Piedür - Thomas Jean

3 minutes de lecture

C’était mon frère et pourtant il m’était inconnu. Il avait toujours été très réservé, contrairement à moi qui, enfant, étais une vraie pile électrique. J’ai suivi son parcours en grandissant, prudent et silencieux. Il attirait les filles, je ne sais pas vraiment ce qu’elles lui trouvaient, il était mélancolique, sérieux, toujours le nez collé dans un livre. Il était d'une beauté discrète et ses cheveux châtain clair tombaient sur son front, il ne prenait jamais la peine de les couper à temps. Mais son caractère était agaçant, ce n’est sûrement pas très objectif venant du petit frère, dans tous les cas, il suivait toujours les règles et me prenait la tête quand je ne le faisais pas. Quel genre de fille voudrait de ce vieillard dans l’âme ? Pour moi il ne savait tout simplement pas s’amuser.

Il y avait bien quelque chose qu’il appréciait, la nature. Que l’on aille à la campagne, en forêt ou à la plage, même s'il était moins à l’aise près des océans, il était comme à sa place. Il détestait la ville, le goudron, la pollution, je n’aimais pas ça non plus mais sa haine était beaucoup plus marquante que la mienne, si bien que nous avions déménagé à la campagne pour son plus grand plaisir. J’avais neuf ans et il en avait onze, je voulais passer du temps avec lui, faire de la bouillie avec les fleurs ou n’importe quel jeu de gamin, mais il n’aimait que son arbre. Son arbre et ses fleurs, oula non, je n’aurai jamais pu faire de la bouillie avec ses fleurs. Son regard assassin quand je lui avais exposé mon idée, je m’en souviens très bien..

Il avait toujours agi comme si l’écart entre nos âges était plus grand, se montrant plus sage et plus mature. Jusqu’au jour où une rousse lui avait sauté dans les bras, je n’avais rien compris, ils se serraient l’un contre l’autre comme de vieilles connaissances. Mais mon frère je le connaissais, enfin je croyais, et pour moi jamais il n’aurait connu ni supporté une telle fille. Alors il avait demandé le plus gentiment possible à nos parents de l'héberger quelque temps à la maison, quelle idée, grâce à ça j’avais plus appris sur lui en une semaine qu’en seize ans de vie. Cette fille était flamboyante, mis à part sa tignasse bouclée, sa personnalité en jetait. Je ne vais pas cacher que je me posais parfois des questions vis-à-vis de son comportement, mais pour mon frère elle avait l’air tout à fait normal, comme s’il était habitué à tous ses écartements. J’avais l’impression d’avoir loupé une grosse partie de sa vie, mais quand l’avait-il connu au juste ? Il n’avait que dix-huit ans et il habitait toujours à la maison, j’avais été inscrit dans la même école, dans le même collège et dans le même lycée que lui, et jamais je ne l’avais vu fréquenter une telle personne, je m’en serais souvenu si c’était le cas. Je n’avais jamais osé lui demander où il l’avait connu, ce qui était idiot puisque j’aurai éclairci tout mystère. Quand elle est partie, elle lui a fait promettre de lui envoyer des messages tous les jours, de ne pas se renfermer sur lui-même et de se faire plein d’amis à l’université. Quelque chose avait été débloqué en lui, comme s’il s'autorisait à être enfin lui-même, à vivre pleinement. Il avait l’air plus joyeux et plus détendu, je crois que c’est à partir de là que j’ai commencé à l’apprécier.

Annotations

Vous aimez lire Asosoz13 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0