Souvenir trente-troisième ~ Chaos

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Le couloir était rempli de sathœs en prise les uns avec les autres. De tous les côtés on criait, on se battait et le sang coulait. De derrière les portes des bureaux supposés fermés, on pouvait entendre des voix. Mœ et moi n’étions donc pas les seuls, il y avait probablement plein d’autres jeunes qui devaient être « épargnés » par la purge et qui avaient été traînés à l’écart de force.

Un attaquant sortit d’une de ces salles et tenta de me barrer la route.

– Monestre ! Veuillez rester en deh-

Mais je ne lui laissai pas le temps de finir et lui plantai avec violence mon épée juste en dessous de la clavicule. Iel poussa un cri de douleur et s’effondra. Je l’achevai en lui tranchant la gorge. J’enjambai son corps et poursuivis ma route. Chaque assaillant en moins était une chance de prendre le dessus et de mettre fin à cette folie.

Les torches de Feu Bleu avaient été éteintes pour complexifier la fuite. Et avec tout ce sang et tous ces cris, il était difficile de rester calme et collecté. De nombreuses personnes voulurent me ralentir, en vain. Les sathœs du couloir n’avaient que de petits poignards faciles à cacher dans des vêtements. Mais moi j’avais une épée et j’étais décidé à ne pas faire de quartier. N’étant pas sur leur liste de gens à éliminer, iels hésitaient en me voyant approcher, ce qui me donnait l’avantage.

J’en avais fait disparaître une bonne dizaine quand j’arrivai enfin à l’embranchement menant à la grande porte. Dehors, il faisait encore jour et on pouvait deviner les féroces combats qui s’y déroulaient. Malheureusement, j’étais encore trop loin pour discerner clairement qui se battait contre qui et où étaient les conseillers. Je pris la décision d’aller d’abord aider Mœ et de sortir les rejoindre après.

Un fourbe profita de ma seconde de réflexion pour m’attaquer par-derrière. Je ne l’entendis arriver que trop tard et sentis une lame glaciale me perforer l’abdomen. La douleur fut fulgurante et m’arracha un cri tandis que je titubais et m’affalais sur le côté.

– M- Monestre Thoujou, veuillez rester où vous êtes et tout se passera bien ! affirma la personne en tenant maladroitement son arme devant elle.

Ces jeunes ne savaient décidément pas ce qu’iels voulaient. Pourquoi n’étais-je pas leur cible ? Pourquoi m’attaquer, mais ne pas me faire disparaître ?!

Après le choc dû à l’agression, la douleur se diffusa dans la zone touchée comme une brûlure faite au froid. Je ne sentais plus cette partie de mon corps et, en même temps, elle me faisait atrocement mal. Je dus m’agripper au mur pour parvenir à me remettre sur pied et à faire face à mon adversaire. Dans ma chute, j’avais perdu mon arme qui trônait désormais à ses pieds. Iel suivit mon regard et s’empressa de l’écarter d’un coup de pied. Je profitai de la seconde où iel n’était plus en équilibre pour lui asséner un coup dans le genou qui le fit choir, ainsi que son poignard. La manœuvre me fit gémir de plus belle et les larmes me vinrent aux yeux. J’ignorai la peine et plantai mon arme dans son avant-bras pour l’empêcher de reprendre la sienne.

Un puissant courant d’air s’engouffra alors dans le couloir accompagné d’une langue de flammes bleues qui projetèrent leur puissante chaleur jusqu’à moi.

– Arrière, scélérats ! hurla une voix ennemie ou alliée au-dehors.

Quelques personnes carbonisées traversèrent les flammes en titubant et une disparut avant même de toucher le sol. C’était des attaquants. Je n’avais pas de temps à perdre ici, il fallait que je progresse vers l’aile Est. Il fallait que je mette le plus de distance possible entre elleux et moi tant que je n’étais pas totalement guéri. Sur mon chemin, j’allais devoir organiser la résistance, car sans organisation, nous serions tous perdus.

