Daemon

"Elle !" rugit Artémis dans mon esprit, sa voix résonnant comme une vérité inébranlable, brute et sauvage.

"Je le sais. Je l’ai vue." Mon propre murmure se perd dans le tumulte de mes pensées. Elle est là. Réelle. Enfin. Pourtant… elle est différente. Une ombre de celle que je connais.

Dans mes rêves, Lyra est une force de la nature. Majestueuse. Sa lumière éclate, indomptable, dévorant tout sur son passage. Je connais la douceur de sa voix, la chaleur de sa peau, et cette odeur boisée et musquée qui m’envahit à chaque vision. Mais ici… tout est voilé. Son essence semble bridée, contenue. Comme si quelque chose ou quelqu’un l’étouffait.

Je ressens encore la chaleur de sa main dans la mienne, ce contact fugace mais électrique. Elle était là, si proche, et pourtant… absente. Pas une étincelle de reconnaissance dans ses yeux. Et son odeur. Elle devrait m’assaillir, m’appeler comme un cri dans la nuit. Mais ce que je perçois à la place est fade, artificiel. Un voile chimique déforme ce qu’elle devrait être.

"Elle est incomplète," grogne Artémis, son ton chargé d’impatience et de frustration. “Mais elle est à nous.”

"Pourquoi ?" pensé-je, mes mâchoires se contractant sous la tension. "Pourquoi ne se souvient-elle pas ? Pourquoi ne ressent-elle rien ?"

Je monte les marches du hall principal, mes pas résonnant dans l’espace vide. Le tumulte gronde en moi. Ma vision s’est matérialisée, mais tout en elle me semble voilé, dissonant. Une partie d’elle manque. Mais quoi ? Et pourquoi ?

"Est-ce qu’elle cache son essence ?" pensé-je en silence, l’incertitude creusant un gouffre dans ma rationalité. "Ou est-elle aussi perdue qu’elle en a l’air ?"

Artémis ne laisse aucune place au doute. “C’est elle ! Elle est à nous !” rugit-il, son ton imprégné d’une conviction animale.

Mais je ne peux pas agir sans comprendre. Chaque fibre de mon être me pousse à aller vers elle, à briser cette barrière invisible. Pourtant, mon esprit s’accroche à cette énigme. Pourquoi est-elle différente ? Pourquoi n’est-elle pas celle que je connais ?

L’ascenseur arrive, ses portes s’ouvrant dans un tintement métallique. J’appuie sur l’étage, mes doigts crispés contre le panneau froid. Le contraste entre le calme apparent de mon environnement et la tempête en moi est presque insupportable.

Artémis gronde, impatient. “Pourquoi hésites-tu ? Elle t’appelle. Elle nous attend.”

"Elle ne sait même pas qui je suis," pensé-je. "Si elle le savait, pourquoi n’aurait-elle rien dit ? Pourquoi ce silence ?"

Mais peut-être qu’elle ignore tout. Peut-être qu’elle est victime autant que moi de ce voile qui masque son essence.

Une chose est certaine : je ne peux pas la laisser partir. Je dois savoir. Comprendre ce qui l’a menée à cette ombre d’elle-même. Et je le ferai. Peu importe ce que ça prendra.