Chapitre 8
Lyra
Deux semaines se sont écoulées depuis mon arrivée chez Lykos Industries. Les jours défilent à une vitesse vertigineuse, rythmés par les cours à l’université et les tâches assignées au laboratoire. Pourtant, une étrange tension persiste. Une impression que chaque mot, chaque geste ici, porte un sens caché.
Daemon.
Son nom flotte dans mon esprit comme une ombre. Bien qu’il ne soit jamais là physiquement, je ressens sa présence partout. Dans les regards des autres, dans l’atmosphère même du bâtiment, comme un écho qui ne disparaît jamais.
Mais aujourd’hui, c’est Selene qui m’interpelle.
"Lyra, tu as un moment ?" Sa voix est douce, mais il y a une nuance sérieuse qui capte immédiatement mon attention.
Je relève les yeux de mon écran, légèrement intriguée. "Bien sûr. Tout va bien ?"
Un sourire rassurant éclaire son visage. "Oui, tout va bien. Mais cela fait deux semaines que tu es ici, et je voulais prendre un moment pour faire le point. Juste toi et moi. Ça te convient ?"
Je hoche la tête, me levant pour la suivre.
Elle me conduit dans une petite salle de réunion aux grandes baies vitrées. La lumière dorée de l’après-midi adoucit l’ambiance, rendant l’espace chaleureux malgré sa fonction. Selene s’assoit face à moi, ses gestes mesurés mais accueillants.
"Alors, comment te sens-tu ici ? L’entreprise, l’équipe, le stage… est-ce que tout correspond à ce que tu attendais ?"
Je réfléchis un instant avant de répondre. "C’est fascinant, vraiment. Les projets sont impressionnants, et l’équipe est très accueillante. Mais…"
Selene arque un sourcil, l’air encourageant. "Mais ?"
"C’est intimidant, parfois. Vous avez tous l’air si… connectés. Comme si vous vous compreniez sans parler."
Un sourire énigmatique étire ses lèvres. "C’est une question d’habitude, je suppose. Quand on travaille ensemble depuis longtemps, certaines choses deviennent instinctives. Mais je te promets, Lyra, tu trouveras ta place."
Je hoche la tête, tentant de croire à ses paroles.
"Et à l’université ? Comment ça se passe ?"
"Bien, je pense. Les cours sont denses, mais intéressants. Et le stage ici m’aide à relier la théorie à la pratique."
Selene acquiesce, visiblement satisfaite. Puis, son ton change légèrement, devenant plus curieux.
"Et en dehors des cours et du stage ? Tu as eu le temps de te détendre ? De découvrir un peu la région ?"
Je souris légèrement, surprise par la question. "Pas vraiment… mais j’adore la nature. J’essaie de me réserver du temps pour explorer les forêts environnantes. Elles m’apaisent."
Selene sourit, et son regard semble s’adoucir davantage. "Je comprends parfaitement. Je fais la même chose. Les forêts sont mon refuge. C’est là que je me ressource, que je me reconnecte à… ma nature profonde."
Sa dernière phrase me surprend légèrement, mais je n’y réfléchis pas trop.
"Quand je me perds dans une forêt," repris-je, "j’ai l’impression de toucher à quelque chose… d’essentiel. Tellement que je me surprends à les dessiner parfois."
"Des dessins ?" demande-t-elle, une pointe d’étonnement dans la voix. "C’est un talent que tu devrais exploiter. Je serais curieuse de voir ce que tu crées."
Je hausse les épaules, un peu gênée. "Ce ne sont que des croquis. Rien de sérieux."
Elle sourit, mais je remarque une lueur dans ses yeux, comme si mes paroles avaient éveillé quelque chose en elle. Après un court silence, elle reprend, son ton devenant légèrement plus réfléchi.
"Tu sais, la nature a des effets incroyables sur notre corps, parfois même imperceptibles. Et ça me fait penser… Ta mère t’a toujours préparé ces vitamines, non ? Tu en prends encore ?"
Je sens mes muscles se tendre légèrement. "Oui… c’est une habitude que j’ai gardée. Pourquoi ?"
Selene pose ses mains sur la table, toujours aussi chaleureuse. "Elles semblent importantes. Si cela ne te dérange pas, j’aimerais beaucoup qu’on les analyse. Pure curiosité scientifique, bien sûr. Cela pourrait être fascinant de découvrir comment elles interagissent avec ton organisme."
Elle marque une pause avant d’ajouter, son regard pétillant d’un intérêt sincère : "Tu sais, l’impact des plantes sur les organismes vivants est au cœur de nos recherches. Et ce serait fascinant de voir ce que ta mère a pu créer, surtout avec ses connaissances traditionnelles. Peut-être qu’on pourrait apprendre quelque chose d’unique."
Je reste silencieuse un moment, hésitant entre ma méfiance naturelle et une intuition plus profonde.
"D’accord," dis-je enfin. "Si cela peut aider, pourquoi pas."
Selene sourit, visiblement satisfaite. "Merci, Lyra. Cela pourrait nous apprendre beaucoup, à toi comme à nous."
En retournant à mon poste, une impulsion me pousse à attraper le flacon dans mon sac.
"Tiens," dis-je en tendant les vitamines à Selene. "Cela te fera gagner du temps."
Elle prend le flacon avec précaution, son regard pétillant d’une intensité que je ne comprends pas.
Je me réinstalle à mon poste, un poids étrange sur les épaules. Une partie de moi sait que cet échange marque un tournant. Mais vers quoi ? Je n’ai aucune idée.
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