D’un coup d’épée j’achevai impitoyablement le sathœ à mes pieds puis me frayai un chemin dans la mêlée, transperçant et tailladant tout ce qui bougeait et portait la marque de la trahison. Certains alliés prirent peur de moi et se mirent à courir ou se recroquevillèrent dans un coin. D’autres, m’ayant reconnu, allèrent faire barrage aux sathœs entrant par la porte principale. Il fut vrai qu’il était difficile de savoir à quel camp j’appartenais, étant donné que personne ne savait ce qu’il se passait et que je portais moi-même une arme couverte de sang. Mais celleux qui se battaient avaient bien compris qui étaient leurs ennemies. Nous ne faisions que nous défendre, alors que les fidèles de Tamiaki nous attaquaient sans pitié…

Hélas, je ne pus que cruellement constater que nous étions en grave sous nombre, car les assaillants continuèrent d’affluer tandis que nous étions lentement repoussés vers les profondeurs du Temple et que les nôtres disparaissaient les ans après les autres. Je me rassurai en me disant qu’au moins celleux-là ne durent pas être sur la liste. Car disparaître nous assurait, en quelque sorte, une porte de sortie – si j’en croyais ce que j’avais compris du plan. Cependant, nous n’étions plus en mesure de tenir notre position ni de ralentir leur progression. Nous devions tous sortir d’ici avant qu’iels ne nous encerclent ! J’ordonnai aux rescapés de se replier vers les autres sorties et de s’enfuir ou de se battre dehors s’iels en étaient capables.

Les jeunes coururent à mes côtés et nous entendîmes le fracas des pas de nos assaillants derrière nous. Ma blessure continuait à me faire souffrir et elle ne semblait pas vouloir se refermer. Arrivés devant les escaliers de l’ancienne salle du Conseil, nous nous séparâmes en deux groupes. Quelques ans restèrent en arrière en criant qu’iels nous couvraient. Grâce à elleux, je pus enfin atteindre la salle où Mœ était supposément retenu sans que personne ne vienne me gêner. Les jeunes restants me dépassèrent et purent sortirent sans encombre du Temple.

– Mœ ! Écarte-toi de la porte, j’entre ! hurlai-je avant de la fracasser à grands coups de pied.

Le sathœ qui la gardait se prit le volant dans le dos et grogna avant de l’écarter d’un bras. Il était seul, mais avait l’air bien plus costaud que les deux qui étaient avec Tamiaki.

– Thoujou…! s’exclama Mœ.

Je remarquai que sa voix n’était pas normale, mais n’eus pas le temps de prendre connaissance de la situation, car l’ennemie se jeta immédiatement sur moi et tenta de m’agripper. J’esquivai et lui infligeai une entaille la plus profonde possible dans le dos. Iel tomba à genoux dans un grognement.

Je le contournai pour aller aux côtés de mon ami – naturellement, monestre Dzwotœ n’était pas là, Tamiaki nous avait menti. Les vêtements de Mœ étaient déchirés et iel se tenait le bras. Iel était extrêmement pâle, avait l’air en grande détresse, complètement effaré. Cet immonde individu lui avait fait du mal… Comment avait-iel osé !

– Thoujou, qu’est-ce qu’il se passe ? m’interrogea-t-iel, enroué.

Mais soudain je sentis une forte poigne me tirer en arrière et le garde me plaqua au sol. Iel fit peser son genou et tout son poids sur mon dos, sa grosse paume maintint fermement ma tête en place. La douleur de ma blessure se réveilla et je fus incapable de me libérer. De mauvais souvenirs me revinrent par flashs et je commençai à paniquer. Cette position était inextricable, j’étais foutu !

– Très idiot de votre part de vous rendre alors que vous auriez pu vous échapper, fit-iel remarquer d’un ton mauvais.

– Non ! supplia Mœ. Laissez-le !

Iel tenta de me venir en aide en tirant de toutes ses forces sur le bras de mon assaillant, mais ce dernier n’eut qu’à faire un mouvement brusque pour qu’iel lâche prise, et Mœ se cogna sur un meuble un peu plus loin dans un gémissement.

– Enfoiré, tu n’as donc aucune honte ? grognai-je.

– On m’a envoyé pour le retenir, pas pour lui faire des câlins. Je peux faire ce que je veux avec vous, les pseudo-sauveurs de la jeunesse !

