Chapitre 1
Lyra
La forêt. Toujours la même.
Chaque nuit de pleine lune, je m’y perds, dans son obscurité à la fois rassurante et oppressante. L’air y est lourd, presque étouffant, saturé d’une odeur boisée et musquée. Chaque craquement sous mes pieds nus résonne comme une détonation, un avertissement. La brume s’épaissit autour de moi, collante, presque vivante, m’enveloppant comme une prison invisible. Mon souffle devient court, et mon cœur cogne si fort que j’ai l’impression que la forêt entière l’entend. Pourtant, je continue d’avancer. Pourquoi ? Pourquoi cet instinct irrépressible de le trouver ?
Il est là. Je le sens avant même de le voir.
L’air change. Une tension électrique s’installe, et son odeur me submerge. Profonde, sauvage, indomptable. C’est un mélange de bois de cèdre, de musc animal, et d’une fumée légère, une fragrance brute et unique, comme lui. Elle s’accroche à moi, s’insinue dans mes poumons, dans mon sang, éveillant une chaleur sourde et un vertige que je ne comprends pas. Je n’ai pas besoin de le voir pour savoir qu’il est proche. Il me guette, m’épie entre les troncs. Je peux presque sentir son regard percer à travers l’ombre et puis, il émerge. Lentement. Comme une ombre qui prend vie.
Mon souffle se bloque. Il est imposant, terrifiant, magnifique. Son pelage sombre comme une nuit sans lune semble absorber la lumière. Mais ce sont ses yeux qui me clouent sur place. Noirs, brûlants, incandescents. Ils m’absorbent, me consument. Dans leur éclat, je vois tout ce que je suis et rien qui est moi. Un gouffre infini, un feu qui me dévore.
Il avance d’un pas lent, souverain, et une voix éclate dans ma tête. Grave, puissante, résonnante.
“Tu es mienne.”
Ces mots. Cette voix. Ils frappent mon esprit comme un coup de tonnerre, me laissant tremblante. Un frisson glacial parcourt ma peau, mais un feu naît dans mes veines. Une chaleur enivrante, incontrôlable. Cette déclaration me subjugue autant qu’elle me révolte. Qui est-il pour prétendre cela ? Pourquoi ces mots réveillent-ils en moi un désir brut, animal, mais aussi une rage sourde, viscérale ?
Je veux fuir. Je veux m’échapper de cette emprise. Mais mon corps refuse. Mes jambes sont lourdes, mes pieds ancrés au sol. Je suis figée, capturée par l’aura qu’il dégage, par cette domination implacable. Et pourtant… je ne peux nier ce que je ressens. Une part de moi sait qu’il dit vrai. Que je suis à lui. Que je l’ai toujours été.
Mais pourquoi ? Pourquoi cette attraction insupportable ? Pourquoi cette rage grandissante ?
Et pourquoi, malgré tout cela, je ne ressens pas la peur ?
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