Souvenir # ?% ~ ???

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Ma main caressa la lance de Pierre Noire. Sa surface était rugueuse. C'était parfait, oui : une fois plantée dans un corps, elle eût du mal à en sortir et eût fait de gros dégâts. Je souris à moi-même.

– C'est du bon travail, félicitai-je mes subordonnés.

Ce matériau était une véritable bénédiction ! Et dire que son existence ne m'avait été révélée qu'à l'aube de la Révolution par les insurgés. Une chance immense, certainement !

À présent, nous disposions d'un stock suffisant pour armer la totalité des marginaux. Nous allions enfin pouvoir agir. Et cela tombait à point, car les Piliers Noirs, elleux aussi, avaient été terminés. J'avais encore du mal à croire que cette partie du plan se fût bien déroulée. Faire passer cette proposition à l'Assemblée n'avait cependant pas été de tout repos. Il nous avait fallu étudier avec précision les effets de la Pierre Noire et dresser un dossier solide expliquant tous les tenants et aboutissants des édifices. C'était de fausses informations, bien entendu. Leur véritable objectif – qui était tout autre – fût resté caché jusqu'au jour de leur utilisation. Mais la date était si proche !

Mes camarades et moi étions extatiques. L'idée d'être enfin vengés nous remplissait le cœur de joie. Bientôt ! Bientôt nous eûmes été libres ! C'était si délicieux comme sensation, que j'eus presque envie de reporter l'occurrence pour en profiter encore un peu !

Mais non, je ne devais pas. La souffrance, elle aussi, était présente. Et je ne devais pas oublier qu'il était de mon devoir de mener mes adelphes vers la libération, vers notre véritable destinée. C'était la tâche qui m'incombait depuis mon apparition, et je l'eusse menée à bien jusqu'à ma disparition éternelle.

Par anticipation, je ris en imaginant la surprise des conseillers et de leurs fidèles pantins.

Les marginaux à mes côtés rirent aussi. Iels comprenaient évidemment l'importance de ce moment pour notre groupe. Cette arme que je tenais était la dernière. Ce qui voulait dire que nous pouvions passer à la phase finale !

Oh oui, j'avais hâte ! C'eût été si drôle de les voir à genoux, à notre merci ! Et nous n'eussions eu aucune compassion pour elleux, oh ça non ! Pourquoi en eussions-nous eu ? Avaient-iels un instant pensé à ce que nous ressentions, nous, les jeunes du désert ? Certainement pas.

Ainsi avais-je choisi Dzwoha comme quartier général pour les marginaux. Tout un biome abandonné, détesté et délaissé par le Conseil et ses conseillers ! Et si jamais la distance ne nous avait pas suffi à cacher nos affaires, je nous avais déclarés nomades – nous ne l'étions pas, en réalité nous étions simplement répartis sur de grandes distances. Nos divisions avaient des tâches différentes : celle des sathœs des falaises était de trouver de la Pierre Noire, celle de la Cité Mouvante était de surveiller les allers et venues, et ainsi de suite...

J'étais sur le site de taille de la Pierre Noire, une vaste clairière tout au bout de la Terre des Dieux, quasiment au bord du continent. Au loin, on pouvait entendre l'océan... Ce n'était pas ici que la roche des Piliers Noirs avait été recueillie. Non, cet endroit était connu de nous seuls. Le site de récolte en était juste au Nord – secret, lui aussi.

Le mensonge, le secret : j'en étais passé maître avec beaucoup d'aisance, moi qui étais si honnête lorsque j'étais jeune... Mais cette qualité ne payait pas, elle ne faisait que vous rendre plus vulnérable et susceptible de vous faire marcher sur les pieds. Alors avais-je cessé d'être ainsi. J'avais bien grandi !

Pourquoi pleurer mon moi passé – mon moi naïf – alors que le moi actuel était si supérieur ? Les jeunes me suivaient, j'étais leur leader, et même si ça devait changer demain, ça n'eût pas entaché mon estime de moi le moins du monde ! Adoré, détesté ou même haï par certains : je restais moi ! Je restais cellui qui avait été choisi par les Dieux et par les marginaux ! Seul, j'étais déjà puissant. Mais ensemble, nous pouvions tout accomplir.

Nous étions nombreux, nous étions armés et, plus que tout, nous étions déterminés à ne faiblir sous aucun prétexte. Nous étions prêts, entraînés et avions répété de nombreuses fois. Il n'y avait pas de place pour l'erreur, pas de place pour l'approximation. Nous devions gagner à coup sûr. Et c'est ce qui allait se passer, je devais m'en assurer.

Il ne nous restait plus qu'à attendre l'occasion idéale : la prochaine fête d'automne.

Bientôt – oh oui, bientôt ! – notre Grand Projet eût enfin été accompli !

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