Iel inséra un doigt dans ma plaie encore ouverte et me fit hurler de douleur. Je sentis les larmes me monter aux yeux tandis que mes muscles abdominaux se contractaient de manière spasmodique. Mes mains, comme des serres, se refermèrent sur le vide et griffèrent le sol.

– Ahahah, c’est ça, crie petit moineau !

Cet instant me parut durer une éternité.

– Ça suffit ! s’emporta Mœ.

Dans ma vision périphérique je vis un poignard venir se loger dans le cou de mon agresseur.

Iel se releva avec un hurlement mêlé de gargouillis et agita les bras en tous sens alors qu’iel se vidait de son sang. Mon abdomen me brûla encore et tout devint trouble autour de moi. J’entendis le bruit de quelque chose qui se fracasse, celui d’une masse qui tombe et, enfin, le silence.

Une main fraîche vint se poser sur mon épaule.

– Ça va ?!

Sa voix était lointaine, comme si elle provenait du passé et avait mis des cycles à parvenir jusqu’à moi.

– Ne- Ne bouge pas, je vais te soigner.

Une douce chaleur se répandit dans mon corps et je revins peu à peu à moi. Le décor cessa de tanguer et je pus me redresser en position assise. Je me frottai les yeux pour essuyer les larmes. À mes côtés, Mœ était essoufflé et le grand sathœ gisait à terre.

– Ça va ? répéta-t-iel.

– Oui, merci Mœ. Tu as été fantastique.

Mœ ne sembla pas bien prendre le compliment.

– Que se passe-t-il, à la fin ?! Pourquoi Tamiaki nous a-t-iel piégés ainsi ? Que veut-iel ?

– Je dois te la faire courte : Tamiaki et une partie des jeunes nous ont trahis. Iels comptent utiliser les Piliers Noirs pour faire disparaître les conseillers à tout jamais.

– Quoi ?! Mais ça n’a aucun sens !

– Je sais. C’est pour ça qu’on va les arrêter ! Viens, on doit vite sortir d’ici.

Je l’attrapai par la main et l’entraînai en dehors de la pièce. À notre gauche, le dernier jeune debout venait de perdre et ses assaillants l’achevèrent d’un coup de poignard. Je n’attendis pas de voir s’iels allaient nous remarquer et nous suivre et menai Mœ à l’extérieur.

Devant la sortie Est du Temple, il n’y avait personne. Tout le monde devait être regroupé au Sud. Les jeunes auxquels j’avais ordonné de s’enfuir l’avaient fait et on pouvait les voir s’éloigner au loin.

– Ne les laissez pas s’échapper ! beugla quelqu’un à l’intérieur.

Les bruits se rapprochèrent très vite. Nous poursuivîmes. Là, une des immenses cascades et la rivière qui l’accompagnait nous barrèrent la route. Nous étions sur le point d’être rattrapés, nous n’étions que deux, Mœ était encore blessé et fatigué et je n’étais plus armé.

– Tu me fais confiance ? lui criai-je dans l’oreille pour me faire entendre.

Iel rétorqua par un signe de tête précipité. Mœ et moi nous engouffrâmes alors derrière les piliers mousseux du Temple, hors de vue, puis plongeâmes dans l’eau de la cascade. Sous ses tumultes, nos assaillants ne purent pas nous voir. Le courant nous charia quelques instants sans que l’on ne se lâche la main. Quand nous eûmes finalement coulé tout au fond du bassin, j’ouvris les yeux et repérai la rive opposée. Le flux de l’eau rendit notre progression lente et difficile. Les algues s’enroulèrent nonchalamment autour de nos corps et nous les déchirâmes pour progresser.

Arrivés de l’autre côté, je nageai jusqu’à la surface et passai lentement mes yeux au-dessus du niveau de l’eau. Nos poursuivants avaient disparu. Iels ne suivaient pas les jeunes ni ne tentaient de traverser la rivière. Iels devaient être repartis d’où iels venaient. Je m’agrippai au bord rocailleux et me hissai sur la rive. Puis j’aidai Mœ à faire de même.

