Chapitre 12

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Lyra

"J’espère que tout se passe bien pour toi, ma petite louve. Ton père et moi pensons fort à toi."

Ma petite louve. Ces mots résonnent en boucle dans ma tête, comme un écho insistant. Cela a toujours été un surnom affectueux, rien de plus… jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, ils prennent un tout autre sens. Les rêves, les sensations, les inhibiteurs… Comment peut-elle m’appeler ainsi après m’avoir caché tant de choses ?

Je fixe le message, mes doigts tremblant légèrement sur le clavier. Répondre par message serait vain. La rage qui m’habite depuis ce matin semble prête à exploser, incontrôlable. J’ai besoin de réponses. Maintenant.

Je prends une profonde inspiration et allume mon ordinateur pour un appel vidéo. Ça sonne. Chaque tonalité me rapproche d’une confrontation que je redoute autant que je la désire. Après quelques instants, l’écran s’éclaire et le visage familier de ma mère apparaît.

"Lyra, ma chérie !" dit-elle en souriant, ses yeux brillants d’amour et de douceur.

Mais je ne peux répondre à ce sourire. Pas aujourd’hui.

"Maman," dis-je d’une voix tendue. "À quoi, exactement, suis-je allergique ?"

Elle cligne des yeux, visiblement prise de court. "Eh bien… tu sais, à ce pollen rare. C’est pour ça que je te fais tes soins et tes vitamines. Pour te protéger."

Je serre les dents, la mâchoire crispée. Tout en moi hurle qu’elle ment. "Quel pollen, précisément ? Et qu’est-ce que tu mets dans ces produits ?"

Elle hésite, ses mots maladroits et imprécis. "Oh, euh, c’est une combinaison naturelle, rien de bien compliqué. Juste des plantes… pour renforcer ton immunité, ma petite louve."

"Ça suffit, maman." Ma voix, rauque et glaciale, ne ressemble pas à la mienne. "Je sais. Je sais pour l’inhibiteur génétique."

Son visage se fige. Une ombre passe dans ses yeux, et pour la première fois, je vois une vraie peur.

"Lyra… je… Je voulais te protéger," murmure-t-elle.

"De quoi ?" La rage qui gronde en moi s’impose dans chaque mot. "Qu’est-ce qu’il y a dans mes gènes que tu as besoin d’inhiber ? Pourquoi m’as-tu menti toute ma vie ?"

Elle prend une profonde inspiration, et son visage se ferme, comme si elle portait un poids qu’elle ne pouvait plus cacher. "Je n’ai jamais voulu te faire de mal," dit-elle doucement. "Tout ce que j’ai fait, c’était pour te protéger."

"Me protéger de quoi ?"

Elle baisse les yeux, visiblement troublée. Puis elle murmure : "De toi-même. Et de ceux qui te voudraient du mal à cause de ce que tu es."

Ces mots tombent comme une sentence.

"Ce que je suis ?" répétai-je, ma voix à peine plus qu’un souffle.

Elle hoche la tête, ses yeux brillants d’émotions qu’elle ne cherche plus à dissimuler. "Tu as toujours été spéciale, Lyra. Différente. Ton père… ton vrai père… il le savait, lui aussi. C’est pour ça qu’il est mort."

Un frisson glacé parcourt mon échine. Ces mots, cette révélation, ce poids qu’elle me déverse… Tout en moi vacille entre colère et incompréhension.

"Explique-moi," exigeai-je, ma voix se raffermissant malgré le chaos en moi. "Qu’est-ce que ça signifie ? Pourquoi est-il mort ? Qu’est-ce que j’ai à voir avec ça ?"

Elle détourne le regard un instant, comme si affronter le mien était une épreuve insurmontable. Lorsqu’elle parle enfin, sa voix est basse, chargée d’émotions.

"Ton père… ton père n’était pas comme les autres. Ni moi d’ailleurs. Et toi, encore moins." Sa voix vacille légèrement. "Il y avait en lui quelque chose de sauvage, de puissant. Une force que beaucoup craignaient… et désiraient. Ce qui coule dans ton sang, Lyra, c’est cette même force. Cette nature… inhumaine."

Je recule légèrement, le souffle coupé. "Inhumaine ? Que veux-tu dire ?"

Elle hoche la tête, les larmes menaçant de couler. "Ils ont traqué notre famille, nos amis. Ton père a donné sa vie pour que nous puissions fuir. Pour que tu survives. Mais je savais que si cette partie de toi se réveillait…"

Elle s’arrête, incapable de continuer.

"Alors tu as décidé de l’étouffer," dis-je, la voix tremblante de colère. "Tu as décidé de me priver de ce que je suis ?"

"Je voulais te protéger !" s’écrie-t-elle, son visage ravagé par l’émotion. "Tu ne comprends pas, Lyra ! Ils t’auraient tuée, comme ils ont tué ton père. Ton côté sauvage, ta… ta vraie nature… c’est ce qui les effraie. Et c’est ce qui te rend vulnérable."

Je secoue la tête, incapable de croire ce que j’entends. Ses mots ne forment qu’un puzzle incomplet, une vérité à moitié révélée.

"Qu’est-ce que je suis, maman ?" demandai-je, les poings serrés. "Dis-le-moi. Je veux la vérité."

Elle hésite, son regard fuyant. "Je… je ne peux pas," murmure-t-elle.

"Pourquoi pas ?”

Elle détourne légèrement le regard, une ombre de douleur traversant son visage. Puis elle murmure, presque en un souffle :

"Parce que je ne suis pas dans la capacité de te donner ces réponses, Lyra."

Son ton est lourd, comme si chaque mot portait un poids qu’elle ne pouvait plus supporter. "Tu devras le découvrir par toi-même.”

Un silence lourd s’installe. La colère, la douleur, et l’incompréhension se mêlent en moi, formant une tempête incontrôlable.

"Je ne peux pas te pardonner pour ça," dis-je finalement, ma voix brisée.

Ses yeux se remplissent de larmes, mais elle hoche la tête, comme si elle s’attendait à ces mots. "Je sais."

Je coupe l’appel. L’écran devient noir, mais la rage en moi est loin de s’éteindre.

L’air de mon appartement est lourd, étouffant. C’est comme si je suffoquais, enfermée dans une cage invisible.

Je me lève, le souffle court, et ouvre la fenêtre. La lune, pleine et brillante, m’observe, imposante. Son éclat m’attire, comme une promesse silencieuse de liberté.

Mais ce n’est pas suffisant. L’air reste trop épais. Mon cœur bat à tout rompre, et quelque chose en moi gronde. Sauvage. Prêt à éclater.

Machinalement, j’attrape ma parka et quitte l’appartement. J’ai besoin de marcher, de respirer. J’ai besoin d’espace pour laisser cette force en moi s’exprimer.

Dehors, la nuit est froide, mais elle ne suffit pas à apaiser la tempête qui rugit en moi.

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