Chapitre 13
Daemon
Sous la pleine lune, la forêt respire, chaque ombre amplifiée par sa lumière argentée. L’air vibre d’une énergie brute, une pulsation presque vivante qui guide chaque membre de l’Égide Noire. Nous nous élancions comme une seule entité, plus d'une centaine de loups suivant mes mouvements avec une harmonie instinctive. Nos corps puissants se faufilent entre les arbres, nos pattes frappant le sol dans une cadence parfaite. La chasse est notre essence, notre exutoire.
Mais ce soir, ma concentration vacille.
"Elle est là," grogne Artémis dans mon esprit. "Elle t’attend."
Je la sens. Malgré l'aconit qui masque encore sa louve, Lyra est proche. Sa chaleur douce et brûlante m’appelle.
Je ralentis, mes pattes s’arrêtant sur le sol couvert de mousse. Derrière moi, la meute s’immobilise immédiatement, leurs regards levés vers moi.
"Continuez," dis-je mentalement à travers le lien qui nous unit. Mon ordre est simple, mais empreint de ma volonté. Ils obéissent sans hésitation, se dispersant dans la forêt, leurs silhouettes disparaissant dans l’ombre.
Je reste seul.
Un grondement sourd monte en moi alors que je m’élance à nouveau, mes pattes frappant le sol avec une urgence que je ne peux contenir. La forêt défile autour de moi, chaque arbre, chaque bruissement amplifié par mes sens. L’odeur de Lyra guide mes pas, cette fragrance unique, comme elle. Ce doux mélange de bois, de musc subtilement sucré.
"Tu perds du temps !" rugit Artémis, impatient. "Elle nous appelle !"
Puis, je la vois.
Elle est là, debout entre les arbres, baignée dans une lumière lunaire qui semble faite pour elle. Ses cheveux sombres brillent comme de l’encre sous l’éclat argenté. Ses yeux verts cherchent dans l’ombre, brûlants d’une intensité qui me coupe le souffle.
Je ralentis, mes pas devenant presque silencieux. Nos regards se croisent et le temps s'arrête. Ses pensées me frôlent comme des éclats d’instincts bruts : confusion, colère, désir.
"Elle nous ressent," grogne Artémis, satisfait.
Elle avance d’un pas, hésitante. Je peux sentir la lutte en elle, cette bataille entre son humanité et cette louve endormie, enfermée par cette barrière invisible. Ses pensées brutes frôlent les miennes : confusion, colère, un désir qu’elle ne comprend pas encore.
Je m’approche lentement, chaque muscle tendu. Elle ne recule pas.
"Te voilà," murmure Artémis. Sa voix résonne avec une certitude absolue. "Elle est à nous."
À cet instant, je pourrais tout lui dire. Hurler cette vérité qu’elle porte en elle, qu’elle ignore encore. Mais je n’en fais rien. Ce n’est pas encore le moment.
Je m’arrête à quelques pas d’elle. Mon souffle se mêle au sien, irrégulier, précipité. Son cœur bat fort, résonnant avec le mien dans un rythme qui semble nous unir au-delà des mots. Une étincelle, fragile mais indéniable, passe entre nous.
“Je suis tien et tu es mienne.” Les mots quittent mes lèvres comme un serment. Une vérité que je ne peux plus contenir.
Ses yeux s’agrandissent, un mélange d’éveil et de reconnaissance traverse son regard. Elle vacille.
Ses jambes fléchissent, son corps tremble, incapable de supporter la tension qui la traverse.
"Non !" hurle Artémis, sa rage teintée de panique.
Je bondis en avant, repassant à ma forme humaine en une fraction de seconde pour la rattraper avant que son corps ne s'effondre sur le sol.
Sa chaleur contre moi est un paradoxe : apaisante et dévastatrice. Son souffle est erratique, son cœur bat trop vite, comme s’il tentait de rattraper le temps perdu.
"Elle est trop faible," gronde Artémis, sa fureur déferlant dans mon esprit. "Ramène-la. Maintenant."
Je la soulève avec précaution, son corps brûlant et fragile reposant contre le mien. Ses murmures indistincts, presque suppliants, me brisent.
Je cours, mes pieds nus frappant la terre avec une urgence désespérée. Les arbres défilent, mais je ne les vois pas. Mon esprit tout entier est focalisé sur elle.
L’ombre imposante de la demeure des Lykos apparaît enfin, un refuge dressé sous l’éclat impérieux de la lune. Sa lumière froide semble me narguer, me rappelant que malgré ma force, je ne peux pas effacer les entraves qui l’enchaînent seule.
Lyra frémit dans mes bras, son souffle irrégulier effleurant ma peau. Chaque battement précipité de son cœur résonne avec une urgence que je ne peux ignorer.
"Elle est mienne," grogne Artémis, un écho vibrant dans ma poitrine.
Et je sais que je ferai tout pour l’aider à se retrouver.
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