Je repris sa main et nous slalomâmes entre les piliers, à l’abri de la lumière du jour qui descendait de plus en plus sur l’horizon. Les sons de la bataille se firent de plus en plus proches et nous aperçûmes bientôt les premiers groupes de combattants. La situation était relativement différente de celle du Temple, il n’y avait quasiment aucun allié en dehors des personnes visées. Les fidèles de Tamiaki portaient divers types d’armes de Pierre Noire et étaient bien plus agressifs et préparés que celleux qui avaient été assignés à notre garde. Encerclés, les ex-conseillers se défendaient bec et ongles à l’aide de leur Ji. Les Dix avaient un avantage certain dans ce domaine et iels n’hésitaient pas à s’en servir.

De nombreux feux illuminaient la plaine. De partout des flammes jaillissaient des mains ou de la bouche des conseillers passés maîtres dans l’art de souffler le feu. De grands courants d’air mettaient à terre des groupes entiers d’assaillants et les armes passaient d’une paire de mains à une autre dans une lutte désordonnée.

Il y avait des arbres couchés, des scènes détruites dont les décombres servaient de projectiles et des corps alliés par terre. Il n’était pas question de les laisser disparaître, alors les traîtres les avaient menottés avec ces anneaux maudits qui avaient un jour enserré les bras de Joukwo. Pour s’assurer qu’iels ne se s'enfuient pas, iels avaient été blessés à la limite de leur capacité de régénération, tout juste assez pour les maintenir en position de soumission. Les armes utilisées étaient laissées en place pour les empêcher de se régénérer.

D’un seul coup, ma propre bêtise me sauta au visage. Pourquoi n’avais-je rien remarqué jusque-là ? Comment avaient-iels pu cacher ces armes à ma vue, lors de mon propre évènement ?! Comment étaient-iels parvenus à prélever autant de Pierre Noire sans que je ne m’en aperçoive ?!

J’avais été abusé en beauté, quelle honte. Dire que j’avais cru dans son beau discours de réconciliation… ! Tamiaki allait me le payer.

J’identifiai d’un coup d’œil la position de tous mes amis. Joukwo, Kawoutsè, Kajiki et Jouwè étaient ensemble sur une estrade et Kawoutsè repoussait des vagues entières d’ennemies avec facilité. D’autres membres des Dix se tenaient ensemble sur d’autres estrades pour avoir l’avantage du terrain. Malgré toute leur puissance, certains avaient été grièvement blessés et étaient protégés par les autres. Un, Fatipfœ, était déjà tombé aux mains de l’ennemie. Un autre était sur le point d’être perdu. C’était Houèmki, qui sanglotait, la jambe transpercée de part en part par une épée, à quelques pieds d’Amka qui tentait de le secourir de toutes ses forces. Mais iel parvenait tout juste à tenir les sept jeunes responsables en respect.

De l’autre côté, je vis Thœji, Wèthwo et d’autres insurgés aux prises avec un groupe de gens du désert. Probablement les fameux marginaux dont Dzaè faisait partie. Je devais aller les aider en priorité.

– C’est trop dangereux pour toi, Mœ. Tu devrais rester ici.

– Non ! Je veux aider ! Protesta-t-iel, piqué au vif.

– Mœ… Dans ton état tu ne feras que nous gêner et iels pourraient se servir de toi comme otage. Tu n’es pas sur leur liste, profite de cet avantage pour rester à l’abri.

– Hors de question ! Disparaître ne me fait pas peur ! Je ne sais peut-être pas me battre, mais j’ai d’autres compétences. Les miens sont là-bas, et iels sont en danger. Je vais aller les aider. Et puis je ne te demande pas ton avis, je viens ! Ne prends pas la peine de me protéger et fais ce que tu as à faire.

Je lui souris. Je m’attendais un peu à cette réaction de sa part. Mœ rougit et se racla la gorge.

– Allons-y, ça va barder ! clama-t-iel avec de la détermination dans le regard.

Sans cesser de nous tenir la main nous nous élançâmes dans la mêlée, esquivâmes les coups partant dans tous les sens, slalomâmes entre les formations ennemies et alliées, sautâmes d’estrade en estrade et par-dessus celleux que nous ne pouvions plus sauver. Nous y étions presque quand nous fûmes finalement encerclés. Nous étions bloqués dos à dos quand j’eus une idée :

– Porte-moi et tourne ! lui commandai-je.

