endroit du regard, il vit un homme portant un chapeau marron, un verre à la main. Jack avala sa salive comme pour se donner du courage et s'avança lentement vers lui.

— Nathaniel Kesselius ? demanda t-il lorsqu'il arriva à environ deux mètres de l'individu.

À peine eut-il prononcé ce nom que six autres personnes dégainèrent leurs armes puis les pointèrent sur lui.

Les autres clients se retournèrent pour observer la scène.

"Soit disant qu'il était seul..." se dit Jack en repensant aux mots du tavernier.

— On se calme... dit l'homme au chapeau aux six individus armés. Il ne veux que discuter...

Les six individus rengainèrent leurs armes et dévisagèrent Jack qui était mal à l'aise. Les autres personnes retournèrent à leurs conversations.

— C'est "Capitaine" Kesselius..., reprit l'homme au chapeau. Assieds-toi.

Jack s'assit sans poser de question.

— Alors... tu veux me parler c'est ça ?

— Ou..oui, répondit Jack.

— Comment savais-tu où me trouver ?

— Grâce à un type à la gare de Keliz... C'est lui qui m'a dit que vous étiez souvent à la taverne des oubliés.

Nathaniel fit un signe de la tête comme pour dire qu'il voyait bien de qui parlait le jeune homme.

— Je vois. Qu'est-ce que tu me veux ?

— Je dois me rendre quelque part... Et l'homme qui m'a dit où vous trouver, m'a dit que vous étiez l'un des seuls à pouvoir m'y conduire...

— Ahhh... Tu veux te rendre au Pays des Rêves ? C'est bien ça ?

Jack était à la fois rassuré et stupéfait. Rassuré de savoir que l'homme de la gare de Keliz ne lui avait pas menti. Mais stupéfait de voir que Kesselius semblait très bien connaître le Pays des Rêves. Il n'avait pas du tout l'allure des personnages qui apparaissaient dans les contes pour enfants. Il portait un chapeau marron, un long et vieux manteau de la même couleur que le chapeau, un jean bleu foncé et des bottes couleur marron châtaigne. Bref, il ressemblait plus à un pirate ou un quelconque malandrin qu'à un personnage qui fréquenterait ce fameux pays légendaire.

— Donc c'est vrai... Il existe et vous savez où il se trouve !

— Je m'y suis déjà rendu à plusieurs reprises oui. Mais pourquoi voudrais tu y aller ?

— Je... quelqu'un m'a demandé d'y aller.

— Je vois, répondit Kesselius en se levant. Et je suppose que tu as de quoi me payer ?

— J'ignore votre tarif, répondit Jack en se levant lui aussi.

— Et bien tu as de la chance... Le Pays des Rêves est la destination la moins chère...

Jack regarda Kesselius dans les yeux, s'attendant à ce qu'il lui en explique la raison.

— Quasiment personne ne veut se rendre au Pays des Rêves, reprit Nathaniel. Car presque personne n'en connait l'existence. Je pourrais pratiquer des prix exorbitants pour ça... Mais les gens là bas détestent qu'on fasse payer les voyageurs pour s'y rendre.

— Comment ça ? Vous parlez des habitants du Pays des Rêves ?

— Oui... répondit Kesselius en remarquant que trois individus armés venaient d'entrer dans la taverne et s'apprêtaient à monter après avoir consulté le tavernier.

— Quelque chose ne va pas ? demanda Jack, inquiet.

Nathaniel fit signe à deux de ses hommes.

— Emmenez le garçon au bateau...

— Compris, dit l'un des deux hommes.

— "Le bateau"... Quel bateau ? Il n'y a pas de port ici... fit remarquer Jack.

— Ait confiance petit, j'arrive tout de suite.

Jack et deux des six hommes de Kesselius présents dans la taverne s'en allèrent discrètement. Les trois mystérieuses personnes repérées par Kesselius arrivèrent.

— T'es un homme mort Kesselius ! cria l'un des trois individus, un Elfe de taille moyenne à la peau claire avec une cicatrice sur la joue droite.

Nathaniel l'identifia comme étant Akeba Leonas, l'un des plus grands chasseurs de primes connus. D'après les rumeurs, il travaillait souvent pour le Efdéème. Les efdéèmois lui aurait souvent demandé de réaliser divers actions pour eux sur le continent Pacifique, allant du simple vol de cargaison à l'assassinat en passant par le sabotage.

— Si le Efdéème apprend que tu aides ce garçon, reprit le chasseur de prime, il mettra une prime tellement énorme sur ta tête que même le Véerème ne pourra garantir ta sécurité.

Kesselius s'approcha d'eux.

— Qu'est-ce qui se passe ? De quel garçon tu parles ?

— Le garçon que tu vois là, répondit l'elfe, en montrant l'écran d'une tablette sur laquelle apparaissait la photo de Jack. Le Efdéème le recherche. Le tavernier nous a dit qu'il était venu te voir... Tu n'as pas l'intention de te mettre entre nous et notre cible ? si ?

— Pas du tout... Ecoutes, je ne sais pas qui est ce garçon exactement mais oui, il est venu me parler... et il est parti.

— Vraiment ? demanda le chasseur de prime à la cicatrice. Et de quoi il t'a parlé au juste ?

— Il voulait se rendre au Véerème... Il cherchait un transporteur. Quelqu'un lui a dit que j'en étais un. Je lui ai dit que je ne transportais personne au Véerème, que je me limitais à Pacifia. Du coup il est parti.

L'Elfe fixa un moment le capitaine Kesselius, se demandant s'il devait le croire ou non. En tout cas, son histoire était plausible. Kesselius ne transportait personne en dehors des frontières Pacifiennes.

Soudain, Leonas fit signe aux deux autres de le suivre. Ils quittèrent la taverne. Quelques dizaines de secondes plus tard, Kesselius, surpris que son histoire ait fonctionné, et ses quatre acolytes encore présents firent de même.