Souvenir # ?% ~ ???

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J’avais perdu Thoujou de vue depuis quelques minutes quand une explosion résonna dans la foule. La musique cessa immédiatement et un début d’incendie se déclara à quelques centaines de pieds à l’Ouest de ma position.

– Qu’est-ce qu’il s’est passé ? m’étonnai-je.

Les jeunes qui m’entouraient commencèrent à s’agiter. Je m’apprêtais à aller constater l’étendue des dégâts, quand je ressentis une vive douleur dans mon épaule.

– Arghh !

Je me retournai et croisai le regard sanguinaire d’un des danseurs. Iel tenait l’extrémité d’une sorte de long bâton noir enfoncé dans mon dos et ça n’avait pas l’air d’être un accident. Le sathœ rit et, tout autour, des cris commencèrent à résonner.

Par réflexe, je m’éloignai de mon attaquant. Ce-dernier fut emporté par mon mouvement et chuta de scène, mais se releva l’instant d’après, l’air menaçant.

– Alors, surpris, maître Joukwo ? ricana-t-iel. On ne s’attendait pas à ça, hein ?!

– Quoi ?! bafouillai-je en me tenant le bras.

Évidemment que j’étais surpris, mais ?!

Tout autour, un mouvement de panique eut lieu. Les sathœs présents dans la foule se mirent à courir dans tous les sens et les cris furent de plus en plus proches. Les autres danseurs étaient aussi en possession de Pierre Noire et étaient allés agresser mes pauvres voisins. Je vis du sang gicler et une fumée âcre me brouilla la vue.

Avant que je ne puisse réagir, mon adversaire me sauta à la gorge. Iel s’agrippa à moi et tenta de récupérer l’objet dans mon dos, mais je ne le laissai pas faire et le repousser contre l’estrade.

Profitant qu’iel soit sonné et ignorant quoi faire d’autre, je me mis à courir au travers de la foule. Je n’allais tout de même pas attaquer les jeunes ! Pourquoi aurais-je fait cela ? Mais plus je progressais en direction du Temple, plus cela me paraissait être une évidence : nous étions victimes d’une attaque organisée. Il n’y avait aucun hasard à l’événement. Les agresseurs étaient dotés de Pierre Noire, les victimes non.

Un autre objet de violence me frôla. J’esquivai d’une roulade et fut vite rappelé à l’ordre par une fulgurante douleur dans le dos. Je m’écroulai sur le côté, haletant. J’avais presque oublié que j’étais moi-même blessé. Ça n’avait rien d’un coup fatal, et pourtant je pouvais sentir mon corps faiblir et mon énergie diminuer. Je n’aimais pas ça !

J’attrapai le manche et tentai de l’extraire. Je tirai le plus que je pus, mais le calvaire me rendit incapable de déterminer ma progression. J’arrêtai alors que j’étais au bord de l’évanouissement. Ma vue était brouillée par la sueur et la fumée. Je tâtai mon dos… Le bâton devait être arqué au bout, car je n’étais parevenu à rien. Quelle vile idée que celle-ci… !

Je me mis en tête de me relever et de reprendre ma fuite. Il fallait que je protège les jeunes innocents. Cependant, blessé et coincé au milieu de la foule, j’étais vulnérable et inutile. Je devais d’abord trouver un coin tranquille pour me soigner.

Mais on ne m’en laissa pas le temps. Déjà, un autre agresseur me surplombait avec un sourire et un regard intenables. J’étais clairement en danger, iel avait l’intention de me faire du mal. Le plus possible. Je ne pouvais pas fuir et je me sentais incapable de me battre. Je n’aurais même pas le temps de me remettre sur pieds !

Je ne savais pas ce que les jeunes armés avaient l’intention de nous faire, mais j’avais peur.

Le petit sathœ la perçut et, amusé, tendit sa lame noire vers moi.

J’étais perdu !

Soudain, une autre main apparut au travers du corps de mon agresseur! Elle se retira dans un « splosh » humide et un craquement. J’émis une exclamation de dégoût et d’effroi quand le corps s’étala sur moi et commença à disparaître.

– Joukwo ! Ça va ?!

– K- Kawoutsè ?! bégayai-je.

Mon adelphe essuya nonchalamment le sang qui couvrait son membre avec un mouchoir de soie déjà entièrement imbibé et m’aida à me relever, sans – bien sûr – attendre que je ne soit prêt. Je lançai un gémissement de protestation.

– Qu’est-ce qu’il se passe, bon sang ?! suppliai-je en m’agrippant à sa tunique.

– Je ne sais pas. Ah ! Tu es blessé ! constata-t-iel en passant ses doigts sur ma plaie. Laisse-moi arranger ça.

Iel s’empara de la Pierre Noire et la retira entièrement dans un geste brusque, mais précis. Une partie de ma chaire fut arrachée au passage et je me sentis défaillir. La douleur était trop forte. Je m’effondrai dans ses bras et le sentit me porter.

D’ordinaire, il m’aurait fallu peu de temps pour m’en remettre grâce à ma grande capacité de régénération. Mais même après que la plaie eut été libérée, la cicatrisation prit longtemps. Pire : elle sembla même n’avoir lieu qu’en surface, de manière superficielle. Était-ce dû au matériau maudit ?

Kawoutsè me déposa sur une estrade, auprès de Jouwè et de Kajiki, qui étaient encore indemnes. Iels me demandèrent si j’allais bien, et je dus attendre un instant pour leur répondre. Mon épaule était encore douloureuse et me lançait par moments.

Une fois ma blessure quasiment soignée, je pus me relever et me tins aux côtés de mon adelphe qui défendait notre position.

– Kawoutsè ! Il faut protéger les jeunes ! Ne restons pas là… le conjurai-je.

Mais iel n’avait pas l’air de partager mon intention.

– Non, vous êtes ma priorité ! Tu ne comprends pas, Joukwo ? Les jeunes ne sont pas leur cible… Du moins, pas la plupart, affirma-t-iel.

Non, en effet, je ne comprenais pas quel était le sens de cette rébellion… Pourquoi les jeunes étaient-iels de nouveau en révolution, pourquoi s’entre-disparaissaient-iels aussi ? Pourquoi ne pas avoir essayé de nous parler, d’abord ? J’étais persuadé d’avoir tout bien fait, cette fois… Je ne comprenais pas.

J’entrepris d’analyser la situation. Elle n’avait pas l’air reluisante. Elle était désespérante, même. Les corps tombaient les uns après les autres dans des mares de sang et mes oreilles résonnaient de leurs cris de douleur. C’était horrible. C’était insoutenable. Je voulais tant aller les défendre… Mais je craignais de ne pouvoir qu’aggraver la situation si je tombais à nouveau au combat. Et ces armes…

J’avais mal et j’avais peur.

Pourquoi était-ce en train de se produire ?

Où était passé Thoujou ?! Que se passait-il ?!

Que quelqu’un me réponde !

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