Et je mis mes bras dans les siens. Mœ comprit immédiatement ce que je comptais faire et s’exécuta. Comme iel était bien plus grand que moi, mes pieds décolèrent du sol et quand iel se mis à tourner, je pus prendre de court nos assaillants et leur envoyer une rafale de coups de pieds dans les dents ou le torse.

Nous parvînmes à libérer la route menant au groupe des insurgés qui crièrent de joie à notre arrivée. Mœ fut hissé sur l’estrade pendant que j’utilisais un poignard que j’avais récupéré sur le sol pour achever le plus d’ennemis possible avant de les rejoindre. Quelqu’un dans la foule s’agrippa à ma jambe et tenta de me faire tomber. Un insurgé muni d’une lance se jeta à ma rescousse. J’entendis un cri et la pression disparut. On me prit par les aisselles et me fit monter.

– Enfin, vous êtes là ! s’écrira Thœji, soulagé. J’ai cru qu’iels vous avaient eus !

– Jamais ! fanfaronna Mœ avec un clin d’œil dans ma direction.

La situation sur les estrades était délicate. Nous avions l’avantage de la hauteur, les lances, les couteaux et autres armes ne pouvaient pas nous atteindre, nous avions une vue générale sur le champ de bataille, mais nous étions également piégés et en sous nombre. Nous ne pourrions tenir longtemps en restant ici.

Soudain ma réflexion fut interrompue par un cri en provenance du ciel. Interloqué, je levai la tête.

– Agghh ! hurlai-je de surprise.

Un corps vint se fracasser à mes pieds, là où je me trouvais un instant plus tôt et brisa une planche de l’estrade. Les insurgés glapirent de surprise puis se préparèrent à une nouvelle attaque aérienne, affolés. Je cherchai la source de ce barbare jet de personne et il s’avéra que cela venait du côté de Kawoutsè.

– Thoujou ! vociféra-t-iel par-dessus les bruits de la bataille en pointant un index dans ma direction. Sale traître, viens de battre ! Je vais vous exterminer, toi et toute ta clique !

– Non, mais, ça va pas ?! Espèce d’abruti primaire ! T’as pas encore compris que nous étions de votre côté ? Nous aussi on veut notre peau, pauvre débile ! Sale minable ! mugis-je avec la même puissance.

Joukwo lui enserrait la taille pour l’empêcher de me lancer quelqu’un d’autre, mais Kawoutsè n’y portait aucune attention et le ballottait comme un vulgaire sac en toile en nous lançant des pelletées d’insultes. Un adversaire profita de sa distraction pour lui agripper la jambe. Kawoutsè lui fracassa le crâne à grands coups de pieds, hargneux comme un lion, et iel disparut dans un râle. Je ne l’avais pas vu aussi vif depuis des centaines de cycles ! J’avais l’impression qu’iel était enfin redevenu ellui-même. Pas forcément le « bon » ellui-même…

– Prouve-le, alors ! rétorqua-t-iel, les mains en porte-voix. Gros faiblard ! Sale assisté !

« Ah ouais, c’est ce que tu veux ?! Soit ! Tu vas voir de quel bois je me chauffe ! »

J’attrapai le corps quasi inanimé du sathœ que Kawoutsè m’avait lancé et lui tins la tête en arrière pour qu’iel ne manque rien du spectacle. Avec mon poignard, je lui tranchai lentement la gorge. La lame se déplaça avec aisance, comme si je tranchais de sable. Un frisson parcourut mon corps. Son sang se déversa à grands flots sur l’estrade tandis qu’iel était secoué de convulsions. Mais je ne m’arrêtai pas là. Je laissai le corps s’affaler, sans vie et imbibai mes mains de son essence avant de m’en couvrir le visage. C’était une redoutable – et répugnante – déclaration de guerre.

– Satisfait, enfoiré ?!

Kawoutsè me lança un sourire carnassier et partit d’un rire sonore.

– Ewww, dégueu, Thoujou… râla Mœ.

Les autres sathœs me jugèrent aussi avec un certain dégoût et Joukwo avait détourné le regard.

– Faut ce qu’il faut avec ellui ! rétorquai-je avec un sourire mal dissimulé.

J’avais l’impression qu’une sorte de connexion s’était établie entre Kawoutsè et moi tandis que nous continuâmes à protéger nos amis. Nous combattions enfin côte à côte.

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