Tjeb Aalzahif (Partie 2)

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Après trois jours passés dans le désert, l'ombre des massifs sombre du Tjeb Aalzahif commençait à grandir sur l'horizon, s'élevant au sud telle une barrière infranchissable. Ashka se sentait épuisée, vidée. L'insomnie ravageait ses nuits et l'abattement ses journées. La culpabilité pesait sur son cœur, remontant dans sa bouche avec un goût de métal froid.

Izmeer ne lui pardonnait rien. Pas une once de bienveillance ou d'empathie n'émanait de lui. Son attitude revêche et rancunière ne la faisait se tasser que davantage sur elle-même.

Dans un sursaut de lutte, elle tenta pourtant de sauver la face.

  • Arrête tes regards en coins, Izmeer, maugréa-t-elle. Tu n'es pas non plus blanc comme un agneau, que je sache.

Izmeer sursauta. La pique l'avait étrillé dans sa fierté.

  • Que dites-vous ? hoqueta-t-il.
  • Je dis que sans ta venue, sans ta famille, sans ton sang, cracha Ashka, Harkara ne s'en serait que mieux porté... Grâce à toi, nous avons pu pénétrer dans la chambre forte du palais, mais regarde où cela nous a mené !
  • Quoi ? s'indigna Izmeer. Comment osez-vous ! Vos injures ne font qu'alourdir les outrages qui vous condamnent, conseillère !
  • Pourquoi n'es-tu pas resté sagement en Evayle comme ta famille exilée, hein ? Pourquoi a-t-il fallu que tu reviennes ? Pour espérer redorer le blason de ta maudite lignée ?
  • Peuh ! Ce sont mes talents de mage qui m'ont fait venir sur le continent. Que croyiez-vous ? J'ai été mandaté par l'école des Arcanes d'Aranrhod parmi les meilleurs praticiens pour intégrer Saalirraz. Ce n'est que là-bas que l'on m'a mis sur la route du palais de Kuvalzum.
  • Ah ! Quelle ironie ! Toi non plus, ce n'est donc pas ta faute ? Nous voilà donc à égalité, finalement. Tu vois comme c'est facile de rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre ! Alors peut-être pourras-tu me laisser en paix désormais.

Fahri s'était retourné vers eux pour mieux observer leur échange, un petit sourire moqueur au coin des lèvres.

  • Vous ne savez rien de moi, damnée menteuse ! explosa Izmeer.
  • J'en sais suffisamment pour t'affirmer que le jugement est aisé lorsqu'on ne sait pas tout, répondit Ashka d'un ton égal. Alors regarde ton reflet dans le miroir avant d'ouvrir la bouche.

Attiré telle une mouche par du miel, le lieutenant des mercenaires se rapprocha au petit trot. Izmeer allait répliquer lorsque Fahri le coupa.

  • C'est assez étrange de vous voir perdre tout ce qu'il vous reste, conseillère. Bien que n'ayant aucune animosité envers vous, je ne peux que vous aviser de rester en bons termes avec votre ami. Votre survie implique votre coopération, ne l'oubliez pas.
  • Allez-vous-en, Fahri. Restez dans le rang avec la vermine qui vous sert de soldats.
  • Très bien. Peut-être regretterez-vous vos insultes, une fois que le pouvoir sera en ma possession. Qui sait à quelle magie devrez-vous vous soumettre, dans un futur proche ?

Éperonnant sa monture, il partit à l'arrière du convoi, laissant à nouveau seuls les deux prisonniers. Le silence retomba, ponctué par le pas feutré des camélidés sur le sable.

Ashka repensa à l'enquête qu'elle avait commencée à mener au palais de Kuvalzum, avant d'être appelée par son devoir aux confins du désert. Peut-être que la quête de l'artéfact n'était qu'un leurre, une distraction pour que le ou les auteurs des meurtres parmi les trameurs puissent avoir les coudées franches. Ashka espéraient sincèrement que son adjoint Kobi avait avancé dans cette affaire, qu'elle puisse s'entretenir avec lui rapidement pour avoir son avis sur la situation.

L'échange qu'elle avait eu avec Izmeer lui avait permis de se libérer d'une once de sa culpabilité, lui rendant un semblant d'estime. Son esprit s'en trouvant allégé retourna les dernières paroles qu'ils avaient échangé, et qui faisaient un écho mystérieux à ceux qu'ils avaient déjà eu depuis le début de leur périple. Un détail insignifiant parmi tant d'autres, sans doute, mais derrière lequel se cachait un élément qu'elle ne parvenait pas à saisir.

  • Tu dis que tu as été sélectionné parmi d'autres élèves mages à Aranrhod ? demanda Ashka. Sais-tu pourquoi tu as été pris au lieu des autres ?

Izmeer râla dans sa barbiche et ne daigna même pas se tourner vers son interlocutrice.

  • Izmeer... je t'en prie, réponds-moi. Je... je te demande pardon de t'avoir insulté de la sorte.
  • Est-ce parce que votre ami Fahri vous l'a demandé que vous venez vous répandre en excuses ? Est-ce une pathétique occasion de tenter de monnayer votre survie auprès de moi ?
  • Non... Je suis sincère. Je te prie de m'excuser, vraiment.
  • Je me fiche de vos excuses. Peu m'importe ce qui vous a poussé à agir dans le passé comme vous l'avez fait, vous êtes seule responsable des décisions que vous avez prises. Ne tentez plus de m'incriminer avec vos manœuvres grossières et culpabilisantes. Je ne vous dois rien, pas plus que je n'ai à vous justifier ma réussite. Si pour vous, la réussite doit obligatoirement passer par un appui haut placé, alors vous n'avez aucun mérite à mes yeux.
  • Mais...
  • Tais-toi, maintenant !

Ce tutoiement inhabituel dans la bouche d'Izmeer témoignait de la colère qui l'enflammait. Ashka en fut elle-même déstabilisée, regardant tristement son compagnon se retrancher dans un silence amer.

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